jeudi 5 avril 2012

Manazuru d'Hiromi Kawakami

Sur un coup de tête, Kei décide de se rendre à Manazuru, petite station balnéaire. Son mari, Rei, a disparu depuis dix ans sans qu'elle sache s'il est mort ou vivant. Kei vit avec sa fille Momo et sa mère, et entretient une relation avec Seiji, un homme marié. Se retrouver seule au bord de l'eau à Manazuru va être l'occasion de revenir sur sa vie passée avec Rei pour tenter de découvrir la vérité qui se cache en elle. L'occasion enfin d'aller de l'avant.

J'ai tout d'abord été surprise par les éléments fantastiques, surnaturels qui parcourent le récit. En effet, Kei n'est pas une femme tout à fait comme les autres : elle est parfois suivie par des ombres, elle ressent des présences et voit des choses que les autres ne voient pas. Elle n'a jamais parlé à personne de ce phénomène. A Manazuru, c'est une ombre, qui se révèle être une femme, qui la suit et qui avoue connaitre Rei, son mari. Celle-ci va pousser Kei à repenser à Rei, à chercher dans ses souvenirs, à relire le journal intime de son mari pour y trouver une raison à son départ. Et sur son journal, apparaît le nom de Manazuru... Peut-être est-ce pourquoi Kei se sent attirée par cette ville au point d'y retourner plusieurs fois, seule ou avec sa fille.

Aller à Manazuru, c'est aussi l'occasion pour Kei de revenir sur la relation compliquée avec sa fille arrivée à un âge où elle se pose des questions sur son père. Kei voit avec douleur sa fille s'éloigner d'elle sans qu'elle puisse y faire grand-chose. Elle voit également sa propre mère vieillir et prend conscience qu'elle n'est pas éternelle. Enfin, elle s'interroge sur sa relation avec Seiji, cet homme marié et père de trois enfants, relation qui dure depuis des années, bien plus finalement que son propre mariage avec Rei.

Comme dans les deux autres romans d'Hiromi Kawakami (Les années douces ; La brocante Nakano), il y a très peu de rebondissements dans cette intrigue, mais beaucoup d'introspection. L'accent n'est pas du tout mis sur l'action, mais sur l'état d'esprit de Kei, sur ses questionnements, ses doutes, ses souvenirs, ses visions, ses sentiments... Le tout avec toujours une belle écriture empreinte de poésie que l'auteure manie à merveille, et à laquelle la traductrice, Elisabeth Suetsugu rend hommage. Au final, j'ai beaucoup aimé ce roman où se mêlent tristesse, mélancolie et espoir, saupoudrés de quelques éléments extraordinaires.

Un extrait : 

Mon mari souhait-il mourir ? 
Ou bien a-t-il disparu parce qu'il voulait vivre ?
A moins que... Après tout, vivre ou mourir étaient peut-être des choses qui n'entraient pas dans sa réflexion, qui sait ? Les arbres sont devenus clairsemés, le chemin s'est élargi. La route aboutissait à un rond-point. Un autobus était arrêté au terminus, j'étais certaine que c'était celui qui m'avait dépassée tout à l'heure. Le chauffeur n'était pas dedans. La porte était ouverte.
Soudain, le ciel s'est élargi. La mer était juste en bas. La crête des vagues se défaisait dans une écume blanche. Je suis restée un moment à regarder, et j'ai vu des gens descendre vers les vagues qui se brisaient contre les rochers, le long de la pente sinueuse. Ils n'étaient pas plus grands que mon doigt.
En sautant d'ici, la mort serait instantanée. A peine cette idée m'était-elle venue à l'esprit que je m'en suis presque mordu les lèvres. Mourir tout de suite... Non que l'expression soit blasphématoire en elle-même, mais je me suis sentie sans force, comme engourdie de cette mollesse qui précède la fièvre. La mort n'était pas si loin que je puisse me jouer d'elle. Elle n'avait pas d'urgence, et pourtant...


Deuxième participation au challenge de Catherine !


6 commentaires:

  1. Ton billet fait vraiment envie ! Je n'ai toujours pas lu Les années douces mais c'est dans ma LAL !! Je note celui-ci !^^

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  2. Merci pour cette belle note de lecture dans le challenge, Sév. Bonne continuation et bon weekend.

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  3. Comme j'ai aimé les deux autres romans de l'auteur que tu cites, celui-ci devrait me plaire également. Vivement qu'il sorte en poche... Ou que ma bibliothèque l'achète ^_^. Mais j'aimerais bien mettre d'abord la main sur "Le temps qui va, le temps qui vient", qui m'intrigue beaucoup.

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  4. PS: Et je viens de voir que ce livre venait de sortir en poche (j'avais mal regardé la couverture). Du coup, ça change tout ^_^...

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  5. Je note ce titre, j'ai déjà dévoré plusieurs romans de cette auteure que j'aime énormément. Pas de rebondissements en effet, mais quelle belle écriture !

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  6. Merci pour vos commentaires !

    Je vous le (re)conseille vivement !
    Effectivement, il est en poche, alors pas d'hésitation :)

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