mercredi 21 septembre 2011

Les femelles de Joyce Carol Oates


Les Femelles (The Female of the Species) est un recueil de nouvelles écrit par Joyce Carol Oates et publié en 2006 aux États-Unis (2007 en France). Chaque nouvelle a pour sujet principal une femme ou une fille, confrontée à la mort, le meurtre, par choix ou par nécessité.

Présentation de l'éditeur : Elles s'appellent Poupée, Lucrétia ou encore Kristine. Toutes semblent inoffensives. Derrière leurs visages angéliques, un mal sournois se tapit, attendant le moment propice pour se manifester : ce sont des tueuses. Joyce Carol Oates saisit au vol cette fulgurance meurtrière et observe tranquillement le venin agir et le sang se répandre.

Avec l'aide de dieu :  Folle amoureuse, Lucretia s'est mariée à 18 ans avec  Lucas Pitman, shérif adjoint du comté de Saint-Lawrence. Après la mort de son coéquipier, Pitman se met à boire et à changer. Au même moment, Lucretia commence à recevoir des appels anonymes...
Papa dirait que Pitman avait jeté un sort à sa fille unique ; quand il était méchant, il disait que c'était sexuel et je reconnais que c'était le cas : le pouvoir de Pitman sur les filles et les femmes était sexuel, mais il n'y avait pas que ça, je le jure. Il y avait l'âme de Pitman que l'on voyait dans ses yeux à certains moments, ou que l'on sentait dans la chaleur de sa peau... une âme qui était pure flamme, un bonheur sauvage comme un courant électrique qui le traversait. Le seul fait de le toucher était dangereux, mais on ne pouvait pas ne pas toucher !"

Banshee : Une petite fille délaissée par sa mère, qui est occupée par son nouveau compagnon et la réception qu'elle donne chez elle, prend dans ses bras son petit frère encore bébé et commence l'ascension de la tour de leur maison, jusqu'à se retrouver sur le toit...
Plus la jeune fille grimpe, plus le stress augmente : une nouvelle palpitante, écrite du point de vue de la petite fille.

Poupée : une ballade du Mississippi : Poupée a onze ans et voyage avec son père à travers les États-Unis. Se faisant passer pour une jeune fille de treize ans que son père prostitue, elle rencontre des hommes dans des hôtels et les tue...
C'est la nouvelle que j'ai le moins aimée. Trop sanglante, trop perverse.
Ma préférée ? La carotide.

Madison au Guignol : Mme G. est l'épouse d'un homme riche. Paranoïaque, elle pense que tous les gens qui l'entourent parlent d'elle, rient d'elle.
On disait d'elle qu'elle était superficielle, vaniteuse. On disait d'elle que, bien qu'elle laissât dans son sillage le plus séduisant des parfums, "L'Heure bleue", elle n'avait pas de charme. On disait d'elle, l'épouse d'une homme riche, on murmurait derrière son dis en riant cruellement, qu'elle n'avait pas d'âme. "Mais c'est elle que je cherche constamment. Où et comme je peux."

Obsession : Une petite fille entend chaque nuit les cris de lapins dans la cave de sa maison, bien que sa mère soutienne qu'elle rêve. Une nuit, elle descend dans la cave... 
J'ai bien aimé cette nouvelle à nouveau écrite du point de vue d'une petite fille. En parallèle de cette obsession sur les cris des lapins, l'auteur revient sur les étranges circonstances de la mort du père, "brûlé vif dans son lit".

Faim : Kristine, en vacances avec sa petite fille Céci, rencontre Jean-Claude avec qui elle va avoir une liaison. Petit à petit, elle découvre les intentions peu honorables de Jean-Claude et se révèle prête à tout pour sauvegarder sa petite famille.
Voilà une de mes nouvelles préférées du recueil ! Plusieurs thèmes sont évoqués : la passion, l'adultère, le crime crapuleux... Et surtout, une femme forte, prête à tout.
Kristine a découvert en elle que, oui, elle aime le secret. Elle aime le risque, le danger. Son destin à part.

Dis-moi que tu me pardonnes : Une mère écrit à sa fille pour lui demander son pardon sur un événement arrivé quarante ans plus tôt. Au fur et à mesure de la nouvelle, entre flashbacks et souvenirs de la mère et de la fille, on découvre ce qui s'est passé il y a quarante ans. 
A travers cette histoire familiale, Joyce Carol Oates évoques les conflits raciaux et sociaux, avec le personnage d'Hiram Jones, homme de couleur et déficient mental, accusé à tort d'un meurtre, battu et interné dans un hôpital psychiatrique dans lequel il finira par mourir.

Ange de colère : Gilead rencontre une femme par hasard et voit en elle celle qui lui est destinée. Il commence à la suivre, la harceler, prêt à commettre l'irréparable pour elle.
Elle était seule avec le bébé. Cela m'excitait de la voir seule et de savoir qu'elle était une mère qui allaitait son bébé ; le corps de la femme sous les vêtements, ses seins beaux et cachés au monde mais pas à moi.

Ange de miséricorde : R. est une nouvelle infirmière, rattachée à la "Cité des damnés" ("royaume de l'Attaque et de la Tumeur"). Amoureuse d'un patient victime d'un accident de voiture qui a brisé son corps et son esprit, elle apprend l'existence de l'Ange de la Miséricorde. Cet Ange est en fait Agnes O'Dwyer qui exerçait des années plutôt dans la "Cité des damnées", euthanasiait ses patient.
J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui alterne les voix de R. et d'Agnes intervenant à des époques différentes.

Au final, j'ai plutôt aimé ce recueil de nouvelles pas toujours égales, qui se lit ponctuellement, et qui m'a fait découvrir l'univers et l'écriture de Joyce Carol Oates, que j'ai hâte de retrouver dans un de ses romans (Les Chutes ? Blonde ?).

lundi 19 septembre 2011

L'événement d'Annie Ernaux

Au mois d'octobre 1963, Annie Ernaux, 23 ans, fait ses études à Rouen et tombe enceinte. Ne souhaitant pas garder l'enfant, elle raconte, dans L'événement publié en 2000 chez Gallimard, son parcours du combattant pour se faire avorter. 

L'événement est un livre choc, à déconseiller aux personnes sensibles, car Annie Ernaux raconte sans détour la scène sanglante et douloureuse de son avortement. À cette époque les avortements sont illégaux, les pratiquants (médecins et infirmiers) et les femmes qui ont avorté sont punis de prison et d'amende. Annie Ernaux part donc à la recherche d'un médecin ou sage-femme qui accepterait de pratiquer cet acte illégal. Elle s'adresse à des amis et des connaissances dont la conduite à son égard change du tout au tout en apprenant sa volonté. Les hommes développent une fascination certaine pour cette jeune femme qui souhaitent avorter, une fille "passée de la catégorie des filles dont on ne sait si elles acceptent de coucher à celle des filles qui, de façon indubitable, ont déjà couché" . Certains, notamment les médecins, cherchent à l'en dissuader. Mais, Annie Ernaux ne souhaite pas garder son enfant et est contrainte à avorter clandestinement.

Plus qu'un livre choc sur l'avortement, L'événement est aussi une réflexion d'Annie Ernaux sur son acte d'écriture. L'écrivain a ressenti le besoin d'accoucher de cet événement par écrit, comme elle a accouché d'un fœtus : "Il y a une semaine que j'ai commencé ce récit, sans aucune certitude de le poursuivre. Je voulais seulement vérifier mon désir d'écrire là-dessus. Un désir qui me traversait continuellement à chaque fois que j'étais en train d'écrire le livre auquel je travaille depuis deux ans. Je résistais sans pouvoir m'empêcher d'y penser. M'y abandonner me semblait effrayant. Mais je me disais aussi que je pourrais mourir sans avoir rien fait de cet événement. S'il y avait une faute, c'était celle-là."

Enfin, L'événement nous amène aussi à une réflexion sur la condition des femmes à cette époque, mais aussi à la notre. En établissant un parallèle entre son rendez-vous chez le médecin qui lui confirme qu'elle est enceinte (1963) et son rendez-vous chez le médecin qui lui remet les résultats de son dépistage du sida (au moment où elle écrit), elle met l'accent sur le fait que les femmes, notamment celles qui ont une "sexualité libérée", sont passées de la peur d'être enceinte à la peur d'être contaminée.

L'événement est un récit autobiographique que j'ai beaucoup aimé et qui me donne envie de continuer ma découverte d'Annie Ernaux, après avoir lu cet été Les Années.

Un dernier extrait :

"Je veux m'immerger à nouveau dans cette période de ma vie , savoir ce qui a été trouvé là. Cette exploration s'inscrira dans la trame d'un récit, seul capable de rendre un événement qui n'a été que du temps au-dedans et au-dehors de moi. Un agenda et un journal intime tenus pendant ces mois m'apporteront les repères nécessaires à l'établissement des faits. Je m'efforcerai par-dessus tout de descendre dans chaque image, jusqu'à ce que j'aie la sensation physique de la "rejoindre", et que quelques mots surgissent, dont je puisse dire, "c'est ça". D'entendre à nouveau chacune de ces phrases, indélébiles en moi, dont le sens devait être si intenable, ou à l'inverse si consolant, que les penser aujourd'hui me submerge de dégoût ou de douceur."

jeudi 15 septembre 2011

La perle de John Steinbeck

En 1947, John Steinbeck publie un court récit, intitulé La Perle, dans lequel il met en scène une famille d'indiens, Kino, Juana et leur bébé Coyotito, vivant dans un village de pauvres pêcheurs sur la côte de la Californie. Un jour, Coyotito se fait piquer par un scorpion, mais le médecin (blanc) refuse de le soigner car Kino n'a pas d'argent. C'est en pêchant des huitres que Kino découvre, la Perle du Monde, une magnifique perle de la taille d'un œuf de mouette. Kino croit alors pouvoir changer sa vie et envoyer son fils à l'école. Mais la perle réveille bien des convoitises et la petite vie tranquille de la famille semble compromise...

C'est une belle fable que Steinbeck  a écrit, comme un conte inspiré des traditions orales mexicaines. Steinbeck décrit à merveille le bonheur et la tranquillité de cette famille d'indiens dans la pauvreté, bonheur qui va être chamboulé par la découverte de la perle, symbole de richesse et d'ascension sociale. Autour de Kino et Juana, gravitent des personnages méprisables et jaloux (le médecin blanc, les acheteurs de perles) dans une société corrompue, pourrie, où seuls les habitants du pauvre village restent nobles. L'auteur fait référence à la répression des Indiens, l'injustice qu'ils ont subi à travers les siècles. Kino tente de lutter contre cette fatalité et repose tout son espoir dans l'éducation de son fils: "Mon fils ira à l'école. [...] Mon fils saura lire dans les livres. Mon fils saura tracer les chiffres et tout cela nous rendra libres, car il aura la connaissance des choses et à travers lui nous l'aurons aussi."

J'ai aimé la poésie du texte de Steinbeck quand il évoque les chants des indiens que Kino entend  dans sa tête et dans son cœur et qui créent une atmosphère particulière : le chant de la famille auprès de Juana et Coyotito, le chant de la perle, le chant des ennemis, le chant du Mal... "Les ancêtres de Kino avaient chanté tout ce qui existe et tout ce qui arrivera jamais. Ils avaient tout mis en chansons. Ils avaient fait des chants pour les poissons, pour la mer en furie et pour la mer paisible, pour le jour et pour la nuit, pour le soleil et la lune - et tous ces chants demeuraient dans le cœur de Kino et des siens - tous les chants qui furent jamais inventés, et même ceux depuis longtemps oubliés."

La fable est évidemment morale : le bonheur n'est pas dans la richesse, mais dans la famille. La magnifique perle du début devient maudite et son chant dissonant. Sous des allures trompeuses, elle n'apporte que malheur et chagrin.

Bref, un livre à lire par les jeunes et les plus vieux d'entre nous, pour la critique sociale et la verve de John Steinbeck !

Un dernier extrait : 

"Dans la ville, on raconte l'histoire d'une grosse perle - comment elle fut trouvée, puis perdue à nouveau ; l'histoire de Kino, le pêcheur, de sa femme Juana et de leur bébé Coyotito. Et comme l'histoire a été si souvent racontée, elle est enracinée dans la mémoire de tous. Mais, tels les vieux contes qui demeurent dans le cœur des hommes, on n'y trouve plus que le bon et le mauvais, le noir et le blanc, la grâce et le maléfice - sans aucune nuance intermédiaire. Si cette histoire est une parabole, peut-être chacun en tirera-t-il sa propre morale et y découvrira-t-il le sens de sa propre vie. Quoi qu'il en soit, on raconte dans la ville que.."

mardi 13 septembre 2011

Challenge 1% Rentrée littéraire 2011 : j'y participe !

D'habitude, je ne suis pas trop la rentrée littéraire. Mais depuis que je lis des blogs littéraires, j'ai commencé à m'y intéresser, j'ai même acheté quelques magazines "spécial rentrée littéraire". J'ai lu beaucoup d'articles, regardé La Grande librairie sur France 5 et je me suis petit à petit laissée tenter par quelques titres...

Et puis, j'ai vu qu'Hérisson organisait un challenge 1% de la rentrée littéraire 2011 ! Le principe est simple : il faut lire 1% des livres publiés à la rentrée littéraire 2011, soit 7 livres (1% de 654). La date limite est le 31 juillet 2012. Seuls les livres chroniqués comptent !

J'ai déjà fait quelques achats, donc deux lectures à venir : Freedom de Jonathan Franzen, Et rester vivant de Jean-Philippe Blondel (qui sera à la Grande Librairie jeudi 15 septembre). Et puis peut-être 1Q84 de Haruki Murakami et Chiens féraux de Felipe Beccera Calderon. Pour le reste, on verra selon mes envies !

Pour plus d'informations et pour vous inscrire, direction Délivrer des livres, le blog de Hérisson !

jeudi 8 septembre 2011

Une odeur de gingembre d'Oswald Wynd

Mary McKenzie est une jeune écossaise envoyée en Chine pour épouser, Richard Collingworth, attaché militaire. Après une longue et pénible traversée en bateau, elle découvre un pays inconnu, ses mœurs et ses coutumes bien différentes de celles de son pays natal, mais reste confinée dans un petit cercle de diplomates et leurs femmes. C'est alors qu'elle rencontre Kentaro, un officier japonais de qui elle va tomber follement amoureuse. Enceinte, elle est contrainte à fuir au Japon, où elle s'établit et se construit une nouvelle vie...

Quand on lit un avis aussi élogieux sur un livre, on a forcément très envie de le lire, mais aussi, pour ma part, un peu peur d'être déçu. C'est donc avec une certaine appréhension que j'ai ouvert cet été Une Odeur de Gingembre... J'ai trouvé le début un peu long : l'auteur y raconte le voyage en bateau jusqu'en Chine avec beaucoup de détails, peut-être un peu trop, d'autant plus que l'on y croise des personnages que l'on ne revoit plus du tout dans la suite du récit. 

Mais dès que Mary McKenzie pose les pieds en Chine, j'ai été conquise. Avec elle, je découvre le pays, les coutumes, l'époque (début du XXe siècle). Peu à peu, Mary, confrontée à la misère du pays, prend ses distances avec le cercle des riches diplomates. Quand elle rencontre Kentaro, tout bascule et elle est amenée à reconstruire sa vie, à se reconstruire elle-même. Au Japon, elle grandit, devient critique vis-à-vis de ses compatriotes, cherche véritablement à s'intégrer dans ce pays, en apprenant à l'aimer, le comprendre et le respecter. C'est un véritable roman initiatique que nous offre Oswald Wynd, où la jeune fille, devient femme puis mère. Le contact avec la civilisation japonaise l'enrichit et font d'elle une femme accomplie, indépendante. Elle est confrontée à de terribles épreuves qui vont l'endurcir et faire d'elle une femme libérée de son éducation petite bourgeoise, libérée des hommes. 

Le roman regroupe le cahier rédigé par Mary, où elle y consigne les événements marquants de ses journées, et des lettres qu'elle envoie à sa mère et ses amies. J'ai aimé cette forme de journal épistolaire, qui nous met au plus près des pensées de l'héroïne. Se déroulant sur une longue période, il permet de comprendre au mieux son évolution.

Je ne peux que conseiller la lecture de ce formidable roman (merci George pour la découverte) qui offre un magnifique portrait d'une femme qui a le courage de s'affranchir des préjugés et de devenir maitresse de son destin. 

Extrait : 

Eh bien, me voilà en Chine pour la première fois, étant donné que Hong Kong n'est pas vraiment la Chine. Hong Kong est un bel endroit, mais ici c'est assez hideux, d'après ce que j'ai pu en voir. Mon hôtel est dans la concession française. Je n'avais jamais entendu parler des concessions et c'est le vice-consul, venu à ma rencontre, qui m'a expliqué de quoi il s'agissait. Apparemment, les grandes puissances ont pris des morceaux de Chine et y ont établi leurs propres lois, les autochtones ne pouvant y pénétrer que comme des étrangers, ce qui semble assez bizarre.  Tous les bâtiments que je vois de ma fenêtre sont européens, et à part les pousse-pousse et ces Chinois que l'on voit dans les rues, je n'ai pas du  tout l'impression d'être en Orient. Une petite rivière coule devant la ville, très sale et très encombrée d'embarcations. Des pauvres gens vivent dans des bateaux le long des berges, avec leurs familles, leurs chiens et leurs chats. Ils font la cuisine en plein air et par ce froid, sur des braseros. Mme Brinkhill m'avait dit de m'attendre à voir une très grande misère en Chine, et avait ajouté que je m'y habituerais. 

Sur l'auteur : Oswald Wynd (1913-1998) est un écrivain écossais, qui est né et a grandi au Japon.

lundi 5 septembre 2011

Les Matchs de la rentrée littéraire - PriceMinister : j'y participe !


De quoi s'agit-il ? 

En échange d'une critique publié sur votre blog avant le 1er novembre 2011, PriceMinister vous envoie le livre de votre choix parmi une sélection de douze titres de la rentrée littéraire à découvrir ici.

Pour ma part, j'ai choisi 1Q84 de Haruki Murakami, et cela n'a pas été très difficile, car après avoir lu cet été La Ballade de l'impossible, j'avais hâte de découvrir d'autres textes de Murakami.

Si vous souhaitez vous inscrire, rendez-vous sur le blog de PriceMinister pour les détails de l'opération.

Bonus : Après vous être inscrit, vous pouvez parrainer l'inscription d'un ami blogueur et recevoir un deuxième livre.

jeudi 1 septembre 2011

Un peu de soleil dans l'eau froide de Françoise Sagan

Gilles a tout pour être heureux. Journaliste à Paris, il a trente-cinq ans, il est beau, sa maitresse est une jeune mannequin et il passe ses soirées à faire la fête avec ses amis. Pourtant, il est en pleine dépression et refuse de le reconnaître. Jusqu'au jour où il "pète les plombs" et part se ressourcer loin de  la vie trépidante à Paris, chez sa sœur dans le Limousin. Il y rencontre la très séduisante Nathalie Silvener qui, bien que mariée, va tomber folle amoureuse de lui, jusqu'à remettre en cause sa propre vie...

Au début du roman, je n'ai pas du tout accroché avec le personnage de Gilles, trop fier, qui refuse d'admettre sa dépression, et qui en devient méchant avec ses amis, sa maitresse, sa sœur. Puis vient Nathalie, cette femme absolue, qui se jette à corps perdu dans cet amour, au point d'abandonner son mari et sa vie tranquille en province. Cette vision de l'amour, un peu trop romanesque à mon goût, ne m'a pas emballée et peu convaincue : "Quant à Nathalie Silvener, elle l'aima dès qu'elle le vit."

On se laisse facilement envahir par la "petite musique" de Sagan, qui là encore propose un beau portrait de femme, qui mérite bien plus que le pauvre Gilles. Nathalie est trop entière, trop parfaite, à tel point qu'elle en est presque irréelle. Peut-être aussi parce qu'on suit l'histoire du point de vue de Gilles, et non de Nathalie, dont on sait finalement peu de choses, tant Gilles se complait à occuper le devant de la "scène". Au final, je n'ai pas été tout à fait convaincue par ce roman, qui se lit sans passion, sauf à la fin, mais trop tard.

Extraits :

Elle lui sourit et il resta, figé, une minute devant ce sourire. C'était maintenant, tout de suite, qu'il devait arrêter les choses, s'il le fallait. Et il le fallait : il était incapable d'aimer qui que ce soit dans la simple mesure où il était incapable de s'aimer lui-même. Il ne pourrait que la faire souffrir. Il lui aurait suffi d'une plaisanterie un peu grossière sans doute, de quelque chose qui la poussât à la mépriser. Mais déjà celui lui répugnait et le sourire appuyé, sincère et plein de promesses qu'elle lui adressait lui faisait peur.

Il alluma une cigarette, se mit à rire et, tout à coup, se fit horreur. Pour qui se prenait-il ? Quel était ce rôle de Parisien blasé en vacances, cynique et désinvolte ? Où avait-il trouvé cette image d'Epinal du séducteur ? Il s'appuya à un arbre, une seconde. Ah, il fallait qu'il parte, qu'il disparaisse, qu'il laisse cette femme à sa vie. Elle était trop bien pour lui, trop entière pour le malheureux dégénéré, comédien et tricheur qu'il était devenu.

Lu dans le cadre du challenge Françoise Sagan proposé par George et Delphine et du challenge Un mot, des titres (session "Soleil") de Aperto libro.


Allez lire le super avis de Moka du blog Au milieu des livres...