lundi 28 décembre 2015

Le démon de l'île solitaire d'Edogawa Ranpo

Minoura, jeune homme sans histoires, tombe amoureux d'Hatsuyo, sa belle collègue de travail. Mais, la jeune femme est brutalement assassinée quelques temps après leurs fiançailles. Le meurtre en lui-même est bien mystérieux : la jeune fille est retrouvée morte dans sa chambre fermée à clé, un couteau en plein cœur, sans qu'aucune trace d'effraction ne soit visible ! Désespéré, Minoura jure de la venger et demande de l'aide à Kôkichi Miyamagi, un ami détective, assassiné à son tour, avant d'avoir pu révéler à Minoura ce qu'il avait découvert. C'est alors Michio Moroto, ancien colocataire et fortement épris de Minoura, qui se joint à lui pour découvrir l'assassin d'Hatsuyo et Miyamagi, sans se douter une seconde que leur quête les mènera sur une île mystérieuse où d'étranges et atroces expériences sont menées.

Minoura est le narrateur du roman. Bien qu'ayant à peine la trentaine, ses cheveux à l'origine noirs, sont entièrement blancs. De plus, sa femme a une énorme cicatrice sur le haut de la cuisse. L'histoire que ce couple a vécu est tellement incroyable, que Minoura a choisi d'écrire ce livre pour répondre aux multiples interrogations que suscitent leur apparence. Voilà une introduction qui nous met l'eau à la bouche !

Ainsi, ce roman débute comme un policier ordinaire, avec des énigmes à résoudre du type meurtre en chambre close, des secrets, du suspense, mais rapidement, on bascule dans un côté plus fantastique, avec une île mystérieuse qui cache un trésor, peuplée de monstres de foires et où de terribles expériences menaçant l'humanité ont lieu.

Ce roman, publié à l'origine sous forme de feuilletons, a parfois un côté un peu répétitif, car le narrateur prend la peine de remémorer au lecteur du feuilleton les épisodes précédents, sans que cela soit gênant pour autant. Si j'ai apprécié le début du roman, j'ai trouvé que la résolution des énigmes arrivait un peu trop vite. Mais elle laisse sa place à la découverte des mobiles, et là, Ranpo ne déçoit pas son lecteur en révélant peu à peu les secrets et les mystères qui entourent les personnages. Publié entre 1929 et 1930, Le démon de l'île solitaire a un petit côté vieillot avec ses infirmes monstrueux, mais si vous aimez les lectures surprenantes et un brin décalé, pourquoi pas ?

samedi 26 décembre 2015

La Terre qui penche de Carole Martinez

Blanche, fille d'un seigneur, meurt en 1361 à l'âge de douze ans. Mais, son âme qui a vieilli par-delà les siècles est restée et partage ses souvenirs dans la tombe avec la petite fille qu'elle a été. Dans un Moyen-Âge mi-réel, mi fantasmé, les légendes qui mêlent déesses de l'ancien temps, magie et preux chevaliers, se confrontent aux dures réalités de la Peste et de la Mort.

Blanche a onze ans et, bien que toute menue, elle a un fort caractère et ne veut déjà plus obéir à son tyran de père. Tout ce qu'elle souhaite, c'est apprendre à lire et écrire et pouvoir broder son nom sur sa petite chemise. Quand son père l'emmène au Domaine des Murmures pour la marier quelques années plus tard, à Aymon, le fils du seigneur de Haute-Pierre, elle voit là l'occasion d'obtenir un peu de liberté. La vie est bien mieux au Domaine des Murmures, où elle est choyée par le seigneur de Haute-Pierre et sa femme, et surtout éduquée par Maitre Claude. Aux côtés d'Aymon, simple d'esprit et attachant, et de Bouc son fidèle cheval, Blanche grandit, s'épanouit et découvre avec intérêt le passé de son père et de sa mère, décédée trop tôt.

Carole Martinez nous emmène à nouveau au cœur du Moyen-Âge, deux siècles après l'histoire d'Esclarmonde et la magie de sa plume, charnelle et cruelle à la fois, fonctionne encore à merveille et même mieux, car je n'y ai pas retrouvé les quelques défauts ressentis dans Du Domaine des Murmures. Avec La Terre qui penche, Carole Martinez ensorcèle son lecteur qui voit avec appréhension la dernière page se rapprocher de plus en plus vite. Même si l'action se situe à l'époque médiévale, les thèmes évoqués sont intemporels et universels : l'émancipation des femmes, la relation père/fille, l'enfance qui se termine... Carole Martinez a écrit un superbe roman qui décrit avec brio les conditions de vie au Moyen-Âge, et notamment la vie des femmes, tout en emportant son lecteur du côté de la magie et du merveilleux : une pépite à lire absolument !

J'ai découvert ce roman dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire 2015 organisés par PriceMinister et, si le choix parmi tous les livres proposés n'avait pas été facile, je ne le regrette absolument pas : merci ! #MRL15

jeudi 17 décembre 2015

La femme aux fleurs de papier de Donato Carrisi

Jacob Roumann est un médecin autrichien mobilisé dans les tranchées du mont Fumo en 1916. Un soldait italien est fait prisonnier et Jacob se voit attribuer la mission de le faire parler. Désabusé et résolu à voir les soldats mourir devant lui sans qu'il ne puisse y faire grand chose, Jacob ne s'attend absolument pas à la tournure que va prendre l'interrogatoire, qui semble plus dirigé par le prisonnier que par le médecin. Qui est cet énigmatique soldat qui refuse de simplement donner son nom mais résume sa vie en trois questions : "Qui suis-je ? Qui était Guzman ? Qui était l'homme qui fumait sur le Titanic ?"

"Jacob Roumann avait le sentiment que l'italien le tenait, et cela lui déplaisait. Il était de plus en plus convaincu d'être devenu le pion d'un plan bien orchestré. Le récit que lui offrait le prisonnier serait-il à lui faire baisser la garde, à le rendre malléable ? Il n'avait plus le choix, il devait suivre le flux et découvrir où cela le conduirait."

Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en commençant ce roman de Donato Carrisi, un auteur italien reconnu de thrillers, dont je n'avais lu encore aucun roman. Le résumé, fort intriguant, était également aussi abstrait que les trois questions du prisonnier. En effet, alors qu'on lui demande de décliner son identité, le prisonnier italien se met à retracer la vie d'un certain Guzman, mystérieux et charismatique personnage, qui a fait de l'acte simple de fumer tout un art et qui vit et voyage de Marseille à Paris, en passant par Genève et la Chine, en racontant des histoires qui captivent ceux qu'il rencontre.

Tout comme Jacob, on est scotché par l'histoire racontée par le prisonnier italien tout au long de la nuit qui passe sans qu'on s'en rende compte et les nombreuses interruptions sont aussi gênantes pour lui que pour nous. On n'a de cesse de s'interroger sur le rapport entre le prisonnier, Guzman et l'homme qui fume sur le Titanic. La révélation finale est-elle à la hauteur du suspense généré tout au long du roman ? La réponse est oui plutôt, je n'ai pas été déçue par ce récit captivant et touchant, qui n'a rien d'un thriller, mais que je vous conseille !

dimanche 6 décembre 2015

Zone de non-droit d'Alex Berg

Valérie Weymann est une jeune avocate allemande, mariée et mère de deux petites filles. Alors qu'un important sommet contre l'armement et pour le climat doit avoir lieu à Hambourg, Valérie est arrêtée à l'aéroport. Rapidement, elle comprend qu'elle est suspectée de complicité de terrorisme et que dans ces cas-là, ses droits peuvent être bafoués pour que l'enquête, menée par les agences de renseignement de plusieurs pays, avance. Peu après, une bombe explose à la gare de Dammtor tuant plusieurs personnes. Valérie, qui clame son innocence, est alors prise en charge par les Américains qui la transfèrent dans une prison ultra-secrète en Europe de l'Est, pour lui faire subir le pire des interrogatoires.

Ce thriller d'Alex Berg met en scène pour la première fois le personnage assez classique de Valérie Weymann, une belle et brillante avocate, qui n'a pas froid aux yeux, et qui arrive à concilier son travail prenant et sa vie de famille. Face aux pires des violences physiques et morales, elle s'avère forte et fragile à la fois, en tout cas très humaine et on suit avec intérêt et compassion sa descente aux enfers. Les autres personnages sont moins développés, et parfois plus caricaturaux, et je regrette quelque peu le manichéisme assez présent du roman, avec d'un côté l'Américain Robert Burroughs de la CIA, un homme abject et devenu obsessionnel après la mort de sa famille le 11 septembre 2001, prêt à tout pour faire tomber Valérie, et de l'autre côté, Eric Mayer, des services de renseignement allemands qui va remettre en question la culpabilité de l'avocate.

A travers son roman, Alex Berg met en exergue les dérives d'un État sous prétexte de combattre le terrorisme : perte de liberté fondamentale et de droits constitutionnels pour les accusés, enfermement sans possibilité légale de se défendre et interrogatoires qui se transforment en torture. On pense bien évidemment aux États-Unis et leur Patriot Act, aux pratiques de la CIA et au camp de Guantánamo. Malheureusement, les situations ne m'ont pas toujours parues crédibles dans ce roman, même s'il se lit rapidement grâce au rythme efficace du roman et à l'intensité de certaines scènes, notamment les scènes d'interrogatoire de Valérie. Zone de non-droit est un thriller assez ordinaire qui permet toutefois  de passer un bon, mais pas inoubliable, moment de lecture.

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