jeudi 27 septembre 2012

Le glacis de Monique Rivet

Laure, jeune professeure française, est en poste en Algérie pendant la guerre d'Algérie. Elle assiste aux "événements" avec un regard totalement ingénu. Elle qui vient à peine de débarquer du côté d'Oran, ne comprend pas pourquoi les populations ne sont pas mêlées, pourquoi une jeune femme française ne doit pas fréquenter des Algérien(ne)s, pourquoi il est mal vu d'entretenir une relation avec un Espagnol. Elle traverse tous les jours le "glacis", cette très longue avenue bordée d'acacias qui sépare la ville européenne de la ville indigène, sans se douter qu'elle se compromet et que petit à petit, on se met à la surveiller...

Laure est un personnage profondément humain, qui ne fait pas de différence entre les "Français", les "Arabes", les "Espagnols". Elle porte sur les événements auxquels elle est confrontée un regard très naïf, peut-être trop, qui la fait paraître fraîche et innocente au milieu des violences, des tortures, des disparitions. Car Le glacis n'est pas seulement le roman d'une jeune femme qui découvre les atrocités que peuvent commettre les hommes, c'est aussi un roman qui dénonce le comportement de l'armée française en Algérie, l'existence de camps d'emprisonnements et de tortures. A plusieurs reprises, Laure se place du côté des Algériens de souche, les colonisés qui voient que la France ne les protège plus, que leurs commerces sont pillés, que leurs proches sont arrêtés et qu'ils ne reviennent pas. Alors, petit à petit, certains rejoignent le maquis.

L'écriture de Monique Rivet, à cette époque, est comme son héroïne : légère et pure. Et pourtant, elle parvient à bien faire ressortir la dislocation des relations entre les personnages qui, peu à peu, marqués par les violences auxquelles ils sont exposés, vont se déchirer. J'ai trouvé que ce roman manquait parfois de maturité mais il a en fait été écrit en 1956 ou 1957 par Monique Rivet, arrivée en Algérie en 1956 à l'âge de 24 ans. Il n'a été publié que récemment, alors que l'on vient de fêter les cinquante ans de l'indépendance algérienne. Il aurait mérité d'être publié pendant la guerre d'Algérie pendant laquelle il aurait sûrement eu un impact très important. Cependant, par ses thèmes et la façon de les aborder, il reste universel et je vous le conseille vivement.

Lu dans le cadre du Prix Océans.

lundi 24 septembre 2012

La Voie des indés chez Libfly !


Si vous ne connaissez pas encore Libfly, n'hésitez pas à vous inscrire : vous pourrez créer votre bibliothèque virtuelle, partager vos lectures avec l'ensemble de la communauté, assister à des rencontres exceptionnelles avec des éditeurs et auteurs et participer aux opérations "Un livre en échange d'une critique" comme celle qui a lieu actuellement : "La Voie des indés".
Bonnes lectures indépendantes !

jeudi 20 septembre 2012

Prix des lecteurs Livre de Poche : bilan de l'été


Je ne suis pas très présente sur ce blog en ce moment, faute à la reprise du travail qui occupe bien mes journées ! Et je me suis rendue compte que je n'avais pas fait le bilan des mois de juillet et août pour le Prix des lecteurs Livre de Poche.



Pour le mois de juillet, nous devions lire :

Apocalyspe bébé de Virginie Despentes
Les Aventures fantastiques d'Hercule Barfuss de Carl-Johan Vallgren
L'impossible pardon de Randy Susan Meyers
Kane et Abel de Jeffrey Archer

J'ai voté pour Kane et Abel comme la majorité des autres jurys.


Pour le mois d'août, nous devions lire :

Ru de Kim Thuy
Quand la nuit de Cristina Comencini
Jack Rosenblum rêve en anglais de Natasha Solomons
Comme des larmes sous la pluie de Véronique Biefnot

J'ai voté pour Ru mais c'est Jack Rosenblum rêve en anglais qui a recueilli le plus de voix.

Il s'agissait des derniers romans à lire pour le Prix des lecteurs. Nous avions encore un vote à faire : élire notre roman préféré parmi les titres qui ont été sélectionnés mois après mois.

Sélection finale :

 - février = Le Front russe de Jean-Claude Lalumière
 - mars = Le Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
 - avril = La Ballade de Lika K de Blandine Le Callet
 - mai = Purge de Sofi Oksanen
 - juin = La Montagne invisible de Carolina de Robertis
 - juillet = Kane et Abel de Jeffrey Archer
 - août = Jack Rosenblum rêve en anglais de Natasha Solomons

Le choix a été plus dur étant donné que j'avais voté pour ces livres-là, pour la plupart. J'ai finalement choisi La Montagne invisible de Carolina de Robertis qui m'avait beaucoup plu. Le résultat du dernier vote est tenu secret jusqu'à la remise du Prix qui aura lieu le jeudi 4 octobre. Je ne manquerai pas de vous informer du résultat !

lundi 10 septembre 2012

Une odeur de henné de Cécile Oumhani

Kenza est une jeune femme médecin dans un hôpital de campagne en Tunisie. Depuis toujours, elle se sent différente, de sa famille et de ses connaissances au village. Grâce à son père cultivé, elle a pu étudier et choisir un métier qu'elle aime. Mais maintenant qu'elle est médecin, sa famille entend bien la faire rentrer dans le droit chemin : prendre un mari, faire des enfants et tenir une maison. Kenza se révolte d'abord et finit par accepter de se fiancer à condition qu'elle puisse partir un an à Paris pour travailler dans la recherche. Kenza vit alors une année riche en découvertes, chocs culturels et émotions. Va-t-elle trouver la liberté qu'elle recherche ?

Une odeur de henné, publié en 1999, est le premier roman de Cécile Oumhani. Ce n'est pas le premier que je lis de cette auteure franco-britanno-tunisienne : j'avais beaucoup aimé Le Café d'Yllka, publié aux éditions elyzad. C'est avec plaisir que j'y ai retrouvé la même belle écriture poétique et imagée :

"Elle marche, portée très loin de la foule qui se bouscule par la perspective qui s'ouvre à elle. La clameur des étourneaux nichés dans les ficus de l'avenue principale accompagne sa rêverie et l'isole des passants. Elle accueille l'éclat des gerbes de rose et de glaïeuls aux étals des fleuristes comme une autre bouffée de joie venue célébrer une journée très particulière. Elle repousse avec insouciance les œillades des jeunes gens. L'arrogance de ces hommes qui remettent en question son droit de marcher seule dans une rue ne l'irrite même plus. Elle est déjà ailleurs, chargée d'une mission autre, sous des instances dont ils ne soupçonnent pas l'existence."

Le personnage de Kenza ne peut que toucher le lecteur, et surtout une lectrice. Elle est jeune, belle et intelligente, elle se révolte contre sa condition de femme destinée à se marier, à élever ses enfants et à s'occuper de sa maison. Elle est écœurée, et le lecteur comme elle, par toutes les odeurs qui lui rappellent cette condition : l'odeur des tajines, des pâtisseries que les femmes cuisinent à longueur de journée, l'odeur du sang du mouton que l'on égorge et l'odeur du henné que l'on applique sur les mains des jeunes fiancées. 

Alors, quand elle se rend à Paris, on pourrait croire qu'enfin, elle trouve cette liberté tant souhaitée. Pourtant, le choc est rude : elle est surprise par le comportement des hommes et des femmes dont les différences semblent gommées (le compagnon de son amie française, Claire, cuisine !), gênée par la spontanéité des rencontres, des contacts. Et surtout, elle est troublée par la naissance de sentiments inconnus envers un homme, Jacques, qu'elle rencontre. Pour se protéger, elle se renferme sur elle-même et sous le foulard et la tunique noire qu'elle choisit de porter.

Puisque ce n'est pas à Paris qu'elle trouve la liberté, elle choisit de quitter ce pays qui n'est pas le sien et de retourner auprès de sa famille et de son fiancé qui l'attend. Elle accepte en toute conscience son mariage, sans pour autant perdre la liberté de ses pensées. Alors, on peut être déçu ou interloqué par cette fin, car on n'aurait pas fait les mêmes choix que Kenza, et pourtant on admire son courage.

Ce roman fait la part belle aux femmes, à travers le personnage rebelle de Kenza mais aussi de Khadija la bédouine, sa plus proche amie et son exemple, qui ne quitte jamais ses pensées. Il y a aussi Faten, l'amie égyptienne qui partage la chambre de Kenza à Paris, soumise à la volonté de son frère au Caire qui l'oblige à porter le foulard, et qui ne fera pas les mêmes choix que Kenza. C'est aussi un roman universel qui aborde des questions toujours actuelles : la condition des femmes, leur droit à l'éducation, le port du voile. Une très belle lecture que je vous conseille vivement !

vendredi 7 septembre 2012

Le retour des matchs de la rentrée littéraire par PriceMinister !


Encore une fois, PriceMinister nous offre un beau cadeau pour cette rentrée : les matchs de la rentrée littéraire ! Il s'agit pour nous blogueurs de choisir un livre parmi les douze sélectionnés, de le lire bien sûr et de le chroniquer sur notre blog.

La sélection 2012 : 

Parfums, Philippe Claudel (Stock)
Pour seul cortège, Laurent Gaudé (Actes Sud)
Barbe Bleue, Amélie Nothomb (Albin Michel)
Oh…, Philippe Djian (Gallimard)
Une place à prendre, J. K Rowling (Grasset)
Home, Toni Morrison (Christian Bourgeois)
Les affreux, Chloé Schmitt – (Albin Michel)
L’amour sans le faire, Serge Joncourt (Flammarion)
Je vais passer pour un vieux con, Philippe Delerm (Seuil)
Gains, Richard Powers (Cherche-Midi)
Un week-end en famille, François Marchand (Cherche-Midi)
Tigre tigre !, Margaux Fragaso (Flammarion)

Retrouvez tous les informations pour participer à cet événement sur le blog de PriceMinister !

J'hésite fortement entre tous ces titres alléchants... Et vous ?

lundi 3 septembre 2012

En chute libre de Carl de Souza

Jeremy Kumarsamy, joueur professionnel de badminton, est contraint d’arrêter sa passion à la suite d’une blessure qui l’handicape fortement. Il revient dans la maison de son enfance, située dans une ancienne colonie anglaise et c’est l’occasion pour lui de revenir sur son passé.  

Le début du roman est prometteur : le narrateur évoque le départ du gouvernement britannique de l’île et de tout ce que cela implique : conflits, émeutes sanglantes vus par le jeune garçon qu’est Jeremy à cette époque. La figure du père autoritaire, qui ne quittera jamais le roman, apparaît : d’abord parce qu’il est proche des Anglais et qu’il ne souhaite pas les voir partir, ensuite parce qu’il est un ancien champion de badminton dont les victoires reviendront hanter Jeremy. On a donc des éléments intéressants : un conflit historique et une relation conflictuelle avec le père.  

Malheureusement,  j’ai trouvé que Jeremy restait en dehors des événements, et ce dans tout le roman. Il est présent, il participe, mais il reste comme indifférent à ceux qui l’entourent. Notamment aux femmes qui l’aiment : Litchi pendant les émeutes, Malliga pendant son apprentissage, Heather pendant le tournoi de badminton, et bien sûr sa mère, après sa blessure. Il y a également sa tante Ivy, qui occupe une place importante dans sa vie, mais là encore, leur relation ne me semble pas assez développée – elle disparaît même une grande partie du roman – et ne tourne quasiment qu’autour du badminton.

Le badminton. Voilà la seule chose qui compte pour Jeremy ! On dirait qu’il ne vit que pour jouer. Et pourtant là encore, je suis déçue. Ses entrainements ressemblent à un calvaire, à une torture, et les matchs qu’il joue dans les tournois ne manquent pas d’humiliations. Autant dire que ce personnage m’a laissée indifférente. Je m’attendais à plus d’implication personnelle, notamment dans les événements comme le départ des Anglais ou ses relations amoureuses, et à plus de passion dans le récit des matchs. Je ne suis pas arrivée à entrer totalement dans ce récit, qui souffre également de quelques longueurs.

Ce roman fait partie de la sélection du Prix Océans.