mardi 13 novembre 2012

Home de Toni Morrison

Home débute par un chapitre de quelques pages dans lequel un personnage s'adresse au lecteur et raconte un épisode de son enfance : alors qu'ils observent des chevaux sur une terre privée, ils assistent en cachette à l'enterrement d'un homme noir. Ce personnage, c'est Franck Money, le héros de Home, ancien soldat de retour de guerre de Corée, qui doit traverser les États-Unis, de Seattle en Géorgie, pour retrouver sa sœur malade. Durant son voyage, il affronte le racisme ambiant, la misère, la pauvreté et le manque de reconnaissance envers les anciens combattants noirs qui se sont pourtant battus au côté des blancs. Quant à sa sœur, Cee, elle est gravement malade suite aux expériences eugénistes qu'un médecin blanc a faites sur elle. 

Dès le premier chapitre, j'ai été captivée par l'écriture de Toni Morrison : poétique, lyrique dans la description du combat entre chevaux ([...] ils se sont dressés comme des hommes. Les sabots en l'air qui cognaient et frappaient, la crinière rejetée en arrière pour dégager des yeux blancs affolés. Ils se mordaient comme des chiens mais quand ils se sont mis debout, en appui sur leurs jambes de derrière, celle de devant autour du garrot de l'autre, on a retour notre souffle, émerveillés") et puis, un élément subtil fait basculer le lecteur, du sublime à l'horreur : "Un pied dépassait du bord et tremblait, comme s'il pouvait sortir, comme si, en faisant un petit effort, il pouvait surgir de la terre qui se déversait."

A plusieurs reprises dans le roman, Franck s'adresse directement au lecteur, racontant des souvenirs ou corrigeant le narrateur principal afin de rétablir sa vérité. J'ai trouvé cette mise en situation très intéressante, offrant plusieurs perspectives sur le même événement et permettant de mieux comprendre. Franck Money, au-delà de son désir de sauver sa sœur, cherche à se reconstruire après les horreurs qu'il a subies, et qu'il a commises, durant la Guerre et qui reviennent régulièrement le hanter sous la forme d'hallucinations visuelles et auditives.

Toni Morrison aborde sans tomber dans le pathos, des thèmes sociaux : le racisme, la misère, la ségrégation raciale, les lynchages... Elle a écrit un livre court, mais efficace, en ce sens qu'en peu de pages, elle diffuse une telle force et une telle violence que la lecture du texte ne peut laisser indifférent le lecteur. En tout cas, Home, première découverte de Toni Morrison, a été pour moi un coup de cœur énorme.

Ce livre a été lu dans le cadre des matchs littéraires de PriceMinister et je lui attribue la note de 18/20.

jeudi 18 octobre 2012

Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane


Après avoir été répudiée par sa mari sous un faux prétexte, Khadîdja quitte le Mali et s'intalle à Paris où elle vit seule avec ses quatre enfants dans le quartier de Château-Rouge. Chaque jour est un combat : elle se bat pour trouver assez de nourriture pour ses enfants alors qu'elle ne travaille plus, elle se bat contre les vieilles traditions maliennes qui l'excluent la communauté parce qu'elle a une relation avec un homme blanc, elle se bat contre ses voisines maliennes qui aimeraient qu'elle soit comme elles, grosse, mariée et soumise et elle se bat contre la rue qui abrite trafics en tout genre et  qui pourraient compromettre son fils aîné. 

Des fourmis dans la bouche est un roman très dur, très noir qui aborde l'aspect négatif de l'immigration, celui dans lequel les immigrés ne sont pas intégrés et vivent en communauté dans des conditions abominables où l'insalubrité et la faim règnent. Et dans ce monde où les femmes n'ont pas la parole, Khadîdja tente de surnager et face à ses difficultés, s'interrogent sur sa foi en Dieu. Pourquoi laisse-t-il ses enfants crever de faim ? « C'est aujourd'hui que je veux savoir, insistai-je. Dis-moi si oui ou non Dieu existe, et si oui, pourquoi Il ne répond pas à mes prières. Depuis hier, mes enfants et moi n'avons rien avalé. Nous avons des fourmis plein la bouche. Alors, dis-moi si, oui ou non, Il me donnera à manger. » 

J'ai bien aimé ce roman, mais j'ai été un peu déçue par la fin assez brutale, qui laisse planer le doute sur le devenir de Khadîdja et de ses enfants.

Lu dans le cadre du Prix océans.

lundi 15 octobre 2012

La machine infernale de Jean Cocteau

Obéissant à l'oracle, Œdipe résout l'énigme du Sphinx, tue son père et épouse sa mère. La peste s'abat sur Thèbes qui a couronné un inceste et un parricide. Quand un berger dévoile la vérité, la machine infernale des dieux explose. Œdipe se crève les yeux et sa mère se pend. (présentation de l'éditeur)

J'ai aimé :

- la réécriture du mythe d'Œdipe : passionnée par le mythe, je n'avais pas encore lu adaptation par Jean Cocteau. Il reprend les mêmes personnages, Œdipe, Jocaste, le Sphinx, Antigone, Créon, mais à sa sauce : par exemple, Œdipe est un jeune homme arrogant à qui on a donné la réponse de l'énigme du Sphinx mais qui se fait passer pour un héros et le Sphinx est une belle jeune fille amoureuse.
- l'introduction du surnaturel : dans cette pièce de théâtre, il y a le fantôme de Laïus qui revient pour prévenir Jocaste du danger qui arrive, le Sphinx se transforme monstre ou en jeune fille, le dieu Anubis qui apparaît et disparaît. Cocteau introduit tout plein de petits détails à mi-chemin entre le réel et le surnaturel.Il accorde également beaucoup d'importance aux rêves et à ce qu'ils révèlent, notamment dans la scène de nuit de noces entre Jocaste et Œdipe, qui s'endorment à tour de tour en divaguant et parlant à haute voix.
- le double sens des dialogues : puisqu'on connaît la vérité sur les liens qui unissent Œdipe et Jocaste, on décèle tous les indices et on s'amuse à les repérer bien avant que les personnages ne comprennent eux-mêmes.

Je n'ai pas aimé : Rien du tout !

Au final, Cocteau réécrit en 1932 l'Œdipe roi de Sophocle, en le modernisant et en y ajoutant même une touche d'humour. Il en ressort que l'homme n'est pas libre, ni même les héros, ni mêmes les dieux et le Sphinx, qui dépendent d'une destinée, et dans ce cas précis, d'une machine infernale.

mercredi 10 octobre 2012

Sauvage de Nina Bouraoui


Imaginez une jeune fille de 14 ans, Alya, qui vit en Algérie, à la fin des années 1970. Elle est entre deux âges, celui de l'enfance et celui de l'adolescence. Elle garde encore des peurs d'enfant mais connaît également, les premiers émois, les premières amours et découvre la sexualité, celle des adultes. Alors pour faire face à ces changements, de son corps et de son esprit, elle écrit tout ce qui lui vient par la tête, ses souvenirs, ses expériences, sa vie à Alger dans l'attente de l'année 1980 qui arrive et qui promet des changements. Elle parle surtout de Sami, celui qui l'aime, et qui a disparu. 
On est littéralement plongés dans l'esprit d'Alya, qui écrit un long texte, sans chronologie apparente, et qui passe d'un sujet à un autre au gré de ses pensées qui s'agitent. On est parfois perdus par la confusion du texte, on revient en arrière pour retrouver le fil de ses pensées qu'on n'a oublié de suivre. C'est une lecture active, voire difficile, à laquelle il faut s'accrocher, mais le tout est sauvé par une magnifique écriture, pleine de poésie, très construite, qui utilise phrases courtes et fragmentées, et qui possède une véritable musicalité. Sauvage est un beau roman, celui de la peur du passage de l'enfance à l'adolescence, liée à la peur du pays face à l'année 1980.

Extrait :
Je n'ai pas peur de la nuit avant de m'endormir, je n'ai pas peur des esprits, j'ai peur de ce qui existe. Je crois que j'ai peur de la vie, comme on me l'a donnée, proposée. Parce que j'ai toujours l'impression de ne pas avoir le choix. D'être obligée de suivre les autres, le monde. La marche du temps. C'est comme un écrasement de savoir ça. D'être obligée de l'accepter pour devenir une vraie personne, c'est-à-dire une personne qui trouve sa place, qui s'inscrit dans ce monde et qui participe, avec les autres, à la marche, sans jamais pouvoir l'arrêter, ou lui faire changer de sens. La rotation des planètes. Toujours.

Lu dans le cadre du Prix Océans.

samedi 6 octobre 2012

Le Prix des Lecteurs Livre de poche : résultats !



La cérémonie de remise des prix a eu lieu le jeudi 5 octobre et voici les résultats !

Pour le Prix des lecteurs littérature, deux romans sont arrivés en tête ex æquo :


Pour le Prix des lecteurs Polar, est arrivé en tête :


Enfin, les libraires ont décerné leur prix au roman Purge de Sofi Oksanen.

Bravo aux gagnants ! Et un énorme merci aux éditions Livre de Poche pour m'avoir permis de participer à cette belle expérience riche en découvertes et en partage !

jeudi 27 septembre 2012

Le glacis de Monique Rivet

Laure, jeune professeure française, est en poste en Algérie pendant la guerre d'Algérie. Elle assiste aux "événements" avec un regard totalement ingénu. Elle qui vient à peine de débarquer du côté d'Oran, ne comprend pas pourquoi les populations ne sont pas mêlées, pourquoi une jeune femme française ne doit pas fréquenter des Algérien(ne)s, pourquoi il est mal vu d'entretenir une relation avec un Espagnol. Elle traverse tous les jours le "glacis", cette très longue avenue bordée d'acacias qui sépare la ville européenne de la ville indigène, sans se douter qu'elle se compromet et que petit à petit, on se met à la surveiller...

Laure est un personnage profondément humain, qui ne fait pas de différence entre les "Français", les "Arabes", les "Espagnols". Elle porte sur les événements auxquels elle est confrontée un regard très naïf, peut-être trop, qui la fait paraître fraîche et innocente au milieu des violences, des tortures, des disparitions. Car Le glacis n'est pas seulement le roman d'une jeune femme qui découvre les atrocités que peuvent commettre les hommes, c'est aussi un roman qui dénonce le comportement de l'armée française en Algérie, l'existence de camps d'emprisonnements et de tortures. A plusieurs reprises, Laure se place du côté des Algériens de souche, les colonisés qui voient que la France ne les protège plus, que leurs commerces sont pillés, que leurs proches sont arrêtés et qu'ils ne reviennent pas. Alors, petit à petit, certains rejoignent le maquis.

L'écriture de Monique Rivet, à cette époque, est comme son héroïne : légère et pure. Et pourtant, elle parvient à bien faire ressortir la dislocation des relations entre les personnages qui, peu à peu, marqués par les violences auxquelles ils sont exposés, vont se déchirer. J'ai trouvé que ce roman manquait parfois de maturité mais il a en fait été écrit en 1956 ou 1957 par Monique Rivet, arrivée en Algérie en 1956 à l'âge de 24 ans. Il n'a été publié que récemment, alors que l'on vient de fêter les cinquante ans de l'indépendance algérienne. Il aurait mérité d'être publié pendant la guerre d'Algérie pendant laquelle il aurait sûrement eu un impact très important. Cependant, par ses thèmes et la façon de les aborder, il reste universel et je vous le conseille vivement.

Lu dans le cadre du Prix Océans.

lundi 24 septembre 2012

La Voie des indés chez Libfly !


Si vous ne connaissez pas encore Libfly, n'hésitez pas à vous inscrire : vous pourrez créer votre bibliothèque virtuelle, partager vos lectures avec l'ensemble de la communauté, assister à des rencontres exceptionnelles avec des éditeurs et auteurs et participer aux opérations "Un livre en échange d'une critique" comme celle qui a lieu actuellement : "La Voie des indés".
Bonnes lectures indépendantes !

jeudi 20 septembre 2012

Prix des lecteurs Livre de Poche : bilan de l'été


Je ne suis pas très présente sur ce blog en ce moment, faute à la reprise du travail qui occupe bien mes journées ! Et je me suis rendue compte que je n'avais pas fait le bilan des mois de juillet et août pour le Prix des lecteurs Livre de Poche.



Pour le mois de juillet, nous devions lire :

Apocalyspe bébé de Virginie Despentes
Les Aventures fantastiques d'Hercule Barfuss de Carl-Johan Vallgren
L'impossible pardon de Randy Susan Meyers
Kane et Abel de Jeffrey Archer

J'ai voté pour Kane et Abel comme la majorité des autres jurys.


Pour le mois d'août, nous devions lire :

Ru de Kim Thuy
Quand la nuit de Cristina Comencini
Jack Rosenblum rêve en anglais de Natasha Solomons
Comme des larmes sous la pluie de Véronique Biefnot

J'ai voté pour Ru mais c'est Jack Rosenblum rêve en anglais qui a recueilli le plus de voix.

Il s'agissait des derniers romans à lire pour le Prix des lecteurs. Nous avions encore un vote à faire : élire notre roman préféré parmi les titres qui ont été sélectionnés mois après mois.

Sélection finale :

 - février = Le Front russe de Jean-Claude Lalumière
 - mars = Le Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
 - avril = La Ballade de Lika K de Blandine Le Callet
 - mai = Purge de Sofi Oksanen
 - juin = La Montagne invisible de Carolina de Robertis
 - juillet = Kane et Abel de Jeffrey Archer
 - août = Jack Rosenblum rêve en anglais de Natasha Solomons

Le choix a été plus dur étant donné que j'avais voté pour ces livres-là, pour la plupart. J'ai finalement choisi La Montagne invisible de Carolina de Robertis qui m'avait beaucoup plu. Le résultat du dernier vote est tenu secret jusqu'à la remise du Prix qui aura lieu le jeudi 4 octobre. Je ne manquerai pas de vous informer du résultat !

lundi 10 septembre 2012

Une odeur de henné de Cécile Oumhani

Kenza est une jeune femme médecin dans un hôpital de campagne en Tunisie. Depuis toujours, elle se sent différente, de sa famille et de ses connaissances au village. Grâce à son père cultivé, elle a pu étudier et choisir un métier qu'elle aime. Mais maintenant qu'elle est médecin, sa famille entend bien la faire rentrer dans le droit chemin : prendre un mari, faire des enfants et tenir une maison. Kenza se révolte d'abord et finit par accepter de se fiancer à condition qu'elle puisse partir un an à Paris pour travailler dans la recherche. Kenza vit alors une année riche en découvertes, chocs culturels et émotions. Va-t-elle trouver la liberté qu'elle recherche ?

Une odeur de henné, publié en 1999, est le premier roman de Cécile Oumhani. Ce n'est pas le premier que je lis de cette auteure franco-britanno-tunisienne : j'avais beaucoup aimé Le Café d'Yllka, publié aux éditions elyzad. C'est avec plaisir que j'y ai retrouvé la même belle écriture poétique et imagée :

"Elle marche, portée très loin de la foule qui se bouscule par la perspective qui s'ouvre à elle. La clameur des étourneaux nichés dans les ficus de l'avenue principale accompagne sa rêverie et l'isole des passants. Elle accueille l'éclat des gerbes de rose et de glaïeuls aux étals des fleuristes comme une autre bouffée de joie venue célébrer une journée très particulière. Elle repousse avec insouciance les œillades des jeunes gens. L'arrogance de ces hommes qui remettent en question son droit de marcher seule dans une rue ne l'irrite même plus. Elle est déjà ailleurs, chargée d'une mission autre, sous des instances dont ils ne soupçonnent pas l'existence."

Le personnage de Kenza ne peut que toucher le lecteur, et surtout une lectrice. Elle est jeune, belle et intelligente, elle se révolte contre sa condition de femme destinée à se marier, à élever ses enfants et à s'occuper de sa maison. Elle est écœurée, et le lecteur comme elle, par toutes les odeurs qui lui rappellent cette condition : l'odeur des tajines, des pâtisseries que les femmes cuisinent à longueur de journée, l'odeur du sang du mouton que l'on égorge et l'odeur du henné que l'on applique sur les mains des jeunes fiancées. 

Alors, quand elle se rend à Paris, on pourrait croire qu'enfin, elle trouve cette liberté tant souhaitée. Pourtant, le choc est rude : elle est surprise par le comportement des hommes et des femmes dont les différences semblent gommées (le compagnon de son amie française, Claire, cuisine !), gênée par la spontanéité des rencontres, des contacts. Et surtout, elle est troublée par la naissance de sentiments inconnus envers un homme, Jacques, qu'elle rencontre. Pour se protéger, elle se renferme sur elle-même et sous le foulard et la tunique noire qu'elle choisit de porter.

Puisque ce n'est pas à Paris qu'elle trouve la liberté, elle choisit de quitter ce pays qui n'est pas le sien et de retourner auprès de sa famille et de son fiancé qui l'attend. Elle accepte en toute conscience son mariage, sans pour autant perdre la liberté de ses pensées. Alors, on peut être déçu ou interloqué par cette fin, car on n'aurait pas fait les mêmes choix que Kenza, et pourtant on admire son courage.

Ce roman fait la part belle aux femmes, à travers le personnage rebelle de Kenza mais aussi de Khadija la bédouine, sa plus proche amie et son exemple, qui ne quitte jamais ses pensées. Il y a aussi Faten, l'amie égyptienne qui partage la chambre de Kenza à Paris, soumise à la volonté de son frère au Caire qui l'oblige à porter le foulard, et qui ne fera pas les mêmes choix que Kenza. C'est aussi un roman universel qui aborde des questions toujours actuelles : la condition des femmes, leur droit à l'éducation, le port du voile. Une très belle lecture que je vous conseille vivement !

vendredi 7 septembre 2012

Le retour des matchs de la rentrée littéraire par PriceMinister !


Encore une fois, PriceMinister nous offre un beau cadeau pour cette rentrée : les matchs de la rentrée littéraire ! Il s'agit pour nous blogueurs de choisir un livre parmi les douze sélectionnés, de le lire bien sûr et de le chroniquer sur notre blog.

La sélection 2012 : 

Parfums, Philippe Claudel (Stock)
Pour seul cortège, Laurent Gaudé (Actes Sud)
Barbe Bleue, Amélie Nothomb (Albin Michel)
Oh…, Philippe Djian (Gallimard)
Une place à prendre, J. K Rowling (Grasset)
Home, Toni Morrison (Christian Bourgeois)
Les affreux, Chloé Schmitt – (Albin Michel)
L’amour sans le faire, Serge Joncourt (Flammarion)
Je vais passer pour un vieux con, Philippe Delerm (Seuil)
Gains, Richard Powers (Cherche-Midi)
Un week-end en famille, François Marchand (Cherche-Midi)
Tigre tigre !, Margaux Fragaso (Flammarion)

Retrouvez tous les informations pour participer à cet événement sur le blog de PriceMinister !

J'hésite fortement entre tous ces titres alléchants... Et vous ?

lundi 3 septembre 2012

En chute libre de Carl de Souza

Jeremy Kumarsamy, joueur professionnel de badminton, est contraint d’arrêter sa passion à la suite d’une blessure qui l’handicape fortement. Il revient dans la maison de son enfance, située dans une ancienne colonie anglaise et c’est l’occasion pour lui de revenir sur son passé.  

Le début du roman est prometteur : le narrateur évoque le départ du gouvernement britannique de l’île et de tout ce que cela implique : conflits, émeutes sanglantes vus par le jeune garçon qu’est Jeremy à cette époque. La figure du père autoritaire, qui ne quittera jamais le roman, apparaît : d’abord parce qu’il est proche des Anglais et qu’il ne souhaite pas les voir partir, ensuite parce qu’il est un ancien champion de badminton dont les victoires reviendront hanter Jeremy. On a donc des éléments intéressants : un conflit historique et une relation conflictuelle avec le père.  

Malheureusement,  j’ai trouvé que Jeremy restait en dehors des événements, et ce dans tout le roman. Il est présent, il participe, mais il reste comme indifférent à ceux qui l’entourent. Notamment aux femmes qui l’aiment : Litchi pendant les émeutes, Malliga pendant son apprentissage, Heather pendant le tournoi de badminton, et bien sûr sa mère, après sa blessure. Il y a également sa tante Ivy, qui occupe une place importante dans sa vie, mais là encore, leur relation ne me semble pas assez développée – elle disparaît même une grande partie du roman – et ne tourne quasiment qu’autour du badminton.

Le badminton. Voilà la seule chose qui compte pour Jeremy ! On dirait qu’il ne vit que pour jouer. Et pourtant là encore, je suis déçue. Ses entrainements ressemblent à un calvaire, à une torture, et les matchs qu’il joue dans les tournois ne manquent pas d’humiliations. Autant dire que ce personnage m’a laissée indifférente. Je m’attendais à plus d’implication personnelle, notamment dans les événements comme le départ des Anglais ou ses relations amoureuses, et à plus de passion dans le récit des matchs. Je ne suis pas arrivée à entrer totalement dans ce récit, qui souffre également de quelques longueurs.

Ce roman fait partie de la sélection du Prix Océans.

samedi 11 août 2012

Rêves oubliés de Léonor de Récondo

Aïta, Ama et leurs trois enfants vivent heureux en Espagne jusqu'à ce que Franco arrive au pouvoir. Contraints de fuir leur pays, ils partent habiter en France avec les parents d'Ama et ses deux frères activistes. Ils doivent apprendre à vivre dans un pays qui n'est pas le leur, entre les menaces franquistes qui ne sont jamais loin et la Seconde Guerre Mondiale qui approche... Mais, être ensemble, c'est tout ce qui compte.

Rêves oubliés est un court mais intense roman sur l'exil. Chapitre par chapitre, on suit le point de vue de chaque personnage, des parents aux enfants en passant par les oncles. On suit leur déchirement à l'idée de quitter leur pays, leur adaptation à leur nouvelle vie, leurs regrets du temps d'avant, leurs souvenirs qui s'effacent, les humiliations qu'ils subissent car ils sont à jamais des étrangers... Mais, là où Léonor de Récondo a excellé, c'est que tout est raconté sans jamais tomber dans un pathos inutile : les personnages sont forts, courageux et se forcent à oublier leurs rêves, leur passé, pour vivre leur nouvelle vie sans tomber dans la tragédie. Car ce qui importe, c'est qu'ils soient ensemble et leur véritable force est leur famille.

C'est le personnage d'Ama, la mère, qui ressort brillamment du roman. En effet, entre les chapitres, s'insère son journal, écrit dans un petit carnet à partir de leur départ d'Espagne. Elle y consigne ses sentiments, ses émotions, son amour pour Aïta et ses enfants, et aussi les épreuves difficiles et terribles qu'elle subit entre l'envoi de ses frères dans un camp espagnol et la violence des Allemands. Le tout avec beaucoup de pudeur et une écriture poétique (il y a même des haïkus parsemés dans le roman) qui touche intensément le lecteur.

Rêves oubliés est un magnifique roman que j'ai dévoré du début à la fin sans pouvoir m'arrêter. Léonor de Récondo, que je ne connaissais pas, est une violoniste virtuose et Rêves oubliés est son deuxième roman. Reste plus qu'à me procurer, La Grâce du cyprès blanc, son premier roman.

Ce livre fait partie de la sélection pour le prix Océans organisé par France Ô et Babelio.

lundi 6 août 2012

Malta Hanina de Daniel Rondeau

Malta Hanina n'est pas un roman au sens typique du terme, c'est-à-dire qui raconte une histoire, avec un début et une fin. Malta Hanina est bien plus. Sur la demande de Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères, Daniel Rondeau devient ambassadeur de France sur l'île de Malte. Son livre est le résultat de plusieurs années passées sur l'île où il a vu « tourner les saisons, et fleurir trois fois les orangers ».
 
Malta Hanina est un journal, dans lequel il note les rencontres avec les habitants de l'île qui lui racontent leur Malte. C'est aussi un recueil d'anecdotes historiques sur Malte : des chevaliers de l'ordre de Malte à Napoléon qui a conquis l'île en passant par l'esclavage et les langues parlées, Daniel Rondeau évoque les événements et les personnages qui ont marqué Malte. On voit tout de suite que l'auteur s'est beaucoup documenté sur l'île, à la fois par des lectures (voir la bibliographie à la fin du texte) et par les érudits et historiens qu'il a rencontrés.

Daniel Rondeau a écrit une belle ode à Malte la généreuse (Malta Hanina), à Malte la multiple, à la fois catholique, musulmane et juive, à la fois paradisiaque et sujette aux plus violentes tempêtes. J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce texte car Daniel Rondeau parvient à nous faire ressentir, par le choix de ses mots et la qualité de son écriture, l'atmosphère particulière de l'île, une atmosphère chaude, isolée, colorée, et l'on parvient presque à sentir le parfum des fleurs et des fruits. C'est un très beau livre qui donne envie de voyager à Malte bien sûr, mais aussi partout ailleurs. 

Ce livre fait partie de la sélection du Prix Océans.

vendredi 3 août 2012

Les racines du yucca de Koulsy Lamko

Un écrivain africain se découvre une allergie au papier. Sur les conseils de son docteur, il quitte Mexico et se retrouve dans un village du Yucatán. Il y rencontre des rescapés de la guerre du Guatemala, dont Teresa, auteur d'un journal de guerre. Fasciné par ces écrits, l'écrivain va aider Teresa à construire son récit. En même temps, l'idée d'un roman lui vient à l'esprit...

Le roman aborde des thèmes difficiles comme le génocide, l'exil, la perte des racines, tout en conservant une pointe d'humour qui allège le récit. En effet, le narrateur rencontre des personnages hauts en couleurs qui peuplent le récit et y vont de leur petite histoire. En même temps, l'écrivain essaie de vaincre son allergie au papier et lui vient l'idée d'écrire un roman sur Léa, une de ses connaissances, devenue concubine du meurtrier de son père et de son époux. Il y a donc plusieurs bouts d'histoire qui se croisent : celle de l'écrivain, celle de Léa, celle de Teresa...

J'ai bien aimé les réflexions de l'auteur sur l'oralité de la littérature africaine et sur l'importance de la langue maternelle, notamment pour des exilés. Koulsy Lamko lui-même a quitté son pays natal, le Tchad, pendant la guerre civile, et a habité de nombreux pays. Mais j'ai été rapidement lassée par l'écriture de l'auteur qui se perd parfois dans des délires poétiques. Je regrette un manque de construction, voulu par l'auteur, qui ont rendu ce roman déroutant. Je n'ai pas accroché, à tel point que je ne suis pas parvenir à lire Les racines du Yucca jusqu'au bout, roman sûrement pas fait pour moi. 

Ce livre fait partie de la sélection du Prix Océans

mercredi 1 août 2012

Kane & Abel de Jeffrey Archer

William Lowell Kane et Wladek Koskiewicz (qui se fera appeler plus tard Abel Rosnovski) naissent le même jour, le 18 avril 1906. Le premier naît dans une riche famille de Boston, et profite de tous les privilèges dus à sa naissance : une école prestigieuse, un emploi assuré dans la banque de son père et beaucoup d'argent. Le deuxième naît en Pologne, dans une forêt et sa mère meurt à l'accouchement. Il est recueilli par une famille très pauvre, vivant dans une toute petite masure et serviteurs d'un Baron. Tout les oppose et quand ils finissent par se rencontrer aux États-Unis, une haine réciproque se construit entre eux, de malentendus en malentendus...

Le titre est bien sûr une référence au mythe biblique d'Abel et Caïn : les deux frères font des offrandes à Dieu, et parce que Dieu préfère celle d'Abel, Caïn tue son frère. Et c'est bien dans la guerre pour le pouvoir et l'argent que se mène les deux personnages qu'on retrouve un peu de ce mythe. Mais, ce qui occupe pleinement ce long récit, c'est l'Histoire des États-Unis au vingtième siècle. Le destin d'Abel et William y est pleinement ancré et ils vivent les deux Guerres puis la Guerre Froide, le naufrage du Titanic, la crise de 1929, la chasse aux sorcières de McCarthy, l'élection de Kennedy et son assassinat, la montée en puissance du capitalisme... Bref, on est plongés dans une vraie épopée américaine

Et ce roman d'environ 715 pages n'est jamais lassant, il est captivant ! On est un peu frustrés par les rencontres ratées entre Abel et William, mais on suit tour à tour leur apprentissage de la vie, leurs premières amours, leurs mariages, leurs réussites professionnelles, leurs tragédies personnelles. Kane et Abel est une très belle découverte et un de mes coups de cœur pour le Prix des Lecteurs - Livre de Poche !

Ce roman fait partie de la sélection de juillet pour le Prix des Lecteurs-Livre de Poche.


lundi 30 juillet 2012

L'impossible pardon de Randy Susan Meyers

La petite Lulu, dix ans, ouvre la porte à son père alors que sa mère lui avait interdit. Son père, complètement ivre, poignarde sa mère et blesse sa petite sœur, Merry. Avec une mère décédée et un père en prison, les deux petites filles se retrouvent chez leur grand-mère puis dans un orphelinat, et vont devoir apprendre à vivre après cette tragédie et à se reconstruire. 

Dans L'Impossible pardon, les récits sont alternés : on suit tour à tour Lulu ou Merry, de 1971 à 2003. Les deux sœurs vont prendre des chemins différents. Lulu, l'ainée, ne voudra plus entendre parler de son père, ni aller le voir et tentera de vivre en occultant toute cette tragédie, alors que Merry, qui garde pourtant sur sa poitrine la cicatrice lui rappelant sans cesse l'atrocité des actes de son père, ira le voir en prison, régulièrement, car il n'a plus qu'elle comme famille.

C'est un beau roman qu'a écrit Randy Susan Meyers. Au départ, j'étais un peu perplexe sur le côté "tragique sensationnel" du synopsis. Mais l'auteur a le don de raconter des histoires qui font que l'on s'attache aux personnages et que l'on veut connaître leur destinée. J'ai par contre été parfois perturbée par les ellipses de temps entre certains chapitres, que j'ai parfois trouvé trop grandes (les petites filles grandissent d'un coup, et prennent de l'âge très rapidement). Mais, tout est bien résumé dans chaque chapitre et le roman n'est jamais lassant. J'ai beaucoup aimé voir grandir les petites filles, les voir devenir des femmes et voir la vie qu'elles se construisent par rapport à ce père emprisonné qui ne quitte jamais leurs esprits.

Ce livre fait partie de la sélection du mois de juillet pour le Prix des Lecteurs-Livre de Poche.


vendredi 27 juillet 2012

Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga

Notre-Dame du Nil est un lycée de jeunes filles au Rwanda. Ces jeunes Rwandaises sont destinées à devenir l'élite du pays, en épousant des hommes choisis soigneusement par les familles dans l'intérêt de leur lignage. Isolé près des sources du Nil afin que les tentations ne parviennent pas jusqu'aux jeunes filles, le lycée est dirigé par le père Herménégilde et la mère supérieure, et emploie des professeurs belges, français et rwandais. Chaque année, au mois de mai, un pèlerinage est organisé en l'honneur de la Vierge Marie et tous se rendent auprès de sa statue. L'occasion pour les jeunes filles de sortir de leur lycée et de se mêler à la population, sous la vigilance constante de la mère supérieure....

Au lycée, il y a un quota ethnique : 10% des élèves doivent être Tutsi, et toutes les autres font partie du peuple majoritaire, les Hutus. Car même au lycée où tout pourrait être idyllique, la politique et la haine s'insinuent dans la vie des jeunes filles. Gloriosa, qui se voit bien en chef du lycée et représentante du peuple majoritaire, dira : "C'est cela le quota : vingt élèves, deux Tutsi, et à cause de cela, j'ai des amies, des vraies Rwandaises du peuple majoritaire, du peuple de la houe, qui n'ont pas eu de place en secondaire. Comme mon père le répète, il faudra bien nous débarrasser un jour de ces quotas, c'est une histoire de Belges !".  La belle Veronica et Virginia Mutamuriza (celle qui ne pleure jamais), les deux tutsi de la classe secondaire, vont devenir les objets principaux de sa haine... Car les Tutsi sont considérés comme des Inyenzi, des cafards, des moins que rien.

Et pourtant, pas très loin du lycée, vit Monsieur de Fontenaille, un vieux fou, peintre et anthropologue, persuadé que les Tutsi descendent des pharaons. En rencontrant Veronica, il croit voir la déesse Isis et construit un temple en son honneur.

Scholastique Mukasonga nous fait partager un an de la vie de ces jeunes filles, leurs amitiés, leurs découvertes, et puis la haine raciale, la jalousie, les complots qui s'insinuent petit à petit dans le lycée. Son écriture est très forte et les portraits des jeunes filles sont captivants. Ce roman est poignant et m'a profondément marquée. Lorsque l'on referme le livre, on ne cesse de penser au destin dramatique des jeunes filles et on se souvient alors que Scholastique Mukasonga a elle-même échappé au massacre des Tutsi. A travers le destin des lycéennes, on aperçoit le destin du peuple rwandais qui se déchire.

Ce roman fait partie de la sélection du Prix Océans 2012 organisé par Babelio et France Ô.

Scholastique Mukasonga est une écrivaine rwandaise d'expression française. Elle est l'auteur de plusieurs romans et a reçu le Prix Ahmadou Hourouma pour Notre-Dame du Nil en 2012.

mercredi 25 juillet 2012

Tangente vers l'est de Maylis de Kerangal

Aliocha, jeune russe, est appelé pour effectué son service militaire. A bord du Transsibérien qui l'emmène vers son affectation inconnue, il tente de s'enfuir. Il rencontre Hélène, une française qui traverse la Russie pour se rendre à Vladivostok et qui accepte de partager son wagon avec lui afin qu'il échappe à la traque des déserteurs.

Maylis de Kerangal nous embarque dans un huis-clos saisissant. Tout se passe à bord du Transsibérien et dans quelques gares entre Moscou et Vladivostok. Très peu de personnages peuplent ce court roman : Aliocha, Hélène, une provodnista (responsable de wagon) qui se prend d'affection pour le jeune conscrit et l'aide à se cacher et le sergent Letchov en charge des appelés. 

J'ai beaucoup aimé la relation qui se crée entre Hélène et Aliocha, relation renforcée par les heures et les jours passés seuls dans leur compartiment. Il y a très peu de dialogues dans ce roman : Hélène et Aliocha ne parlent pas la même langue et communiquent uniquement par gestes et surtout par regards. Si, à première vue, tous les opposent, ils finissent par se comprendre car quelque chose les rassemble : tous deux fuient. Aliocha fuit le service militaire, et notamment le diedovchina, le bizutage des appelés : "et lorsqu'il sera là-bas, si les conscrits de deuxième année lui brûlent la verge à la cigarette, lui font lécher les latrines, le privent de sommeil ou l'enculent, il sera seul, personne ne pourra rien pour lui". Hélène fuit Anton, son amant qu'elle a suivi jusqu'en Sibérie, mais qui maintenant a changé. Tous deux deviennent complices dans leur fuite. Vers où ? Vers quoi ? Ils ne savent pas trop, mais ils iront jusqu'au bout du voyage, pour récupérer leur liberté. De gare en gare, les personnages sont comme prisonniers du train, qui les emmènent peut-être vers une vie meilleure, mais en leur faisant subir des épreuves, comme la fouille du train à la recherche du déserteur, la peur qu'on les dénonce... Tout comme Hélène et Aliocha, on panique, on angoisse, on espère.

L'écriture de Maylis de Kerangal est à la fois brute et belle, un peu comme les paysages que le Transsibérien traverse. Une très belle découverte !

Ce livre fait partie de la sélection pour le Prix Océans, organisé par France Ô et Babelio.

lundi 23 juillet 2012

Je suis jury du Prix Océans !


Le Prix Océans est organisé pour la toute première fois par France Ô et Babelio. Il récompense un roman écrit en langue française "qui met en lumière les valeurs d'ouverture sur le monde, d'échanges, de dialogues des cultures et d'humanisme". Le jury est composé de douze jurés.


Douze livres sont sélectionnés :

Sauvage, de Nina Bouraoui
L’Empreinte à Crusoé, de Patrick Chamoiseau
En chute libre, de Carl de Souza
Il était une fois, l'Algérie, de Nabil Farès
Le Glacis, de Monique Rivet
Des Fourmis dans la bouche, de Khadi Hane
Les Racines du yucca, de Koulsy Lamko
Tangente vers l'Est, de Maylis de Kerangal
Malta Hanina, de Daniel Rondeau
Notre-Dame du Nil, de Scholastique Mukasonga
Bizango, de Stanley Péan
Rêves oubliés, de Léonore de Recondo

Beau programme non ? J'ai déjà commencé à lire certains de ces livres, et pour l'instant je suis conquise (billets à venir ) !

Je suis très contente de faire partie de l'aventure du Prix Océans, dont le parrain est Alain Mabanckou, dont vous pouvez retrouver une interview et plein d'autres informations sur la plate-forme dédiée au Prix Océans.

Le prix sera décerné à l'automne 2012.

vendredi 20 juillet 2012

Apocalyspe bébé de Virginie Despentes

Valentine, jeune fille riche de quinze ans, nymphomane et perturbée, disparaît. Lucie, qui travaille dans une agence de détectives privés, est chargée de la retrouvée alors qu'elle n'a pas les compétences pour. Elle fait appel à la Hyène, enquêteuse à son compte, qui baigne dans les activités clandestines, et lesbienne avérée. De Paris à Barcelone, toutes deux font équipe à la recherche de Valentine...

J'ai bien aimé le scénario du roman. On suit Lucie, jeune femme pas très brillante, plutôt effacée et sans grandes qualités et la Hyène qui interrogent les personnes que Valentine a fréquentées avant de disparaître : son père, sa belle-mère, son cousin, ses amis, sa mère... Tous ont droit à la parole dans un chapitre qui leur ait consacré : on en apprend toujours plus sur Valentine, mais aussi sur eux-mêmes. L'histoire est rondement menée, Virginie Despentes dévoile petit à petit les éléments de l'intrigue jusqu'à la fin, surprenante et bien amenée. 

J'ai moins aimé les petits côtés trash du roman. C'est la première fois que je lis Virginie Despentes et je savais bien qu'elle avait cette réputation. A Barcelone, Lucie se retrouve coincée dans une soirée partouze de lesbiennes à tendance sado-maso, et là je me suis demandée quel était l'intérêt pour le roman d'ajouter cette scène. Heureusement, il n'y en a pas tant que ça, sinon j'aurais été rapidement lassée ! L'autre point que j'ai trouvé un peu décevant, c'est le personnage de Lucie. C'est quand même cette jeune femme que l'on suit principalement, et elle n'a pas grand intérêt tellement elle est banale et sans relief. J'aurais aimé qu'elle évolue au fil du roman et qu'elle révèle des talents d'enquêtrice, mais non, elle ne fait que suivre la Hyène, personnage beaucoup plus intéressant.

Même si l'intrigue du roman était intéressante, je n'ai pas été totalement convaincue par ce roman, dommage !

Ce livre fait partie de la sélection littérature de juillet pour le Prix des Lecteurs Livre de Poche.

vendredi 13 juillet 2012

Swap de l'été !

Après le swap du printemps, j'ai participé au swap de l'été organisé par Lili du blog "La petite marchande de prose". 

Le but de ce swap ? Envoyer à son ou sa binôme un colis contenant au moins deux livres, une gourmandise et une surprise, le tout sur le thème de  l'été bien sûr ! 

Cette fois-ci, ma binôme est une blogueuse bien connue : il s'agit de Sabbio, qui écrit dans deux blogs, A l'ombre de mon cannelier (consacré à ses lectures) et En haut de mon cannelier (consacré à son travail d'artiste peintre). Je vous conseille fortement d'y aller faire un tour si vous ne connaissez pas encore Sabbio, pour admirer ses œuvres !

Et heureusement, cette fois-ci, pas de colis perdu en route ! Voici donc ce que contenait le colis envoyé par Sabbio :

Plein de petits paquets emballés dans ma couleur préférée :)

Tadaaaaaaaaa !

Ce qui nous donne :

- des livres : Le songe d'une nuit d'été de Shakespeare et La Traversée de l'été de Truman Capote.
- des gourmandises : les fameuses et délicieuses galettes de Pont-Aven qui rappellent avec nostalgie mes trop courts séjours en Bretagne et du thé vert bio que je vais m'empresser de goûter
- des surprises : le DVD de Beignets de tomates vertes qui m'a fait très plaisir étant donné que j'adore ce film et que je vais le re-re-re-re-regarder avec ma mère, fan elle aussi ; un marque-page très joli ; et l'accessoire féminin indispensable : un miroir pour mettre dans mon sac, surtout que celui-ci est spécial vu qu'il est décoré d'une reproduction d'une œuvre de Sabbio elle-même !
Le tout accompagné d'une carte très gentille représentant la fameuse affiche du Chat noir !

Un énorme merci à Sabbio pour ce colis merveilleux qui promet de beaux moments de lecture et de détente !! Et bien sûr, merci à Lili pour avoir organisé ce swap !

mercredi 11 juillet 2012

La Montagne invisible de Carolina De Robertis

Petite paysanne illettrée tout juste débarquée dans la capitale, abandonnée par un mari volage, Pajarita va mettre à profit sa connaissance des plantes médicinales et un savoir hérité de ses ancêtres indiens pour devenir une guérisseuse très appréciée. Le début d'un destin hors du commun... Eva, sa fille, rêve de poésie pour mieux oublier un quotidien sordide. Violée par son patron, rejetée par Andres, son ami d'enfance dont elle est éperdument amoureuse, elle décide de tenter l'aventure en Argentine. Une aventure qui la mènera dans les plus hautes sphères du pouvoir avant de précipiter sa chute... Salomé est la fille d'Eva. Le jeune interne qui assiste à sa naissance s'appelle Ernesto Guevara. Signe du destin ? À l'âge des premiers émois, la jeune lycéenne rejoint le groupe clandestin des Tupamaros... (4e de couverture)

La Montagne invisible est le roman de trois générations de femmes : Pajarita, la grand-mère, Eva sa fille, et Salomé sa petite-fille. A travers elles, on suit l'histoire de l'Uruguay : les gauchos, la président Batle, la montée du communisme, les tupamaros... L'histoire personnelle des trois femmes est insérée dans l'Histoire, de façon jamais ennuyeuse ni obscure pour quelqu'un qui ne connaît pas du tout l'histoire uruguayenne. C'est aussi l'histoire et l'évolution d'une ville, Montevideo (Monte. Vide. Eo. Je vois une montagne, avait dit le premier Européen en découvrant cette terre.)

Mais Carolina De Robertis s'intéresse surtout aux portraits de ces trois femmes fortes, courageuses, trahies et violentées par les hommes, mais qui toujours s'en sortiront, seules, pour la survie de leur famille. 

Alors qu'elle n'est qu'un bébé, Pajarita est abandonnée par son père et pourtant, quelques années plus tard, on la retrouve au sommet d'un arbre. Plus tard, alors que son mari l'abandonne, elle subvient aux besoins de sa famille grâce à sa connaissance des plantes. Les femmes font la queue pour que Pajarita, un peu magicienne, les écoute et leur donne les plantes adéquates pour les soulager.

Eva, après avoir été violée par son patron et rejettée par son père, trouvera sa force dans la poésie jusqu'à devenir célèbre. Partie en Argentine, elle y rencontre son mari, médecin, mais toute leur famille est obligée de fuir en Uruguay, quand Eva publie un poème antipéroniste. Elle se consacre alors totalement à sa poésie, au grand dam de son mari.

Salomé, à peine âgée de quinze ans, rejoindra le mouvement des Tupamaros, force armée qui œuvre pour la libération de l'Uruguay. Elle connaîtra la violence, la torture, la prison et devra apprendre à se reconstruire.

Avec un soupçon de magie, mais surtout beaucoup de poésie, Carolina de Robertis nous embarque dans son roman sans qu'on puisse le lâcher un instant ! J'ai découvert avec beaucoup de plaisir les destins de ces trois femmes fortes, liés au destin de leurs pays. On ne rit pas beaucoup, leurs vies étant dures, mais on est emporté par leurs histoires.

Ce livre fait partie de la sélection littérature de juin pour le Prix des Lecteurs Livre de Poche !


lundi 9 juillet 2012

Prix des Lecteurs Livre de Poche 2012 : bilan juin + sélection littérature de l'été

Avec pas mal de retard, je vous propose mon petit bilan du mois de juin pour le Prix des Lecteurs Livre de Poche. Il y avait quatre livres à lire (voir ici). Globalement, j'ai bien aimé la sélection du mois de juin. Dans l'ordre de préférence, La Montagne invisible de Carolina De Robertis (billet à venir), Dans la ville d'or et d'argent de Kenizé Mourad, Les témoins de la mariée de Didier Van Cauwelaert et enfin, la petite déception du mois, Chevalier de l'ordre du mérite de Sylvie Testud. Je n'ai d'ailleurs pas fait de billet pour ce petit roman, car je n'avais pas grand chose à en dire, vite lu, vite oublié... 


Alors, qu'allons-nous lire cet été pour le Prix des Lecteurs Livre de Poche ?

JUILLET

Apocalyspe bébé de Virginie Despentes :
4e de couv' : Valentine a disparu... Qui la cherche vraiment ? Entre satire sociale, polar contemporain et romance lesbienne, le nouveau roman de Virginie Despentes est un road-book qui promène le lecteur entre Paris et Barcelone, sur les traces de tous ceux qui ont connu Valentine, l'adolescente égarée… Les différents personnages se croisent sans forcément se rencontrer, et finissent par composer, sur un ton tendre et puissant, le portrait d'une époque.

 
 
 
Les Aventures fantastiques d'Hercule Barfuss de Carl-Johan Vallgren :
4e de couv' : Hiver 1813. Dans une maison close de Königsberg, deux enfants, Hercule et Henriette, naissent la même nuit. Infirme, nain, sourd et muet, Hercule possède un talent bien singulier, celui de lire dans les pensées. Le destin les sépare brutalement. La vie du garçon devient alors une suite de drames, de persécutions, de meurtres… Malgré les épreuves atroces qu’il doit affronter, Hercule n'aura de cesse de retrouver sa bien-aimée, la douce et belle Henriette. À travers cette histoire d'amour, étrange et émouvante, C.-J. Vallgren livre une peinture à la fois sombre et lumineuse de l'Europe à peine sortie des guerres napoléoniennes, où l’injustice, l’intégrisme religieux et l’obscurantisme font bon ménage.

L'impossible pardon de Randy Susan Meyers :
4e de couv' : Malgré l’interdiction formelle de sa mère, Lulu, dix ans, ouvre la porte à son père. L’homme, ivre et hors de lui, poignarde sa femme et blesse la petite Merry, six ans. Recueillies par leur grand-mère avant d’être envoyées dans un orphelinat, les deux fillettes vont grandir et se construire malgré cette tragédie. Tandis que l’aînée raye son père de son existence, la cadette lui rend visite en prison. Confrontées à une même douleur, Lulu et Merry réagissent différemment : la première veut bâtir sa vie vaille que vaille, l'autre se débat sans répit dans ses traumatismes. Alternant les récits des deux sœurs sur une trentaine d'années, ce roman bouleversant aborde avec force et nuance les questions de la survie, de la culpabilité et de la lente reconstruction de ces enfants meurtries.
 
Kane et Abel de Jeffrey Archer :
4e de couv' : Ils sont nés le même jour et pourtant tout les sépare : William Kane et Wladek Rosnovski, le fils de banquier de Boston et l'orphelin polonais recueilli par un paysan. À leur naissance, le 18 avril 1906, l'un paraît promis à la réussite et à la puissance dans le Nouveau Monde. L'autre semble condamné à la misère et aux désastres qui ravagent le Vieux Continent. Mais le destin va réunir ces deux hommes dans une lutte acharnée pour l'argent et le pouvoir, où chacun sait qu'il ne pourra y avoir qu'un gagnant... Au cœur de l'Amérique du XXe siècle, cette odyssée magistrale réinvente le mythe immémorial des jumeaux ennemis. Un roman bouleversant, devenu un roman-culte.
 
 
AOUT 

Ru de Kim Thuy :
4e de couv' : Une femme voyage à travers le désordre des souvenirs : l'enfance dans sa cage d'or à Saigon, l'arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam apeuré, la fuite dans le ventre d'un bateau au large du golfe de Siam, l'internement dans un camp de réfugiés en Malaisie, les premiers frissons dans le froid du Québec. Récit entre la guerre et la paix, Ru dit le vide et le trop-plein, l'égarement et la beauté. De ce tumulte, des incidents tragicomiques, des objets ordinaires émergent comme autant de repères d'un parcours. En évoquant un bracelet en acrylique rempli de diamants, des bols bleus cerclés d'argent, Kim Thúy restitue le Vietnam d'hier et d'aujourd'hui avec la maîtrise d'un grand écrivain.
 
Quand la nuit de Cristina Comencini : 
4e de couv' : Marina a la fragilité d'une jeune fille et un fils de deux ans, Marco. Une maternité qu’elle n’assume pas : elle se sent maladroite, impatiente, brutale. Pour se reposer, elle loue un appartement dans les Dolomites et part avec l’enfant… Manfred est le propriétaire de cet appartement. Sa mère les a abandonnés, lui, son père et ses frères, puis sa femme l'a quitté. Il est aigri et misogyne. Ils n'ont rien pour se plaire, sinon un noyau de solitude qu'ils partageront, brutalement quand la nuit vient, alors que montent le désir et l'absence de l'autre. Dans ce roman écrit à deux voix, Cristina Comencini fait jaillir du silence des personnages, du paysage minéral qui les entoure, une prose enivrante et désespérée.
 
Jack Rosenblum rêve en anglais de Natasha Solomons :4e de couv' : Depuis qu'il a débarqué en Angleterre en 1937, Jack Rosenblum s’emploie à devenir un véritable gentleman britannique. Durant quinze ans, il a rédigé un guide exhaustif des us et coutumes de son pays d'adoption : il sait où acheter la marmelade, écoute tous les jours le bulletin météo de la BBC et ne parle plus allemand que pour proférer des jurons. Malgré toute sa bonne volonté, son désir se heurte à la force d'inertie de son épouse Sadie, qui refuse obstinément d'oublier le monde juif allemand qui était le leur. Jack est pourtant persuadé d'avoir trouvé sa patrie. Il ne lui reste d’ailleurs plus qu’une épreuve à surmonter pour réaliser son rêve : devenir membre d'un club de golf à Londres. On ne veut pas de lui ? Qu'à cela ne tienne, il quittera la capitale pour s'installer à la campagne et entreprendra de construire son propre green...
 
Comme des larmes sous la pluie de Véronique Biefnot :
4e de couv' : Écrivain à succès, Simon Bersic ne parvient pas à surmonter la perte de sa femme et vit reclus avec son fils. Sa rencontre avec Naëlle va-t-elle lui offrir une seconde chance ? Naëlle, magnifique et mystérieuse, qui lui échappe et qu’il finira par apprivoiser. Lorsque les amants se retrouvent au cœur d'un sordide fait divers qui secoue la Belgique, Simon va devoir affronter l'insupportable. Implacable scénario, entrecoupé d'énigmatiques séquences où une petite voix enfantine s'élève dans la nuit, recouvrant le récit d'un voile d'ombre, Comme des larmes sous la pluie est un étourdissant thriller amoureux.
 
 
Bon, j'ai hâte de lire tout ces livres cet été ! J'avais repéré depuis longtemps Ru de Kim Thuy, mais je connais pas les autres, j'espère que ce sera de belles découvertes.
 
Et vous, que pensez-vous des livres de cette sélection ?
 
 
Pour information, voici un récapitulatif des livres choisis par le jury de lecteurs :
- février : Le front russe de Jean-Claude Lalumière
- mars : Le Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
- avril : La balade de Lila K de Blandine Le Callet
- mai : Purge de Soki Oksanen
- juin : La Montagne Invisible de Carolina De Robertis

jeudi 5 juillet 2012

Paris mutuels de Jean-Marie Laclavetine

Vincent, narrateur de cette histoire, est un être immature, naïf, nul en affaires, pitoyable en amour, déloyal en amitié, et nombre de ses comportements sont impossibles à justifier. Pour sa défense on plaidera que s'il n'avait pas rencontré Léa, un jour funeste sur un champ de courses, sa vie aurait pu prendre un tour plus acceptable. Hélas il y eut Léa, et avec elle arrivèrent les malheurs dont on découvrira ici l'enchaînement fatal. (extrait de la 4e de couv').


Paris mutuels n'est pas l'histoire d'un amour entre un homme et une femme. Dans ce roman, il n'y a rien de romantique. Et pourtant, tout part d'une rencontre : celle de Vincent et de la très séduisante Léa dans un hippodrome à Paris. Léa jette son dévolu sur Vincent, banal, pas très brillant ni ambitieux, et il tombe fou amoureux d'elle. Ambitieuse, Léa l'est et elle prend très vite le contrôle de la petite affaire de Vincent, qu'il tient avec son ami Angelo, et la diversifie : le club de boxe française amateur devient petit commerce de cocaïne, ectasy, érythropoïétine... Et elle ne s'arrête pas là. Elle prend littéralement le contrôle de Vincent, de son argent, de sa vie, le poussant même à aller en prison à sa place pour des fraudes qu'elle a commises. Bref, on se demande comment Vincent a pu être aussi aveugle et se laisser berner par Léa, alors même qu'il avait été mis en garde dès le début par son fidèle ami Angelo, celui qui restera auprès de Vincent, même dans les pires moments. Car des moments difficiles, Vincent va en connaître...

C'est avec beaucoup d'humour noir que Jean-Marie Laclavetine nous fait partager le quotidien de Vincent. Le point fort de roman est de nous avoir fait apprécier Vincent. On finit par s'attacher à ce personnage faible, manipulé par une femme infecte et détestable, qui devient une brute au service de riches malfrats, mais qui heureusement, reprend du poil de la bête dans le deuxième partie du roman. Écrit entièrement selon le point de vue de Vincent, on suit ses pensées et ses faits et gestes qu'il nous fait partager rétrospectivement. Car ce récit se veut instructif afin de prévenir le lecteur des excès de l'amour, et Vincent, dans ce qu'il a d'humain, en est le parfait exemple.

Autre point fort du roman : le style de l'auteur. Jean-Marie Laclavetine écrit de façon simple et juste. Il alterne les courts chapitres et son roman se lit d'une traite, sans jamais provoquer d'ennui chez le lecteur.
Le seul reproche que je puisse faire, c'est sur l'aveuglement de Vincent, parfois peu crédible, sur sa femme Léa. Heureusement, la fin est jubilatoire et jouissive, et on prend enfin notre revanche avec Vincent !

Extrait :  

Je n'ai jamais choisi. La vie me traîne ici ou là, je vais où elle me conduit, je me laisse porter. J'ai tout accepté, toujours. Par manque d'intelligence, peut-être, à cause d'une forme particulièrement lamentable de lâcheté, c'est possible, mais plutôt en raison d'une résignation congénitale, d'une absence absolue de croyance, d'un doute de tréfonds. Rarement rencontré, le bonheur m'étouffe ; le sachant éphémère, je préfère hâter sa fin pour retrouver le lugubre confort de la mélancolie ; quitte à perdre ce qui m'est cher, autant que ce soit de mon fait ; voilà pourquoi je détruis tout. 


Merci aux Agents littéraires pour l'envoi de ce livre !