mercredi 23 mars 2016

Elle regarde passer les gens d'Anne-James Chaton

Elle regarde passer les gens nous fait voyager de la naissance du nouveau siècle jusqu'à la chute du Mur de Berlin, à travers le portrait de treize femmes qui ont marqué le 20e siècle. De Mata Hari à la princesse Diana, en passant par Camille Claudel, Virginia Woolf, Marilyn Monroe ou bien encore Janis Joplin, on prend plaisir à essayer de découvrir qui se cache derrière ce "Elle" anonyme utilisé tout le long du roman. On devine parfois très vite, ou bien une simple recherche Internet nous permet de découvrir grâce aux indices laissés par l'auteur de qui il s'agit, presque comme un jeu avec l'auteur. Le destin raconté de ces femmes emblématiques nous permet d'en apprendre plus sur elles, mais aussi sur les différentes époques qu'elles traversent et notamment sur l'évolution des conditions de vie des femmes dans la société.

Anne-James Chaton utilise un procédé littéraire assez particulier : un enchaînement presque sans fin de phrases courtes, qui commencent toutes par "Elle" et qui donnent au roman un rythme intense qui laisse parfois sans souffle et que j'imaginerais très bien en lecture publique par un comédien. En découvrant le roman, j'ai d'abord pensé que je finirais par être lassée par cette écriture, mais finalement, cela se lit plutôt bien par petites touches et avec plaisir.  

Elle regarde passer les gens, publié aux éditions Gallimard, est le premier roman prometteur d'Anne-James Chaton, auteur à suivre !

mercredi 9 mars 2016

Ce qu'il nous faut, c'est un mort d'Hervé Commère

La nuit de la victoire de la France à la Coupe du Monde 1998, trois garçons percutent avec leur voiture une jeune fille la laissant handicapée à vie. Un autre jeune homme rencontre l'amour de sa vie en boite de nuit, pendant qu'une jeune fille se fait violer chez elle. Des destins qui se nouent, qui se brisent et qui se retrouveront vingt ans plus tard, à Vrainville en Normandie, le berceau des usines de lingerie Cybelle, qui font vivre la petite ville en employant les femmes du coin, mais qui sont aujourd'hui menacées de fermeture et de délocalisation, dans l'indifférence totale.

Si vous vous attendez à un polar pur et dur, vous serez déçus ! Ce qu'il nous faut, c'est un mort est à la fois un roman au suspense bien mené et la formidable chronique d'une entreprise sur trois générations, de sa création à sa crise. J'ai tout de suite été emballée par cette histoire sociale ancrée dans la réalité d'aujourd'hui, par les idéaux de Gaston Lecourt, créateur et patron des ateliers Cybelle, et du lent mais inexorable délitement de son entreprise par son fils et petit-fils.

On suit également le destin de trois amis, qui s'éloignent et cherchent à se reconstruire, chacun à leur manière, après le terrible accident et leur fuite. Tous les personnages présents dans ce roman sont décrits et analysés avec beaucoup de détails sur le passé et leur présent et les relations entre eux sont brossées avec justesse. C'est ce qui fait la profondeur du roman et l'auteur s'attache à rendre ses personnages crédibles et attachants. Je vous le conseille vivement !

lundi 7 mars 2016

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit de Celeste Ng

En mai 1977, Lydia Lee est retrouvée morte, noyée au fond d'un lac, à seize ans. Sa famille est anéantie. S'agit-il d'un accident, d'un meurtre ou bien d'un suicide ? Tout ce qu'on se s'est jamais dit est l'histoire d'une famille, heureuse en apparence, qui va devoir plonger dans son passé et ses secrets afin de découvrir la vérité.

Résumé ainsi, on s'attend à un thriller, un roman à suspense, peut-être une sombre histoire d'enlèvement et de séquestration. Bien sûr, Tout ce qu'on ne s'est jamais dit est un roman au suspense impeccable du début à la fin. Mais, c'est aussi bien plus que cela : c'est aussi un roman social qui évoque la mécanique d'une famille hantée par ses racines et son origine au sein d'une époque, les années 60-70, et d'un pays, les États-Unis.
Marilyn, la mère de Lydia, voulait être médecin, malgré une époque et une mère qui ne comprenaient pas qu'on puisse être autre chose qu'une femme au foyer, mais a abandonné ses études à son mariage. James, le père, est le fils de Chinois qui ont émigré aux États-Unis, et qui a toute sa vie essayer de s'intégrer au maximum, en gommant son accent et en enseignant l'histoire des cow-boys à l'université, en vain car son physique rappelait toujours aux yeux des autres sa différence. C'est aussi ceux que ressentent leurs enfants, Nath l'aîné, Lydia et Hannah la petite dernière. 

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit est aussi un roman psychologique sur les émotions d'une adolescente qui porte sur elle tous les espoirs de ses parents. Marilyn reporte sur Lydia son désir insatisfait en la poussant à étudier dur et sans relâche les sciences dures. Quant à James, il souhaite plus que tout que sa fille s'intègre et soit populaire et entourée d'amis. Aucun des deux ne se rendent pas compte du fardeau qu'ils imposent à leur fille, jusqu'au terrible drame.
Voici ce que j'ai aimé dans ce roman : sa complexité, la profondeur des personnages et de leur histoire. On n'est pas seulement dans le roman à suspense mais au-delà. Il s'agit d'un roman envoûtant, le premier de Celeste Ng, qui ne laisse pas indifférent, qui fait réfléchir au poids du passé et de la famille sur le destin d'une adolescente ordinaire.