samedi 30 mai 2015

Amours de Léonor de Récondo

1908. Victoire est mariée depuis cinq ans à Anselme de Boisvaillant, notaire dans un bourg cossu du Cher. Elle s'ennuie dans sa petite vie confortable et tranquille. Son mari, pour qui elle n'éprouve pas d'affection, attend un héritier qui tarde à venir. Céleste, dix-sept ans, est la petite bonne de la maison. Elle subit régulièrement les assauts du maître de maison et finit par tomber enceinte. Lorsque Victoire le découvre, elle décide, contre toute attente, de garder l'enfant pour en faire l'héritier des Boisvaillant. Mais, l'enfant né, elle le délaisse et le laisse dépérir préférant son piano. Chaque nuit, Céleste emmène le petit Adrien dans sa chambre pour lui apporter l'amour et les soins dont il a besoin pour vivre. Une nuit, Victoire se rend dans la chambre de Céleste. Ce qu'elle y découvre bouleverse sa vie à jamais. 

Amours est un roman magnifique qui évoque la condition sociale des femmes au début du XXe siècle. On a d'un côté Victoire que ses parents ont marié à un notaire en répondant à une petite annonce. Impossible de ne pas penser à Emma Bovary. Sa situation financière semble enviable, mais son mari passe son temps dans son étude et Victoire n'existe que pour concevoir un héritier. De l'autre côté, Céleste n'a pas non plus son mot à dire : issue d'une famille tellement nombreuse que sa propre mère en oublierait presque son existence, elle doit s'estimer chanceuse de sa condition de servante dans une bonne famille et ne peut dire non à Anselme quand il vient la visiter la nuit dans sa chambre.

Alors quand les deux femmes se découvrent un amour mutuel soudain et puissant, elles en oublient les barrières sociales et les convenances. Avec sa belle écriture poétique, que j'avais adorée dans Rêves oubliés, Léonor de Récondo livre des passages sensuels de pure beauté. On ne peut être que touché par la force de leurs sentiments et les conséquences qui en découlent. Mais leur amour sera-t-il assez fort pour résister à l'époque où la morale et la religion interdisent leurs sentiments pourtant purs ?

Le titre "Amours" est au pluriel car le roman évoqué aussi l'amour maternel de Céleste et, plus tardivement, de Victoire pour Adrien, mais aussi celui d'Huguette, l'autre servante de la maison, pour son mari Pierre revenu sourd et muet de la guerre. Les histoires racontées par Léonor de Récondo sont justes et confirment son talent d'écrivain. Je vous en conseille fortement la lecture !

mardi 26 mai 2015

Trois fois dès l'aube d'Alessandro Baricco

Un homme et une femme se rencontrent à trois reprises, dans trois courtes histoires. 
Une femme séduisante mais visiblement ivre arrive en plein milieu de la nuit dans un hôtel. Un homme, qui s'apprêtait à partir, lui vient en aide et l'héberge dans sa chambre alors qu'elle a un malaise.
Un concierge d'hôtel assez âgé convainc une jeune femme à s'enfuir et quitter son petit ami violent, en échange d'une histoire, celle de son passé en prison pour avoir commis un meurtre.
Un incendie ravage la maison du petit Malcolm et tue ses parents. Il est pris en charge par une inspectrice de police qui décide de l'emmener, contre l’avis de ses supérieurs, chez un ami.

En trois actes, comme dans une pièce de théâtre, trois histoires nocturnes s'enchaînent et mettent en scène les mêmes personnages à un moment décisif de leur vie. Temporellement, l'histoire est impossible comme Baricco le dit lui même : "Ces pages racontent une histoire vraisemblable qui, toutefois, ne pourrait jamais se produire dans la réalité. Elles décrivent en effet deux personnages qui se rencontrent à trois reprises, mais chaque rencontre est à la fois l'unique, la première, et la dernière. Ils peuvent le faire parce qu'ils vivent dans un Temps anormal qu'il serait vain de chercher dans l'expérience quotidienne. Un temps qui existe parfois dans les récits, et c'est là un de leurs privilèges."

L'effet est étrange et mystérieux, l'homme et la femme ne se reconnaissent pas comme s'ils se rencontraient pour la première fois. Chacune de leurs rencontres est décisive,  et scelle un nouveau départ pour l'un ou l'autre. Dans ces rencontres nocturnes, il y a comme un parfum de Destin et de Fatalité.

Alessandro Baricco nous offre ici un court roman qui se lit très vite, car composé essentiellement de dialogues. Le style utilisé ici par l'auteur m'a d'ailleurs fortement rappelé l'écriture de Marguerite Duras : un décor dépouillé, des dialogues omniprésents.  La lecture est agréable, mais ce roman ne restera pas gravé dans ma mémoire.

vendredi 15 mai 2015

Postcrossing : envoyez et recevez des cartes postales du monde entier !


Ceux qui me connaissent savent que j'aime beaucoup les cartes postales, comme objet de communication délicieusement désuet et aussi comme objet de décoration. J'ai découvert il y a peu de temps le site postcrossing.com et j'ai été séduite par le concept : envoyer et recevoir des cartes postales du monde entier. Il s'agit d'échanger des cartes avec des membres du site de tous sexes et âges pris au hasard et d'en recevoir en échange. C'est l'occasion de découvrir des pays et villes proches ou lointains, d'autres cultures, voire d'autres langues !

Le concept est né d'après une idée de Paulo Magalhães, un Portugais qui voulait recevoir plein de cartes postales dans sa boite aux lettres. On peut dire que son projet a bien marché : plus de 29 millions de cartes postales ont été envoyées avec Postcrossing.

Le principe est simple :

- On s'inscrit gratuitement sur le site postcrossing.com
- Le site choisit de façon aléatoire les adresses de destination. On ne choisit donc pas à qui écrire, et on découvre le profil de son correspondant, quelques mots sur lui et ses goûts.
- On choisit une jolie carte, on écrit un mot en anglais de préférence, mais chaque membre indique les langues qu'il comprend. Surtout, on n'oublie pas d'inscrire sur la carte le "Postcard ID" qui va permettre d'identifier la carte qui sera enregistrée sur le site par le destinataire dès sa réception.
- On attend de recevoir à notre tour des cartes postales et on continue à en envoyer !

Chaque membre de Postcrossing peut, s'il le souhaite, dans son profil indiquer ses préférences en matière de cartes postales : bonne idée pour les collectionneurs de cartes et de timbres.

Je me suis donc inscrite il y a une dizaine de jours et j'ai profité de quelques jours de vacances en Normandie pour acheter cinq cartes postales à envoyer à mes destinataires aléatoires !


Mes cartes postales vont voyager en Autriche, Allemagne, États-Unis, Russie et Chine ! Les chanceuses !

Si vous aussi vous êtes séduits par Postcrossing, n'hésitez plus et inscrivez-vous sur le site ! Quant à moi, j'ai hâte d'avoir des nouvelles de mes premiers destinataires pour savoir si les cartes sont arrivées à bon port !

mardi 12 mai 2015

[Série TV] : Wayward Pines



Wayward Pines débarque en mai 2015 sur la chaîne télévisée américaine Fox. Réalisée par Chad Hodge et M. Night Shyamalan himself, elle est tirée du roman éponyme de Blake Crouch et promet de nous embarquer dans une histoire qui recèle bien des mystères.

Ethan Burke, joué par Matt Dillon, est un agent secret qui enquête sur la disparition de deux autres agents, dans une petite ville d'Idaho, Wayward Pines. Victime d'un accident de voiture, il se réveille à l'hôpital de Wayward Pines. Ses affaires personnelles ont disparu, et l'infirmière particulièrement étrange qui s'occupe de lui élude ses questions de plus en plus pressantes. Sans téléphone portable, impossible de joindre son travail et sa femme qui s'inquiète de sa disparition. Ethan Burke se rend vite compte que quelque chose ne tourne pas rond avec les habitants de cette petite bourgade à première vue bien tranquille. Beverly, une barmaid jouée par Juliette Lewis, est sa première alliée à Wayward Pines et lui permet de découvrir le corps torturé et mutilé d'un des agents disparus. Ethan Burke ne peut même pas prévenir les services secrets : alors qu'il essaie de quitter la ville, il revient sans cesse à son point de départ...

Wayward Pines nous plonge dans un univers inquiétant, où les habitants prisonniers ou non, cachent tous quelque chose et où la notion de temps ne semble pas être la même qu'ailleurs... L'histoire, bien qu'un peu déjà-vue (on la compare beaucoup avec Twin Peaks), m'a semblé prometteuse et j'ai hâte de découvrir la suite qui, j'espère, tiendra la route. Dix épisodes sont d'ores-et-déjà prévus. Chapeau aussi pour le générique de cette série, j'aime beaucoup l'effet "ville de poupée".

Voici la bande-annonce et quelques photos histoire de vous donner envie :




dimanche 10 mai 2015

Trattoria Pizzeria Da Vito à Aix-en-Provence



Vous cherchez une bonne pizzeria à Aix-en-Provence ? Aujourd'hui, je vous en propose une, située en plein centre ville d'Aix. Avec des amies, nous sommes allées tester un nouveau restaurant : le Da Vito. Nous avons été ravies par l'accueil plus que convivial et par le lieu, charmant et idéal pour un repas entre amoureux dans la salle basse voutée en pierre ou pour un repas entre famille et entre amis dans la salle haute décorée avec goût.


Da Vito tire son nom de Victor Tinfena, dit Vito, qui a ouvert une pizzeria en 1946 dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille. On trouve d'ailleurs sur les murs de la salle voûtée des photographies rendant hommage à Victor. Au Da Vito, c'est aujourd'hui son arrière petit-fils Julien qui nous régale pour les pizze, accompagné d'Andrea, un chef italien pour les plats. On peut dire qu'ils respectent les traditions familiales : les produits italiens viennent tout droit de Naples et sa région et même le four a été conçu et importé depuis Naples. Un vrai parfum d'Italie à Aix-en-Provence !

Au menu du Da Vito : antipasti, pasta, pizze et desserts maison ! On nous propose des plats copieux, gourmands et irrésistiblement italiens. J'ai pu goûter une assiette d'antipasti composée de charcuterie et fromages italiens, légumes grillés, artichauts marinés (the best !!), tomates confites, accompagnée d'un bon verre de Prosecco et de gressins cuits au four. Un régal !




Ensuite, on a enchaîné sur des pizze, et là je vous laisse découvrir la carte pour vous faire saliver rien qu'en lisant tous ces noms de produits italiens : mozzarella di bufala, parmeggiano, speck, gorgonzola... Enfin, les desserts maison, s'il vous reste encore de la place, terminent parfaitement le repas.



Nous avons passé une très belle soirée au Da Vito, et nous nous sommes régalées au sein d'un restaurant qui respecte les traditions et les produits italiens. Tout est fait pour qu'on se sente bien : l'accueil est très sympathique et s'adapte aussi aux régimes particuliers, n'hésitez donc pas à demander des assiettes et pizze végétariennes ou végétaliennes !

DAVITO Trattoria Pizzeria
Ouvert du mardi au samedi, midi et soir
8 Rue Boulegon 
13100 Aix en Provence 
09 53 65 25 86 
contact@davito.fr
Site web - Page Facebook

vendredi 8 mai 2015

Le premier qui voit la mer de Zakia et Célia Héron


Écrit sous la forme d'un journal, le récit s'ouvre en 1956 sur l'enfance idyllique de Leïla, 8 ans. Elle vit en Algérie avec ses parents, ses cinq sœurs et deux frères et avec sa merveilleuse grand-mère dans une belle et grande maison avec jardin que lui envie toutes ses amies, même les Françaises. Son père a son propre cinéma dans lequel il projette les films qu'il choisit et fréquente aussi bien des arabes que des français. Les premières pages du récit sont empreintes d'une beauté touchante lorsque Leïla parle de sa grand-mère, des histoires qu'elle raconte, de ses mains magiques capables de toute faire, des rituels familiaux. Derrière ce portrait magnifique, je n'ai pu m'empêcher de retrouver avec nostalgie un peu de ma propre grand-mère.

Mais, dès 1957, les violences de la guerre d'Algérie viennent détruire leur vie. Des gens sont tués, Majid le frère de Leïla est enlevé, enfermé et torturé, puis c'est au tour de son père d'être fait prisonnier.

"Je sais qu'il y a des morts de partout, en Algérie et en France. Tous les jours on l'entend à la radio. C'est la guerre. "C'est Eux ou Nous."
Avant dans le "Nous", il y avait mes amies françaises.
Nos différences nous amusaient. Maintenant, elle nous renvoie à nos peurs."

L'indépendance de l'Algérie proclamée, c'est une nouvelle vie qui commence pour Leïla. Avec son caractère bien trempé, Leïla souhaite participer à la construction du pays. Difficile pour elle de le faire accepter par ses parents, qui ne comprennent pas qu'une fille ait besoin de faire des études et qui aimeraient la marier. Pour Leïla, "chaque miette de liberté une conquête". En constante opposition avec son père, elle va pourtant réussir à faire ce qu'elle entend de sa vie : visiter la France, travailler avec des enfants sourds-muets, épouser l'homme qu'elle aime, vivre à Paris pour rédiger son mémoire de fin d'études. 

En 1974, Leïla et son mari retourne habiter à Alger. Commence alors une vie agréable, ils sont entourés par leurs amis et voisin, au sein d'un quartier animé. Leïla accouche de sa première fille, Maïssa. Mais, la montée de l'islam radical rend rapidement le climat irrespirable pour une femme libre et indépendante comme Leïla.

"L'"islam vrai" n'a rien à voir avec l'"islam religion d’État de la République algérienne démocratique et populaire". Cet islam-là, disent-ils, est gangrené, aménagé par la corruption des grands afin de détourner le peuple de la voie divine. Eux, veulent nous aider à retrouver "la pureté fondatrice"... de gré ou de force. Elle passe par le port du hidjab pour les bonnes musulmanes.
Nous, les femmes, les évitons comme la peste. La peur d'être vitriolée. Quand nous les côtoyons, nous anticipons une attaque, nous sommes sur nos gardes. Drôle de jeu de cache-cache, invisible et complexe... meurtrier parfois."

Retour en France pour Leïla et sa famille. Il faut à nouveau se reconstruire une vie, loin de sa famille et de son pays. Leïla accouche de sa troisième fille, Dalya, qui prend à son tour la parole dans ce journal intime à quatre mains. Dalya ne connait pas l'Algérie, sa mère en parle très peu, elle se s'interroge sur ses origines, sur ses liens avec ce pays inconnu, pressés parfois par les questions indélicates de ses amies françaises. Sont évoqués ici les problèmes de la transmission et de l'identité d'une jeune fille perdue entre deux pays.

"Maghrébins, arabes, musulmans, islamistes. Quand l'imaginaire collectif intègrera-t-il que la religion n'est pas une nationalité ?"

C'est avec beaucoup de talent que Zakia et Célia Héron évoquent tout un pan de l'histoire algérienne, indubitablement liée à celle de la France, de la guerre d'Algérie aux récents "Printemps Arabes". Les thèmes évoqués - exil, identité, transmission, racisme...- sont forts et rendent le récit particulièrement intéressant car, tout en prenant du plaisir à notre lecture, ils nous interpellent, nous font réfléchir. J'ai toujours aimé les récits qui nous apprennent des choses.
Les deux auteurs utilisent le journal comme forme de récit, ce qui le rend plus sincère, plus intime, et cela fonctionne particulièrement bien pour traiter une période qui s'étale de 1956 à 2010. J'ai parfois regretté les sauts dans le temps, les trous d'une année sans explication, mais au final, Le premier qui voit la mer est une réussite, un texte vraiment captivant.


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