mardi 26 juin 2012

Dans la ville d'or et d'argent de Kenizé Mourad

En 1856, la Compagnie anglaise des Indes orientales décide d'annexer, en prétextant une raison quelconque, le riche royaume d'Awadh, alors que le roi Wajid Ali Shah est déjà soumis aux ordres de la couronne anglaise. Parce qu'il refuse l'annexion, le roi est emprisonné. S'ensuit alors toute une série de combats entre les soldats indiens (cipayes), aidés par la population qui se révolte, et les "Angrez" (prononciation locale du mot '"anglais"). Le soulèvement contre les Britanniques va être coordonné, par la quatrième épouse du roi Wajid Ali Shah, la bégum Hazrat Mahal, qui devient rapidement l'âme de la révolte, et qui est aidée par le rajah Jai Lal.

Les événements historiques que Kenizé Mourad racontent sont réels, ainsi que les personnages héros du roman. C'est une période peu connue de l'histoire de l'Inde et pourtant il s'agit du début du combat pour l'indépendance de l'Inde qui ne trouvera son aboutissement que bien des années après Hazrat Mahal, en 1947, avec Gandhi et le mouvement de désobéissance civile.

En lisant le roman, on s'aperçoit rapidement qu'il est très documenté : chaque événement, combat ou réunion, est daté et raconté fidèlement et les citations signalés par une astérisque sont authentiques. J'ai eu un peu peur que la succession des combats et que la profusion de détails historiques finissent par me lasser, mais j'ai trouvé que Kenizé Mourad avait le don de rendre digeste et tout à fait agréable l'aspect historique de son roman.
Hazrat Mahal (source wikipedia)

Car, bien sûr, elle se permet quelques libertés ! En insérant par exemple une histoire d'amour passionné entre la bégum et le rajah Jai Lal, qui bien qu'annoncée en 4e de couverture, n'intervient que longtemps après le début du roman. Mais, quelle bouffée d'air frais cela apporte au roman entre les combats, les morts, les blessés, les traitrises... Si Hazrat Mahal et Jai Lal sont des personnages idéaux dont on ne peut que louer le courage et l'honneur, les autres font pâle figure : la plupart des britanniques sont des êtres cruels et manipulateurs, mais certains chefs indiens ne sont pas en reste et n'hésitent pas à trahir leurs alliés dès que la victoire penche du côté de leurs ennemis. Enfin, le roi lui-même apparaît comme un être faible, préférant la musique et les jeux, à la politique, et ses autres épouses ne sont attachées qu'à leurs privilèges et leurs possessions.

Ce roman dépaysant, véritable fresque historique, est une belle découverte qui m'a faite voyager en Inde et à une autre époque, auprès d'une reine combattante que l'on admire et avec qui on se révolte face aux colonisateurs profiteurs. Dans une moindre mesure, c'est aussi une femme qui se bat contre les hommes qui relèguent la femme à l'arrière-plan.

Sur l'auteur : Kenizé Mourad est une journaliste et romancière française, petite fille d'une princesse turque et d'un rajah indien. Elle est l'auteure d'un best-seller publié en 1987 chez Robert Laffont, De la part de la princesse morte, dans lequel elle raconte l'histoire de sa famille.

Ce livre fait partie de la sélection littérature du mois de juin pour le Prix des lecteurs - Livre de Poche.


jeudi 21 juin 2012

Challenge F.S. Fitzgerald et contemporains : j'y participe !


Asphodèle a lancé en octobre 2011 un challenge Francis Scott Fitzgerald et ses contemporains, et après avoir lu avec énormément de plaisir Gatsby le Magnifique, je m'y suis inscrite pour mon plus grand plaisir !

Il s'agit de lire des œuvres de Francis Scott Fitzgerald, bien sûr mais aussi des auteurs contemporains qui ont écrit entre 1920 et 1940 (sa femme Zelda, Hemingway, Dorothy Parker, Faulkner...).

Il y a trois catégories pour ce challenge : 

ZELDA : un roman et/ou un recueil et/ou un film et/ou un auteur concernant la période donnée et /ou Scott Fitzgerald ou sa femme.
GATSBY : trois oeuvres de l’auteur et/ou de contemporains concernant la période citée.
NABAB : cinq oeuvres ou plus, illimité !

Je suis inscrite dans la catégorie Gatsby et j'ai déjà lu et chroniqué Gatsby le Magnifique. Dans ma bibliothèque, il y a aussi Tendre est la nuit que j'ai hâte de découvrir également. On peut également regarder des adaptations cinématographiques dont Asphodèle a fait une liste dans sa bibliographie/filmographie sur Fitzgerald.

Et enfin, ce challenge dure jusqu'au 31 décembre 2014, c'est pas super ça ? 

samedi 16 juin 2012

Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald

Été 1922. Nick Carraway, presque trente ans, quitte sa ville natale du Middle West et s'intalle sur la côte Est des États-Unis pour y apprendre le métier d'agent de change. Il loue un petit bungalow à West Egg Village, près de New-York, et  retrouve un ancien ami, Tom Buchanan, riche homme qui mène, avec sa femme Daisy, une vie faite d'une succession de plaisirs. Nick fait la connaissance de son voisin, Jay Gatsby, propriétaire d'une magnifique demeure. Chaque samedi soir d'été, Gatsby donne de grandioses fêtes dans son jardin auxquelles tous les gens de la bonne (et mauvaise) société participent qu'ils soient invités ou pas ! Toutes sortes de rumeurs courent sur ce personnage singulier que personne ne semble vraiment connaître. Peu à peu, Gatsby confie à Nick ses secrètes motivations et son plus grand désir...

Nick Carraway est le narrateur du roman. Spectateur, bien plus qu'acteur, il occupe finalement la même position que le lecteur. Il observe les événements, les faits et gestes de Gatsby et ceux qui l'entourent. Peu à peu, il se lie d'amitié avec Gatsby qui se confie à lui et on finit par apprendre des éléments sur sa vie, son passé. Mais, tout n'est pas dit et Gatsby reste un personnage mystérieux. Les personnes qui se rendent à ses fêtes majestueuses s'interrogent sur lui : on dit qu'il a été à Oxford, on lui prête des accointances avec des individus pas très nets, on dit même qu'il aurait tué un homme !

"Il [Gatsby] m'adressa un sourire complice - bien plus que complice. Un de ces sourires rares, source d'éternel réconfort, comme on n'en rencontre que quatre ou cinq fois dans sa vie. Un sourire qui défiait - ou semblait défier - brièvement le monde entier, puis se focalisait sur vous comme s'il vous accordait un préjugé irrésistiblement favorable. Qui vous comprenait, dans la mesure exacte où vous souhaitiez être compris. Qui croyait en vous comme vous auriez voulu croire en vous-même. Qui vous assurait que vous lui faisiez précisément l'impression que, dans le meilleur des cas, vous espériez produire. A cet instant précis, ce sourire s'évanouit - et je n'eus plus en face de moi qu'un voyou, élégant, jeune, trente et un an ou trente-deux, dont la diction cérémonieuse et alambiquée frisait un peu le ridicule. Avant qu'il ne se présente, j'avais déjà été frappé par le soin avec lequel il choisissait ses mots."

Gatsby est un de ses personnages romanesques que j'adore. Il est critiqué, décrié, et pourtant tout le monde se rend aux fêtes qu'ils donnent et tous l'oublient le jour où il arrête. Il est vrai qu'il a bâti sa fortune de façon pas très légale, qu'il traîne dans des affaires louches (trucage et paris, vente d'alcool - on est en pleine Prohibition). Mais il apparaît à Nick et au lecteur bien plus noble que toutes les personnes qu'il fréquente. Car, sa fortune, sa demeure somptueuse, ses fêtes orgastiques, tout est fait dans un seul but : reconquérir la femme qu'il aime, Daisy Buchanan, rencontrée quelques années plus tôt, à la veille de la Guerre et qui avait promis de l'attendre...  Son but est noble, les moyens qu'il a utilisés pour y parvenir le sont moins. Mais on ne peut être que d'accord avec Nick lorsqu'il s'écrit à Gatsby :

"Ce sont tous des pourris [...] Vous êtes largement au-dessus de toute cette racaille."

Il ne peut d'ailleurs être perçu que plus honorable que les autres personnages du roman. Tom Buchanan est un riche joueur de polo, qui trompe Daisy avec Myrtle Wilson, la femme de son garagiste. Daisy est belle, mais frivole, et issue d'une famille riche, elle ne pouvait qu'épouser un homme riche. Pour la décrire, Gatsby a cette formidable expression : "sa voix est pleine d'argent". Tom et Daisy papillonnent ici et là, sans se soucier des conséquences terribles que peuvent avoir leurs actes... 

"C'était des gens négligents - Tom et Daisy -, ils détruisaient les choses et les êtres, puis ils se repliaient à l'abri de leur fortune, ou de leur infinie négligence, ou de ce qui les unissait, quoi que ce fût, et laissaient à d'autres le son de nettoyer les dégâts qu'ils avaient causés..."

Il ne faut pas non oublier Jordan Baker, belle joueuse professionnelle de golf et amie de Daisy, dont Nick va s'éprendre, en tentant d'oublier qu'ils ne font pas partie du même monde... Car, il y a bien deux mondes, celui des riches et celui des pauvres, représenté par cette vallée de cendres, entre West Egg et New-York, où se situe le garage de Wilson, le mari trompé.

"A peu près à mi-chemin entre West Egg et New York, la route rejoint brusquement la voie de chemin de fer et la longe sur cinq cents mètres, comme pour éviter de traverser une zone particulièrement déshéritée. C'est une vallée de cendres : un champ cauchemardesque où les cendres poussent comme du blé, dessinent des crêtes, des collines, de monstrueux jardins ; où les cendres se transforment en maisons, en cheminées, en colonnes de fumée et, dans un effort ultime, incarnent des humains gris cendre, dont on distingue à peine les mouvements et qui se désagrègent aussitôt dans l'air empoussiéré."

Ce roman mythique de F. Scott Fitzgerald, qui n'avait pas rencontré le succès à sa publication en 1925, rejoint immédiatement le top 50 de mes livres préférés. J'ai été passionnée par le personnage de Gatsby, révoltée par le comportement de certains personnages et totalement plongée dans l'histoire tragique.

Quelques mots sur une des adaptations cinématographiques que j'ai vue juste avant de lire le livre. Il s'agit de The Great Gatsby, réalisé par Jack Clayton, selon le scénario de Francis Ford Coppola et avec Robert Redford (Gastby) et Mia Farrow (Daisy). Sortie en 1974, l'adaptation est fidèle et ne manque pas de charme. Quelques éléments de la vie de Gatsby sont absents, ce qui le rend encore plus mystérieux, un peu trop même car on ne sait vraiment pas grand chose sur lui. Mais les acteurs incarnent parfaitement leurs rôles.

Rich girls don't marry poor boys

En février 2013, sortira une nouvelle adaptation de The Great Gatsby, réalisée par Baz Luhrmann, avec Leonardo DiCaprio (Gatsby), Carey Mulligan (Daisy) et Tobey Maguire (Nick), dont on peut déjà voir quelques photos et une bande-annonce haute en couleurs.



Avec ce billet, je participe au challenge Fitzgerald et ses contemporains organisé par Asphodèle !



mardi 12 juin 2012

[BD] Corée (la Corée vue par 12 auteurs)

Corée est un ouvrage collectif regroupant douze auteurs de BD. En 2006, Nicolas Finet, écrivain journaliste spécialiste de la bande-dessinée et de l'Asie, décide d'emmener avec lui six auteurs de BD français à la découverte de la Corée. En immersion totale, ces auteurs dessinent ensuite une courte fiction de leur choix pour rendre compte de leur ressenti. Six auteurs coréens sont également invités pour faire découvrir la bande-dessinée coréenne.

Coté français, Vanyda, Guillaume Bouzard, Hervé Tanquerelle, Catel, Igort et Mathieu Sapin. Côté coréen, Lee Hee-jae, Lee Doo-ho, Park Heung-yong, Chaemin, Choi Kyu-sok et Byun Ki-hyun. Autant le dire tout de suite : je ne connais aucun de ces auteurs qu'ils soient français ou coréens., mais je n'y connais pas grand chose en bande-dessinée en général... C'est donc pour mon plus grand plaisir une véritable découverte d'histoires courtes et uniques dans des styles très variés, comme par exemple le manhwa (manga coréen).

Certaines histoires m'ont marquée plus que d'autres. Côté coréen, je pense à L'arbre de Solgeo de Lee Doo-ho, qui arrive à faire passer de très fortes émotions avec très peu de dialogues et des dessins incroyablement beaux et aussi Le Pin de Lee Hee-jae qui évoque les rites funéraires et l'importance d'honorer les ancêtres. Les auteurs coréens abordent des thèmes plutôt sociaux, et par la-même, assez tristes : les SDF, la mort, la solitude...

L'arbre de Solgeo de Lee Doo-ho

Côté français, les BD offrent une place plus importante à l'humour. J'ai particulièrement aimé l'Opération Capitaine Zidane de Guillaume Bouzard et les Lettres de Corée d'Igort. Les thèmes abordés sont variés : découverte de la Corée par des français, la frontière entre Corée du Nord et du Corée du Sud, la coupe du monde de football qui a eu lieu en Corée et au Japon en 2002...

Un rat au pays du yong d'Hervé Tanquerelle

Au final, l'ouvrage est sympathique, mais sans plus. L'idée de départ est intéressante et honorable : faire découvrir la Corée par la bande-dessinée. Pour une fois, ce n'est pas le Japon ou la Chine ! Mais certaines de ces courtes bandes-dessinées m'ont laissée de marbre, notamment côté français. On apprend finalement peu de choses sur la Corée, c'est un peu dommage, mais le but de l'ouvrage n'était pas non plus de proposer un cours d'histoire.

Avec ce billet, je participe au challenge Dragon 2012 organisé par Catherine !

mercredi 6 juin 2012

Les témoins de la mariée de Didier Van Cauwelaert

C'est l'histoire d'une bande d'amis réunis autour de Marc Hessler, un célèbre et riche photographe, qui collectionne les décapotables de luxe et les conquêtes féminines et qui fait largement profiter ses quatre amis de sa richesse. Marlène travaille dans une galerie d'art dont les 2/3 appartiennent à Marc, Jean-Claude est le manager d'un grand hôtel spa que possède Marc. Hermann, dit Bany, est un peu l'homme à tout faire de Marc : il entretient ses voitures et récupère ses conquêtes délaissées. Enfin, Luc ne travaille plus et milite pour la cause tibétaine. Un jour, Marc annonce à ses amis qu'il va se marier avec Yun-Xiang, jeune chinoise de 19 ans qu'il vient de rencontrer et dont il est tombé follement amoureux. Mais, le lendemain, il se tue dans un accident de voiture. Comment ses amis vont-il pouvoir annoncer la terrible nouvelle à la jeune fiancée qui arrive à Paris ?

Les témoins de la mariée est un roman polyphonique où l'on suit tour à tour, Hermann, Marlène, Jean-Claude et Luc. Le roman prend rapidement une tournure tragi-comique avec l'arrivée de Yun-Xiang à qui les quatre amis choisissent de ne immédiatement pas révéler la vérité, afin de l'épargner. Totalement refaite de la tête aux pieds, elle leur apparaît tout d'abord à la fois naïve et intéressée par l'argent de Marc. Mais, est-elle vraiment ce qu'elle paraît ? Très intrigués, les amis découvrent qu'elle est très bien informée sur eux, leurs vies et leurs goûts. Elle se révèle être une manipulatrice hors pair capable de dire et faire ce qu'il faut pour les séduire tour à tour. Dans le but de les diviser ou bien de les réunir autour d'elle ?

Voilà un petit roman que j'ai trouvé très sympathique. Didier Van Cauwelaert sait jouer avec la curiosité du lecteur et révèle petit à petit les éléments de l'intrigue. J'ai apprécié l'aspect polyphonique mais regrette un peu que Yun-Xiang n'ait pas eu pas la parole au final. En outre, la fin reste quelque peu en suspens et on se demande ce que vont devenir les personnages. C'est le premier texte de Didier Van Cauwelaert que je lis et ne peux donc pas comparer avec ces nombreux autres romans, mais si vous avez des titres à me conseiller, je suis preneuse !

Ce livre fait partie de la sélection littérature du mois de juin pour le Prix des Lecteurs Livre de Poche !