vendredi 29 avril 2011

La Question d'Henri Alleg

Henri Alleg, journaliste communiste et ancien directeur de Alger républicain, est arrêté le 12 juin 1957 par l''Armée française, en pleine guerre d'Algérie, et incarcéré à El Biar, où il sera interrogé et torturé. Quelques temps plus tard, il est transféré à la prison civile d'Alger, où il rédigera La Question, livre publié par les éditions de Minuit, dans lequel il relate les sévices atroces qu'il a subi durant son interrogatoire.

Ce livre a été censuré dès sa sortie en 1958 et les exemplaires mis en vente sont saisis le 27 mars 1958. Quatorze jours plus tard, l'ouvrage est réédité en Suisse et vient conforter les récits de torture durant la guerre d'Algérie parus dans les journaux. 

C'est en parcourant l'ouvrage d'Emmanuel Pierrat, 100 livres censurés (éditions du Chêne, 2010), que j'ai eu envie de découvrir ce livre. J'en avais déjà entendu parler lors d'un cours sur la censure dans l'édition. Ce n'était pas la première fois que les éditions de Minuit publiaient un livre interdit. En effet, fondée en 1941, sous l'Occupation, par Jean Bruller et Pierre de Lescure, la maison d'édition a publié ses ouvrages clandestinement jusqu'à la Libération, à commencer par Le Silence de la Mer de Vercors (qui est en fait le pseudonyme de Bruller). (plus d'info ici).

Henri Alleg nous transporte dans l'enfer de la torture, sans nous en épargner les détails. On serre les dents à la lecture de certains passages, certaines scènes qui nous plongent dans l'horreur, la douleur, l'humiliation, la saleté, l'obscurité. On admire Alleg pour la force de sa volonté, son courage, sa résistance aux supplices qu'il subit. On trépigne de haine face à certains personnages abjects, qui ne trouvent leur bonheur que dans la souffrance des autres. Et pourtant, on garde espoir, face à tant de noirceurs, quand Henri Alleg croise, lors de son séjour à El Biar, des hommes que la torture répugne et qui tentent de l'aider du mieux qu'ils le peuvent. Mais, c'est aussi la renommée d'Henri Alleg qui les pousse à agir ainsi. Qu'ont-ils fait pour les autres, les algériens, femmes et hommes, torturés ?

Un extrait : "Il y a maintenant plus de trois mois que j'ai été arrêté. J'ai côtoyé, durant ce temps, tant de douleurs et tant d'humiliations que je n'oserais plus parler encore de ces journées et de ces nuits de supplices si je ne savais que cela peut être utile, que faire connaître la vérité c'est aussi une manière d'aider au cessez-le-feu et à la paix. Des nuits entières, durant un mois, j'ai entendu hurler des hommes que l'on torturait, et leurs cris résonnent pour toujours dans ma mémoire."

La Question, suivi de La Torture au sein de la République, Henri Alleg et Jean-Pierre Rioux, sorti en novembre 2008 aux éditions de Minuit (6,50 euros).


mercredi 27 avril 2011

Entre Dieu et moi, c'est fini de Katarina Mazetti

Je me baladais dans une librairie quand mon regard a été irrésistiblement attiré par la couverture de Entre Dieu et moi, c'est fini, paru en 2011 dans la collection Babel d'Actes Sud. On y voit une jeune fille baissant les yeux, les cheveux ondulés cachant une partie de son visage, mais pas sa tristesse. J'aime la collection Babel car ils apportent un soin précieux au choix de l'illustration de couverture, mais aussi à la présentation du livre, la qualité du papier et la typographie. La lecture de la 4ème de couverture m'a séduite et j'ai pris le livre avec moi.

Je l'ai lu d'une traite, lors d'un voyage en train, et malgré le bruit environnant, j'ai plongé littéralement dans la lecture de ce livre.

Linnea, 15 ans, jeune fille complexée par sa grande taille, doit faire face aux moqueries de ses camarades de classe et n'a que peu d'amis lorsqu'elle rencontre Pia, son alter ego, qui va devenir sa meilleure amie, celle avec qui elle partage tout, ses amours, le divorce de ses parents, les disputes de sa mère et de son nouveau compagnon, les cours et les profs ... Mais voilà, quelques temps après, Pia meurt. Et Linnea se retrouve à parler toute seule au mur du dressing de sa grand-mère et revient sur l'année, saison par saison, qui suit sa rencontre avec Pia. Car "il faut se souvenir pour oublier" lui a dit un jour sa grand-mère.
C'est ainsi que l'on découvre peu à peu Pia, plus fonceuse et déterminée que Linnea, qui a subi elle aussi le divorce de ses parents et qui cache quelque chose, quelque chose qui la tétanise par moments ou la font pleurer à d'autres. Ce n'est que peu avant la fin que l'on apprend ce qui est arrivé à Pia, mais sans vraiment savoir pourquoi. Linnea non plus ne sait pas, et a peur de découvrir quelque chose de terrible si elle cherchait trop profondément.
Et pourtant moi lectrice, je veux savoir. C'est bien la seule chose que je reprocherais à ce livre. Trop court (136 pages), il dissémine quelques indices par-ci par-là sur le mort de Pia, mais trop peu. La lecture de ce livre s'achève sur un sentiment de curiosité non satisfaite et sur le désir d'en savoir plus sur Pia, de la connaître, désir qui fait écho à la relation courte mais intense qu'entretenait les deux jeunes filles.

Entre Dieu et moi, c'est fini de Katarina Mazetti, sorti en octobre 2007 aux éditions Gaïa (13 euros) puis en mars 2011 dans la collection de poche Babel des éditions Actes Sud (6,50 euros).
L'illustration de la première page de couverture est de Bobi + Bobi et vous pouvez la retrouver sur son superbe blog : http://bobibook.blogspot.com/
Bon à savoir : deux autres volumes consacrés à Linnea seront bientôt disponibles dans la collection Babel !