jeudi 12 avril 2012

La ballade de Lila K de Blandine Le Callet

Dans un futur pas si lointain, Lila, toute jeune enfant, est violemment enlevée à sa mère par des hommes en noir. Elle se retrouve au Centre, sorte de pensionnat carcéral, où elle réapprend à marcher et parler, où elle est nourrie de force et où elle subit de nombreux examens médicaux. Elle est filmée 24h/24 et ses moindres gestes sont surveillés. Lila grandit au centre et ,si elle ne se souvient plus de sa vie antérieure, elle n'oublie jamais sa mère, qui réside peut-être encore dans ce qu'ils appellent la Zone, cet espace extra-muros, où la violence et la pauvreté font des ravages.

Dans ce futur proche, plus personne ne lit de livres car ils sont accusés de déclencher de graves allergies par le contact du papier. Tout le monde a un "grammabook", sorte de liseuse électronique du futur, et tous les documents imprimés, journaux et livres, sont numérisés un à un, après avoir été contrôlés et censurés s'il le faut. L'Histoire est réécrite et la Zone et ses émeutes sont présentées sous leur plus mauvais aspect. Tout le monde est surveillé, les naissances sont contrôlées et doivent d'abord être acceptées par les autorités. Tous ou presque ont subi des opérations de chirurgie esthétique, plus ou moins réussies, pour gommer la moindre ride. Enfin, d'étranges d'êtres ont fait leur apparition : les chimères, moitié-humain, moitié-animal, issues d'expériences scientifiques ratées, mais aussi de magnifiques chats dont le pelage multicolore varie au fil des saisons.

En grandissant, Lila devient une belle jeune fille, intelligente, mais asociale et refusant le moindre contact physique, qui n'a de cesse de retrouver sa mère à laquelle elle a été arrachée. Heureusement, dans ce monde chaotique, Lila rencontre des personnes qui vont l'aider à se construire : M. Kauffman, le directeur du centre lui fait découvrir les livres (imprimés). Milo Templeton, le directeur de la Grande Bibliothèque, la prend sous son aile à sa sortie du Centre et devient son ami. Chaque rencontre qu'elle fera, dans le centre et à l'extérieur, lui apporteront toutes quelque chose et l'aideront à avancer.

La ballade de Lila K est donc une dystopie (une contre-utopie) aux aspects de roman initiatique, représentant Paris aux alentours des années 2100. J'ai d'ailleurs aimé retrouver certains éléments du paysage urbain parisien : la Grande bibliothèque et ses quatre tours, dont une a été détruite pendant des émeutes, rappelle bien évidemment le site François-Mitterrand de la BnF. Il y a aussi la coulée verte, le périphérique etc.

Au final, j'ai bien aimé ce roman qui reprend, sans beaucoup d'originalité d'ailleurs, les codes de la science-fiction dystopique. Je ne l'ai pas trouvé aussi abouti que d'autres dystopies que j'ai lues, comme Auprès de moi toujours, ou encore, mais dans une moindre mesure, 1Q84. J'ai trouvé que le monde futuriste décrit manquait de profondeur et de détails : on reste à Paris et on ne sait pas trop ce qu'il se passe ailleurs. J'ai aussi été un peu déçue par la résolution du mystère sur la disparition de la mère de Lila mais je n'en dirai pas plus pour ne pas tout dévoiler...

Extraits :

** Quand je suis arrivée dans le Centre, je n'étais ni bien grande, ni bien grosse, ni en très bon état. Ils ont tout de suite cherché à me faire manger. Me faire manger, c'était leur obsession, mais c'était trop infect. Chaque fois qu'ils essayaient, je détournais la tête en serrant les mâchoires. Lorsqu'ils parvenaient malgré tout à me glisser une cuillerée dans la bouche, je la recrachais aussitôt. Plusieurs fois j'ai vomi, de la bile et du sang. C'est écrit sur le rapport.
Finalement, ils m'ont attachée sur mon lit, puis ils m'ont enfoncé une sonde dans le nez, m'ont nourrie par là. On ne peut pas dire que c'était confortable, mais enfin, c'était mieux qu'avaler leurs immondices.**

**Quand j'ai eu terminé tous les livres contenus dans la caisse - des contes, des romans, des albums illustrés, plusieurs essais d'histoire et de sociologie, des poèmes en latin, et un traité d'architecture -, M. Kauffmann les a remportés, et m'en a prêté d'autres. Je les ai dévorés avec le même plaisir, la même frénésie. Ils n'avaient pas tous à mes yeux un égal intérêt, mais au fond, c'était sans importance. Je me moquais un peu du contenu des livres. ce que je recherchais, surtout, c'est le pouvoir qu'ils m'accordaient. J'arrivais grâce à aux à m'abstraire de ma vie. J'oubliais le Centre, sa routine et son lot de contraintes épuisantes. J'oubliais qu'on m'avait confisqué ma maman. J'étais ailleurs, loin du monde, loin de moi. C'est parfois reposant de se perdre de vue.**


Pour aller plus loin, notamment sur l'aspect SF de La ballade de Lila K, je vous invite à aller lire les deux très bons billets de Cachou et Jostein ainsi que les commentaires de ce billet.

Ce roman fait partie de la sélection d'avril du Prix des Lecteurs - Livre de Poche.


7 commentaires:

  1. Hmmm malgré tout, cela me donne bien envie de le lire, pour m'en faire une idée !
    :)

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  2. Si tu veux que je te l'envoie, n'hésite pas !

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  3. Je suis contente que l'on retrouve ce livre dans l'actualité grâce â sa sortie en format poche. J'ai beaucoup aimé ce livre. Même si l'auteur n'invente rien dans le domaine de la SF, j'ai aimê son côtê humain. Merci d'avoir mis un lien vers ma chronique.

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    1. De rien :)
      Je pense que tu aimeras également Auprès de moi toujours, si tu ne l'as pas déjà lu.

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  4. Je suis plutôt d'accord. Mais je dois dire que, quelques mois après, il ne m'en reste quasiment plus aucun souvenir...
    En espérant que ça donnera envie aux gens de lire de la SF qui remue les méninges ^_^.

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  5. Un très bon souvenir de lecture pour moi.

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