lundi 28 décembre 2015

Le démon de l'île solitaire d'Edogawa Ranpo

Minoura, jeune homme sans histoires, tombe amoureux d'Hatsuyo, sa belle collègue de travail. Mais, la jeune femme est brutalement assassinée quelques temps après leurs fiançailles. Le meurtre en lui-même est bien mystérieux : la jeune fille est retrouvée morte dans sa chambre fermée à clé, un couteau en plein cœur, sans qu'aucune trace d'effraction ne soit visible ! Désespéré, Minoura jure de la venger et demande de l'aide à Kôkichi Miyamagi, un ami détective, assassiné à son tour, avant d'avoir pu révéler à Minoura ce qu'il avait découvert. C'est alors Michio Moroto, ancien colocataire et fortement épris de Minoura, qui se joint à lui pour découvrir l'assassin d'Hatsuyo et Miyamagi, sans se douter une seconde que leur quête les mènera sur une île mystérieuse où d'étranges et atroces expériences sont menées.

Minoura est le narrateur du roman. Bien qu'ayant à peine la trentaine, ses cheveux à l'origine noirs, sont entièrement blancs. De plus, sa femme a une énorme cicatrice sur le haut de la cuisse. L'histoire que ce couple a vécu est tellement incroyable, que Minoura a choisi d'écrire ce livre pour répondre aux multiples interrogations que suscitent leur apparence. Voilà une introduction qui nous met l'eau à la bouche !

Ainsi, ce roman débute comme un policier ordinaire, avec des énigmes à résoudre du type meurtre en chambre close, des secrets, du suspense, mais rapidement, on bascule dans un côté plus fantastique, avec une île mystérieuse qui cache un trésor, peuplée de monstres de foires et où de terribles expériences menaçant l'humanité ont lieu.

Ce roman, publié à l'origine sous forme de feuilletons, a parfois un côté un peu répétitif, car le narrateur prend la peine de remémorer au lecteur du feuilleton les épisodes précédents, sans que cela soit gênant pour autant. Si j'ai apprécié le début du roman, j'ai trouvé que la résolution des énigmes arrivait un peu trop vite. Mais elle laisse sa place à la découverte des mobiles, et là, Ranpo ne déçoit pas son lecteur en révélant peu à peu les secrets et les mystères qui entourent les personnages. Publié entre 1929 et 1930, Le démon de l'île solitaire a un petit côté vieillot avec ses infirmes monstrueux, mais si vous aimez les lectures surprenantes et un brin décalé, pourquoi pas ?

samedi 26 décembre 2015

La Terre qui penche de Carole Martinez

Blanche, fille d'un seigneur, meurt en 1361 à l'âge de douze ans. Mais, son âme qui a vieilli par-delà les siècles est restée et partage ses souvenirs dans la tombe avec la petite fille qu'elle a été. Dans un Moyen-Âge mi-réel, mi fantasmé, les légendes qui mêlent déesses de l'ancien temps, magie et preux chevaliers, se confrontent aux dures réalités de la Peste et de la Mort.

Blanche a onze ans et, bien que toute menue, elle a un fort caractère et ne veut déjà plus obéir à son tyran de père. Tout ce qu'elle souhaite, c'est apprendre à lire et écrire et pouvoir broder son nom sur sa petite chemise. Quand son père l'emmène au Domaine des Murmures pour la marier quelques années plus tard, à Aymon, le fils du seigneur de Haute-Pierre, elle voit là l'occasion d'obtenir un peu de liberté. La vie est bien mieux au Domaine des Murmures, où elle est choyée par le seigneur de Haute-Pierre et sa femme, et surtout éduquée par Maitre Claude. Aux côtés d'Aymon, simple d'esprit et attachant, et de Bouc son fidèle cheval, Blanche grandit, s'épanouit et découvre avec intérêt le passé de son père et de sa mère, décédée trop tôt.

Carole Martinez nous emmène à nouveau au cœur du Moyen-Âge, deux siècles après l'histoire d'Esclarmonde et la magie de sa plume, charnelle et cruelle à la fois, fonctionne encore à merveille et même mieux, car je n'y ai pas retrouvé les quelques défauts ressentis dans Du Domaine des Murmures. Avec La Terre qui penche, Carole Martinez ensorcèle son lecteur qui voit avec appréhension la dernière page se rapprocher de plus en plus vite. Même si l'action se situe à l'époque médiévale, les thèmes évoqués sont intemporels et universels : l'émancipation des femmes, la relation père/fille, l'enfance qui se termine... Carole Martinez a écrit un superbe roman qui décrit avec brio les conditions de vie au Moyen-Âge, et notamment la vie des femmes, tout en emportant son lecteur du côté de la magie et du merveilleux : une pépite à lire absolument !

J'ai découvert ce roman dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire 2015 organisés par PriceMinister et, si le choix parmi tous les livres proposés n'avait pas été facile, je ne le regrette absolument pas : merci ! #MRL15

jeudi 17 décembre 2015

La femme aux fleurs de papier de Donato Carrisi

Jacob Roumann est un médecin autrichien mobilisé dans les tranchées du mont Fumo en 1916. Un soldait italien est fait prisonnier et Jacob se voit attribuer la mission de le faire parler. Désabusé et résolu à voir les soldats mourir devant lui sans qu'il ne puisse y faire grand chose, Jacob ne s'attend absolument pas à la tournure que va prendre l'interrogatoire, qui semble plus dirigé par le prisonnier que par le médecin. Qui est cet énigmatique soldat qui refuse de simplement donner son nom mais résume sa vie en trois questions : "Qui suis-je ? Qui était Guzman ? Qui était l'homme qui fumait sur le Titanic ?"

"Jacob Roumann avait le sentiment que l'italien le tenait, et cela lui déplaisait. Il était de plus en plus convaincu d'être devenu le pion d'un plan bien orchestré. Le récit que lui offrait le prisonnier serait-il à lui faire baisser la garde, à le rendre malléable ? Il n'avait plus le choix, il devait suivre le flux et découvrir où cela le conduirait."

Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en commençant ce roman de Donato Carrisi, un auteur italien reconnu de thrillers, dont je n'avais lu encore aucun roman. Le résumé, fort intriguant, était également aussi abstrait que les trois questions du prisonnier. En effet, alors qu'on lui demande de décliner son identité, le prisonnier italien se met à retracer la vie d'un certain Guzman, mystérieux et charismatique personnage, qui a fait de l'acte simple de fumer tout un art et qui vit et voyage de Marseille à Paris, en passant par Genève et la Chine, en racontant des histoires qui captivent ceux qu'il rencontre.

Tout comme Jacob, on est scotché par l'histoire racontée par le prisonnier italien tout au long de la nuit qui passe sans qu'on s'en rende compte et les nombreuses interruptions sont aussi gênantes pour lui que pour nous. On n'a de cesse de s'interroger sur le rapport entre le prisonnier, Guzman et l'homme qui fume sur le Titanic. La révélation finale est-elle à la hauteur du suspense généré tout au long du roman ? La réponse est oui plutôt, je n'ai pas été déçue par ce récit captivant et touchant, qui n'a rien d'un thriller, mais que je vous conseille !

dimanche 6 décembre 2015

Zone de non-droit d'Alex Berg

Valérie Weymann est une jeune avocate allemande, mariée et mère de deux petites filles. Alors qu'un important sommet contre l'armement et pour le climat doit avoir lieu à Hambourg, Valérie est arrêtée à l'aéroport. Rapidement, elle comprend qu'elle est suspectée de complicité de terrorisme et que dans ces cas-là, ses droits peuvent être bafoués pour que l'enquête, menée par les agences de renseignement de plusieurs pays, avance. Peu après, une bombe explose à la gare de Dammtor tuant plusieurs personnes. Valérie, qui clame son innocence, est alors prise en charge par les Américains qui la transfèrent dans une prison ultra-secrète en Europe de l'Est, pour lui faire subir le pire des interrogatoires.

Ce thriller d'Alex Berg met en scène pour la première fois le personnage assez classique de Valérie Weymann, une belle et brillante avocate, qui n'a pas froid aux yeux, et qui arrive à concilier son travail prenant et sa vie de famille. Face aux pires des violences physiques et morales, elle s'avère forte et fragile à la fois, en tout cas très humaine et on suit avec intérêt et compassion sa descente aux enfers. Les autres personnages sont moins développés, et parfois plus caricaturaux, et je regrette quelque peu le manichéisme assez présent du roman, avec d'un côté l'Américain Robert Burroughs de la CIA, un homme abject et devenu obsessionnel après la mort de sa famille le 11 septembre 2001, prêt à tout pour faire tomber Valérie, et de l'autre côté, Eric Mayer, des services de renseignement allemands qui va remettre en question la culpabilité de l'avocate.

A travers son roman, Alex Berg met en exergue les dérives d'un État sous prétexte de combattre le terrorisme : perte de liberté fondamentale et de droits constitutionnels pour les accusés, enfermement sans possibilité légale de se défendre et interrogatoires qui se transforment en torture. On pense bien évidemment aux États-Unis et leur Patriot Act, aux pratiques de la CIA et au camp de Guantánamo. Malheureusement, les situations ne m'ont pas toujours parues crédibles dans ce roman, même s'il se lit rapidement grâce au rythme efficace du roman et à l'intensité de certaines scènes, notamment les scènes d'interrogatoire de Valérie. Zone de non-droit est un thriller assez ordinaire qui permet toutefois  de passer un bon, mais pas inoubliable, moment de lecture.

tous les livres sur Babelio.com

lundi 30 novembre 2015

Lettres à mon père par Didier Lett

Cet ouvrage propose de découvrir une "petite histoire des relations paternelles à travers la correspondance de personnages célèbres". Les lettres qui y sont retranscrites sont toutes présentées par Didier Lett, agrégé d'histoire et professeur d'histoire médiévale à Paris VII. 

On y croise des personnes célèbres - de grands écrivains comme Jules Verne, Victor Hugo, Gérard de Nerval, mais aussi Françoise Dolto, François Truffaut, Albert Einstein, Mozart Berlioz et plein d'autres. Certaines sont touchantes, par exemple celle de Victor Hugo à sa fille Léopoldine quand on sait à quel point sa mort quelques années plus tard bouleversera l'écrivain. D'autres sont d'autant plus intéressantes qu'elles apportent non seulement une idée de la vie à une époque (le statut d'un écrivain par exemple dans la lettre que Nerval écrit à son père pour justifier de son choix) mais elles font aussi apparaître une évolution des relations entre père et enfant époque après époque. En effet, même si les lettres présentées dans ce recueil ont été majoritairement écrites au cours des deux derniers siècles, l'auteur a choisi également de présenter des lettres plus anciennes, la première datant du milieu du XIIIe siècle. La dernière est quant à elle la plus récente car il s'agit de celle écrite par Elsa Wolinski à son père le jour de sa mort lors des attentats de Charlie Hebdo. C'est sûrement celle qui m'a le plus touchée.

Ce qui est remarquable, c'est qu'à travers les âges, on retrouve quand même plus ou moins les mêmes thèmes dans ces lettres : cela peut-être de l'amour filial et paternel très fort et du respect ou au contraire l'occasion de régler ses comptes, d'alimenter un conflit sous-jacent. On retrouve aussi souvent des demandes d'argent qui expriment un manque évident d'indépendance financière à certaines époques.

J'ai bien aimé la remise en contexte par l'auteur de chaque lettre en guise d'introduction, avec une rapide biographie de l'auteur au moment de l'écriture de la lettre. Les illustrations et le graphisme utilisé dans cette série de livres (Lettres à mon père, Lettres à ma mère, Lettres à mes frères et sœurs...) font de cette nouvelle collection, Mots intimes, des éditions Le Robert, une belle nouveauté qui ravira les amateurs d'échanges épistolaires, mais aussi ceux qui souhaitent découvrir des éléments historiques de façon plus intime.

tous les livres sur Babelio.com

lundi 23 novembre 2015

[BD] Adam Clarks de Lapone et Hautière

Adam Clarks est un chroniqueur vedette de la jet-set, séducteur et homme à femmes. Du moins, c'est ce qu'il prétend. Car derrière ses beaux atours, se cachent un gentleman cambrioleur de haut vol. Lors d'une soirée mondaine, il se sert de la belle Irina pour voler un énorme et unique rubis, le De Long Star. Son secret est découvert par le KGB qui a bien l'intention de se servir de ses nombreux talents pour une mission top secrète. C'est sans compter sur la CIA qui force Adam Clarks à travailler pour eux. Pris entre les deux organisations secrètes ennemies, Adam Clarks doit jouer finement pour ne pas mal finir...

C'est grâce à une opération Masse Critique de Babelio que j'ai pu découvrir cette bande-dessinée dont la couverture et le style de dessin m'a tout de suite sauté aux yeux. De très grand format (39 * 27 cm), elle met en scène un univers à la fois futuriste (étranges bâtiments et véhicules volants) et à l'ancienne avec une Guerre Froide entre États-Unis et URSS toujours d'actualité. Je lis très peu de bande-dessinée et ne suis donc pas spécialiste du genre. Je ne m’appesantirai donc pas sur le dessin et le style que j'ai trouvés plutôt pas mal, même si les couleurs essentiellement foncées (bleu, noir et rouge) diminuent parfois la lisibilité des vignettes. J'ai par contre bien aimé le souci du détail qui apparaît sur certaines grandes vignettes.

Côté histoire, on a affaire à une intrigue policière assez classique, mais qui a le mérite d'offrir quelques rebondissements intéressants. Elle est racontée par un mystérieux personnage qui s'adresse directement au lecteur pour présenter Adam Clarks et son aventure : un procédé original bien qu'il n'apporte finalement pas grand chose au récit. A mes yeux l'élément le plus plaisant de cette bande-dessinée est le héros : je me suis rapidement attachée à ce cambrioleur rusé et charismatique, qui n'est pas sans rappeler le célèbre Arsène Lupin. Dommage cependant qu'il ne s'agisse apparemment que d'un one-shot, le personnage mériterait d'avoir sa propre série. Merci à Babelio, Glénat et la SNCF pour m'avoir permise de découvrir une BD qui mérite le détour !

tous les livres sur Babelio.com

mercredi 18 novembre 2015

Swap Portrait chinois : les colis !

Quand j'ai su que Critéïne du blog De ma plume à vos oreilles que je suis régulièrement organisait un swap, j'ai tout de suite sauté sur l'occasion car j'aime beaucoup ça et cela faisait un moment que je n'en avais pas fait !

Le thème du swap était le portrait chinois, vous savez ces questions du type "Si j'étais une couleur/un animal/une heure de la journée, je serais...". Critéïne a envoyé à chacun des participants  le questionnaire et a constitué les binômes. Nous avions ensuite un mois pour constituer le colis à envoyer à notre binôme qui devait contenir : 

- deux romans
- une carte postale
- un objet lié à l'univers de la lecture ou du cocooning
- un objet rigolo
- une gourmandise

Par la biais de ce swap, j'ai fait la connaissance d'Amandine, 31 ans, qui habite la région parisienne et qui vient de terminer une formation de bibliothécaire-documentaliste. En plus de notre métier, nous avions dans nos portraits chinois plusieurs réponses communes, et nos échanges de mails ont peu à peu révélé d'autres points communs, notamment nos deux chats adeptes des bêtises qui se ressemblent et que nous adorons :) C'est un vrai plaisir de connaître Amandine, le principal intérêt d'un swap, et j'espère que nos échanges ne s'arrêteront pas là !

Allez passons tous de suite aux photos en commençant par le colis que j'ai reçu de la part d'Amandine :

La totalité du colis !




Comme vous pouvez le voir, j'ai été très gâtée. Amandine a choisi tous ces objets en tenant compte du questionnaire rempli et de l'aperçu de mes goûts lors de nos échanges de mails. Et elle est tombée en plein dans le mille ! Côté romans, on s'était mises d'accord pour choisir un livre dans nos listes respectives et un livre surprise. Je voulais lire Délivrances de Toni Morrison et Amandine a bien compris que j'avais un coup de cœur pour la littérature japonaise avec Le musée du silence de Yoko Ogawa. Le thé Coquelicot gourmand est un délice, le savon Pamplemousse sent très bon et la paire de ciseaux en forme de Tour Eiffel a tout de suite rejoint ma mallette de loisirs créatifs qui s’agrandit petit à petit depuis que je m'y suis mise. Enfin, la carte de Las Vegas (qui vient vraiment de là-bas) ainsi que le collage qui contenaient les petits mots d'Amandine m'ont beaucoup plus. Merci Amandine et bravo pour ton premier swap !

Passons au colis qu'Amandine a reçu de ma part : 

Le coquin !




Les surprises, l'objet rigolo (des pansements à motifs), les gourmandises et le photophore "cocooning"
Le roman choisi par Amandine à gauche et celui choisi par mes soins ainsi un carnet pour noter ses lectures (ou autre)


D'après le retour d'Amandine, elle a l'air plutôt satisfaite : "J’ai été très gâtée ! Chaque objet était emballé individuellement avec un packaging différent ! Le colis était aussi beau que bien fourni et bien choisi !
Quant à moi, c'est avec plaisir que j'ai réalisé ce swap, et grande première, j'ai essayé d'y inclure des choses faites main, comme le photophore tricoté et personnalisé et les emballages et étiquettes. J'ai déjà envie de recommencer !

Merci à Critéïne pour l'organisation du swap et à Amandine pour son colis qui a su me combler !

lundi 16 novembre 2015

Le mystère Sherlock de J.M. Erre

A Meiringen en Suisse, l'accès à l'hôtel Baker Street est enfin dégagé après une grosse avalanche. Mais les pompiers découvrent un horrible spectacle : tous les résidents sont morts dans d'étranges circonstances, et notamment les dix universitaires venus participer à un grand colloque sur Sherlock Holmes. Que s'est-il passé ? C'est l'intelligent et mystérieux commissaire Lestrade qui enquête sur les lieux du drame, en parcourant les notes et indices laissés par les victimes.

Je dois vous avouer que je n'ai lu aucun roman d'Arthur Conan Doyle mettant en scène Sherlock Holmes. Mon idée du personnage et de l'univers vient surtout de la formidable série télé britannique Sherlock (avec Benedict Cumberbatch). C'est donc en novice que j'ai attaqué ce roman qui se présente comme un hommage à Sherlock Holmes et aussi à Agatha Christie. En effet, impossible de ne pas faire un parallèle entre ce roman et Les dix petits nègres, deux huis-clos dans un hôtel isolé du reste du monde où tous les résidents meurent les uns après les autres. Le parallèle s'arrête là, car ici, avec Le mystère Sherlock, on est complètement et assurément dans le registre comique.

J.M. Erre a choisi de créer des personnages complètement loufoques et décalés qui nous réjouissent avec leurs extravagances et leurs caractères : le professeur Gluck qui aime utiliser les redoutables techniques de son maitre pour analyser et déduire tout et surtout n'importe quoi ; Jean-Patrick Perchois persuadé d'entendre la voix de Sherlock Holmes ; Eva von Gruber entièrement refaite et siliconée de la tête aux pieds ; le professeur McGonaghan dont l'objectif principal est de coucher avec Eva ; Dolorès Manolete tourmentée par sa foi chrétienne et ses envies de meurtre ; Jorge Rodriguez aussi séduisant que les "mollusques viscéroconques du Mozambique" ; le professeur Durieux, professeur avant d'être un homme, accompagné d'un étudiant, Benjamin Rufus ; et enfin le jeune Oscar venu remplacé son père accidenté. Tous sont venus se battre pour obtenir la chaire d'holmésologie de la Sorbonne, et c'est le professeur Bobo, vieillard sénile, qui devra désigner l'heureux élu à la fin du colloque. On observe tous ces surprenants personnages, à travers les yeux d'Audrey qui, déguisée en employée d'hôtel, enquête sur les Holmésiens.

C'est donc là le principal atout du roman de J.M. Erre : des personnages comiques qui donnent lieu à des dialogues savoureux s'enchaînant à toute vitesse. Côté intrigue, il n'y a pas de grande surprise concernant la résolution de l'enquête, mais la fin ouvre des perspectives bien plus intéressantes ! Au final, la lecture de ce roman est agréable et permet d'entrer dans l'univers de Sherlock Holmes de façon très plaisante, ce qui m'a donné envie de lire les romans d'Arthur Conan Doyle, un très bon point !

samedi 7 novembre 2015

Où étiez-vous tous de Paolo Di Paolo

Où étiez-vous tous prend pour prétexte l'histoire intime d'une famille italienne normale qui vit à Romen en 2009, les Tramontane, pour évoquer l'Histoire de l'Italie plus particulièrement celle d'une jeunesse désenchantée sous les années Berlusconi. On suit Italo, le fils de la famille, étudiant en histoire qui souhaite écrire une thèse sur l'homme politique italien et son époque, contre l'avis de son directeur de thèse et de son assistant, car on n'écrit pas sur une histoire aussi contemporaine. Sa vie familiale est aussi bouleversée quand son père, Mario, enseignant à la retraite, renverse avec sa voiture un ancien élève, qui s'avère être le petit ami d'Anita, sa sœur, et que sa mère part se réfugier quelques temps à Berlin.

Ce roman sur les vingt dernières années en Italie contient quelques extraits de vrais journaux italiens, qui viennent ponctuer le récit et apporter un petit côté enquête sur la société italienne. Mais, Paolo Di Paolo évoque également des thèmes universels, dans lesquels chacun peut se reconnaître que l'on soit italien ou pas. Il y a d'abord la relation compliquée avec un père pas toujours tendre et aimant, lui-même bouleversé par le grand changement que représente la retraite, après tant d'années de travail. Que s'est-il passé le jour de l'accident ? Mario Tramontane, jusque-là modèle du père intègre, a-t-il intentionnellement renversé son ancien élève ?

Mais ce qui m'a le plus touché, c'est l'histoire d'Italo, ce jeune homme extrêmement attachant qui essaie de grandir dans une époque et un pays où règne la corruption, où tous ses idéaux s’effondrent, à travers l'image de sa famille qui se fissure, mais qui pourtant trouve la force de continuer, de pas abandonner et de toujours aller de l'avant. Paolo Di Paolo a écrit un roman juste et touchant où chacun se retrouvera à travers sa propre expérience et qui mêle histoire personnelle et histoire universelle avec, en plus, une belle écriture précise. Une jolie découverte !

tous les livres sur Babelio.com

jeudi 1 octobre 2015

J'ai vu un homme d'Owen Sheers

Michael Turner vient de perdre sa femme Caroline, tuée par erreur par un drone américain alors qu'elle effectuait un reportage au Pakistan. Il tente de s'en remettre en quittant New-York pour Londres. En s'installant dans son nouvel appartement, il fait la connaissance de ses nouveaux voisins, Josh et Samantha Nelson, qui vivent à côté avec leurs deux petites filles. Rapidement, une forte amitié se crée entre eux et ils deviennent inséparables. Mais un drame survient changeant à jamais leurs relations.
Dans le désert du Nevada, le commandant Daniel McCullen est rongé par les remords : il est le pilote qui dirigeait le drone et le missile qui ont tué Caroline et son équipe de tournage. Lui aussi tente de se reconstruire et de sauver sa vie de famille. Y parviendra-t-il ?


Avec J'ai vu un homme nous nous immisçons dans le quotidien et l'intime de personnages qui tentent de se reconstruire après la perte d'un être cher ou après un drame dont ils se sentent responsables. Se posent les questions de la culpabilité et de la rédemption. Comment refaire sa vie ou retrouver sa place au sein de son couple et de sa famille après de tels événements ? C'est avec beaucoup de réalisme que ces thèmes sont évoqués et on partage très facilement les sentiments et émotions des personnages.
Michael Turner est le personnage principal de ce récit et c'est à travers lui que l'on vit sa rencontre avec Caroline, son mariage et le deuil brutal qui termine de façon soudaine leur toute jeune vie conjugale. On assiste aux débuts de sa reconstruction sans Caroline et à la naissance de la forte amitié qu'il noue avec les Nelson. Le roman reste donc assez classique mais finit par prendre une tournure assez différente. En effet, un terrible événement, dont je ne vous dirai rien, survient et avec lui, l'enquête policière, l'angoisse d'être pris, les mensonges et toujours les remords et la culpabilité... J'ai alors été complètement happée par le récit jusqu'à la dernière page car Owen Sheers a su créer un suspense et une tension qui tiennent en haleine le lecteur. Le roman se rapproche ainsi légèrement du thriller, mais pas complètement, ce qui m'a quand même donné une impression un peu mitigée : le roman hybride est aussi un peu bancal, comme si l'auteur avait hésité entre deux genres différents. Mais rassurez-vous, tout est quand même bien amené et construit !

Le roman met en scène également le personnage de Daniel McCullen, commandant de l'Air Force, qui abandonne les missions risquées en Afghanistan, pour se rapprocher de sa famille. Mais, on n'oublie pas aisément les atrocités de la guerre et Daniel en fait encore des cauchemars, ce qui trouble sa vie et de famille et son couple. Il pensait avoir trouvé la solution idéale en devenant pilote de drone, mais tuer à distance n'est pas plus facile, surtout quand des innocents sont touchés par accident. Si l'idée de mettre en parallèle l'histoire du responsable de la mort de Caroline était intéressante, j'ai trouvé qu’elle n'était pas assez développée et que le lien qui se développait avec Michael était faible et n'apportait pas grand-chose au développement de l'histoire.

Malgré ces quelques défauts, J'ai vu un homme est un roman qui a su me séduire et dont la lecture a été très agréable grâce à une écriture fluide et des thèmes durs évoqués avec beaucoup de sensibilité.
 
 
Ce roman a été lu dans le cadre de l'opération Explolecteurs de www.lecteurs.com.

mardi 29 septembre 2015

Jugan de Jérôme Leroy

En vacances sur l'île de Paros, le narrateur profite de la tranquillité d'une chaude nuit pour rêver de Noirbourg et des événements survenus il y a une dizaine d'années. Jugan, leader du groupe d'extrême gauche Action Rouge vient d'être libéré de prison après une peine de dix-huit ans. Clotilde Mauduit, ancienne membre d'Action Rouge et aujourd'hui conseillère principale d'éducation d'un collège d'une ZEP, lui a trouvé un emploi d'aide aux devoirs dans un centre social. Jugan y fait la rencontre d'Assia Rafia, jeune étudiante en comptabilité. Cette rencontre va tourner au drame et le narrateur, professeur de lettres classiques dans le même collège que Clotilde, en sera un simple témoin.

Dans ce roman de Jérôme Leroy, nous savons très peu de choses sur le narrateur : il est professeur, marié et père d'une petite fille de quatre ans. Mais avant cette "vie si banalement rangée", il a été témoin d'un évènement traumatisant qu'il ne parvient pas à oublier. Dès le début, nous savons qu'un terrible drame a eu lieu et, présenté ainsi, j'ai eu très envie d'enchaîner rapidement les pages pour le découvrir. Le roman est une descente dans le rêve éveillé du narrateur qui cherche à comprendre ce qu'il s'est passé comme une sorte de thérapie pour mieux se souvenir et oublier.

Tout est lié à l'arrivée de Joël Jugan. Jugan est décrit par le narrateur comme un monstre, ravagé physiquement - son visage brûlé n'est qu'une plaie vivante - et mentalement - son passage dans les Quartiers de Haute Sécurité en prison n'ayant pas amélioré son caractère dangereux. Il était leader d'un groupe d'extrême gauche qui a dérivé vers le terrorisme (meurtre d'un PDG, braquages...). A sa sortie de prison, Jugan découvre un monde qui a changé, un monde où les anciens compagnons se sont rangés et sont devenus honnêtes médecins ou autre. Mais, le narrateur n'oublie pas que Jugan n'était pas seulement un fanatique prêt à tout pour servir la Cause, mais aussi, au début, un jeune homme désireux de changer et d'améliorer le monde. C'est donc avec des sentiments complexes et contradictoires, que j'ai également ressentis, que le narrateur nous décrit Jugan : tendresse pour le jeune homme idéaliste, pitié pour l'homme ravagé, horreur pour le monstre qu'il est devenu. Complètement à son opposé, la belle et intelligente Assia apparaît comme un ange auprès du Diable. Inexplicablement, elle est envoutée par Jugan, responsable de sa longue descente aux Enfers à laquelle assiste, affligé et impuissant, le narrateur.

Beaucoup de thèmes sont évoqués dans ce roman. En retraçant le passé de Joël Jugan avant la prison, c'est tout un contexte social et politique de l'époque qui est présenté : la lutte armée d'Action Rouge ne sont pas sans rappeler bien sûr le groupe Action Directe. Les QHS font aussi penser à Mesrine. Jérôme Leroy, à travers le personnage d'Assia Rafa et de sa famille, évoque aussi le racisme, l'intégration, la difficulté d'être une jeune femme arabe dans une banlieue. Enfin, les gitans, à la fois fournisseurs d'armes et ensorceleurs parfois maléfiques, ont aussi un rôle à jouer dans le drame du roman.

Jérôme Leroy a une belle écriture fluide et captivante. J'ai aimé ce roman dès les premières pages qui sont empreintes de nostalgie, et la suite a réussi à me tenir en haleine, même si finalement je m'attendais, comme Clotilde Mauduit, à quelque chose de plus, ou à autre chose, avec le retour de Jugan, un personnage négatif mais quelque peu fascinant. Malgré cela, ce roman a été pour moi une très belle découverte, tant pour l’histoire que pour le style de l’auteur, et je me suis laissée emporter par les souvenirs du narrateur, impuissante comme lui devant le désespoir d’Assia, et incapable comme lui de passer à autre chose avant de connaître la toute fin de l’histoire.
 
 
 
Ce roman a été lu dans le cadre de l'opération Explolecteurs de www.lecteurs.com.

dimanche 27 septembre 2015

Paradis amer de Tatamkhulu Afrika

Tom Smith, un vieil homme, reçoit un colis de la part d'une étude de notaires. Des souvenirs douloureux et puissants remontent à lui. Soldat africain du sud, il se bat pendant la Seconde Guerre Mondiale. Emprisonné dans un camp italien, il y fait la connaissance de Doug et Danny. Dans cette promiscuité impossible à éviter, de nouveaux et forts sentiments vont les unir engendrant la plus belle des solidarités, mais aussi des conflits violents et passionnés.

Dans Paradis amer, Tatamkhulu Afrika s'inspire de sa propre expérience de prisonnier pendant la Seconde Guerre mondiale. La vie du camp est donc réelle et la lecture n'est pas facile car l'auteur ne nous épargne rien : la saleté, les maladies, la faim, la mort, les exécutions... Il en ressort des passages très difficiles et aussi très intimes, à tel point que l'on a parfois l'impression d'en voir plus que l'on ne devrait. Mais dans ces camps, il ne reste que peu de place pour l'intimité des prisonniers et l'auteur nous plonge littéralement dans la vie d'un prisonnier.

Il ne s'agit pas ici d'un camp nazi et les prisonniers sont sensiblement "mieux" traités que dans un camp de concentration. J'ai été assez étonnée par la description de la vie du camp dans ce roman. Je n'imaginais pas vraiment que l'on puisse y trouver un marché noir très développé, des métiers différents (certains prisonniers sont coiffeurs et d'autres blanchisseurs) et surtout un théâtre où se jouent des pièces pour les prisonniers et même pour les gardes. Parfois, on en oublierait presque que l'on se trouve dans un camp de prisonniers tant les problématiques du théâtre (la mise en scène, les acteurs, les costumes, le trac avant de monter sur scène) prennent le pas sur le reste.

Mais c'est surtout la relation qui se développe entre Tom et Doug, et ensuite Tom et Danny, qui est au centre du roman. Alors qu'ils sont tous les trois hétérosexuels, et même parfois mariés et pères, ils font face à la naissance d'un désir interdit, qu'ils rejettent, qu'ils ignorent et qu'ils finissent presque par accepter. Je dois avouer que le personnage de Doug ne m'a pas convaincue : sa façon de materner Tom, sa jalousie et son extraordinaire transformation finale m'ont rendu ce personnage extrêmement antipathique et peu crédible. Au contraire, les liens qui unissent Tom et Danny m'ont semblé plus beaux, plus purs et la force pour survivre qu'ils en retirent est incroyable.

Cette lecture n'a donc pas été toujours aisée pour moi par la dureté des thèmes évoqués, par le voyeurisme que j'ai pu parfois ressentir mais aussi par certaines tournures d'écritures qui alourdissent parfois le roman. J'ai le souvenir d'une page où je me suis arrêtée pour compter le nombre de fois où l'auteur utilisait "comme..." ou "tel que..." : plus d'une dizaine de fois dans une seule page ! Mais, peut-être s'agit-il d'un problème de traduction maladroite ? Malgré tout, je suis ressortie passablement secouée de cette lecture et envahie par un sentiment d'espoir en voyant que même des conditions terribles et mortelles, un sentiment aussi pur que l'amour pouvait naître.

tous les livres sur Babelio.com

jeudi 17 septembre 2015

[Série TV] UnREAL : gros coup de coeur

De gauche à droite : Constance Zimmer, Josh Kelly, Shiri Appleby

Diffusée depuis le 1er juin 2015 sur la chaîne américaine Lifetime, cette série a été crée par Marti Noxon et Sarah Gertrude Shapiro.

UnREAL nous emmène dans les coulisses d'une émission de télé-réalité, Everlasting, une sorte de Bachelor, où le but du jeu pour les candidates est de séduire Adam Cromwell, riche et beau héritier incarné par Freddie Stroma.

Casting d'UnREAL : aucune fausse note

Rachel Golberg (Shiri Appleby) travaille sur le show en tant que productrice. Sa mission principale ? Manipuler les candidates et Adam pour pimenter un peu l'émission, créer des rebondissements et  permettre à ses pouliches d'atteindre la finale. Rachel est véritablement douée pour son job, même si elle est parfois torturée par les remords et regrette le manque d'éthique et de morale de son travail qui a aussi ruiné sa vie personnelle. Des candidates au prince charmant, en passant par Rachel, les l'équipe technique d'Everlasting et jusqu'à la productrice en chef, Quinn King (incarnée par la pétillante Constance Zimmer) tous ou presque manipulent et se font manipulés à leur tour. C'est bien Quinn la véritable reine qui, elle, n'en a rien à faire de la morale ! J'adore !

Nuit et jour les candidats sont surveillés depuis la salle des commandes
Une piscine, de l'alcool et des filles en bikini : quoi de mieux pour la télé-réalité ?


On se régale à suivre leur coups tordus et les multiples rebondissements de la série. Pas une seconde d'ennui avec ces dix épisodes qui s'enchaînent à une vitesse folle grâce à un rythme extrêmement bien contrôlé et des dialogues savoureux. Une deuxième saison est déjà prévue. A voir absolument !



jeudi 10 septembre 2015

Popcorn Melody d'Émilie de Turckheim

A Shellawick, un bled perdu en plein désert du Midwest, écrasé par la chaleur et submergé par la poussière et les mouches,vit une petite communauté d'habitants tous plus loufoques les uns que les autres. Enfant, Tom Elliot, le narrateur, a été l'égérie de Buffalo Rocks, l'usine de pop-corn qui emploie la plupart des habitants de la ville. Après avoir été à l'université, il décide d'ouvrir un petit supermarché, qu'il appelle tout simplement "Le Bonheur" car il y vend "la trilogie du bonheur : manger à sa faim, se laver et tuer les mouches". Malheureusement, peu de temps après, une énorme grande surface dont le propriétaire n'est autre que Buffalo Rocks, ouvre en face, causant la faillite de Tom. 

La toute nouvelle grande surface ouverte apparaît différemment aux yeux de Tom et de ses clients perdus. Ces derniers s'y rendent attirés par la climatisation de ce paradis de la consommation où tout - et surtout n'importe quoi - se vend à des prix ultra compétitifs. Pour Tom, petit commerçant, le nouveau supermarché est un labyrinthe cauchemardesque qui conserve incompréhensiblement ses vitres toujours propres, grâce à une armée de robots qui ne lâchent pas les clients d'un pouce. Popcorn Melody raille et alerte sur la société de consommation, l'écrasement des petits commerces par les grandes surfaces, la concurrence déloyale et la déshumanisation des services. Avec son commerce, Tom avait aussi un autre objectif : en installant le fauteuil de barbier de son père décédé devant sa caisse, il était aussi là pour écouter ses clients et parfois amis s'épancher et raconter leurs histoires. Cet aspect humain est complètement anéanti par le nouveau supermarché.

Si les thèmes évoqués me parlent et m'intéressent, je n'ai pas été très convaincue par le traitement qu'il en est fait dans ce roman. Les situations ne sont pas crédibles, et si le but de ce décalage avec la réalité est l'humour, je n'ai pas été séduite par le côté déjanté. Ce roman satirique se lit très vite, mais je n'ai pas su m'attacher au personnage principal, Tom, sorte d'anti-héros ou héros malgré lui, loser au cœur tendre qui aime composer un haïku sur chaque client qui passe sa porte, mais un personnage un peu effacé et faible à mon goût. Les autres personnages sont à peine esquissés, et par forcément à leur avantage, avec ce côté un peu arriéré et ce patois assez énervant.

Cette satire du monde la consommation avait tout pour me plaire, mais m'a laissée au bord de la route et ne me laissera pas un souvenir impérissable, malgré une écriture fluide et des aspects comiques pas inintéressants.



Ce roman a été lu dans le cadre de l'opération Explolecteurs de www.lecteurs.com.

lundi 7 septembre 2015

Bonsoir, la rose de CHI Zijian

La mélancolie a sa beauté, une beauté que l'intéressée doit savourer sans sa solitude.

A Harbin, dans le nord de la Chine, Zhao Xiao'e, jeune femme au physique plutôt banal et petite employée dans une agence de presse, s'installe dans la demeure confortable de Léna Ji, une vieille dame juive qui reste encore, à quatre vingt ans, d'une grande beauté. A priori, tout oppose Xiao'e, d'origine modeste, et la très raffinée Léna, qui vit seule, prie en hébreu à longueur de journée et joue du piano. Pourtant, leur relation évolue lentement, mais sûrement, vers une affection mutuelle et un respect partagé. 

L'histoire, racontée à la première personne par Xiao'e, se concentre sur sa vie amoureuse et son enfance. Cette dernière a été terrible : lorsque son père apprend qu'elle est née à la site du viol de sa mère par un inconnu, il la rejette et la méprise. Elle grandit alors dans la honte de ses origines, honte qui continue à l'âge adulte et la pénalise dans ses relations amoureuses. Sa vie sentimentale est bien compliquée et elle a le don de choisir des hommes plutôt méprisables. Quel piètre portrait de la gent masculine dans ce roman ! La part belle est donnée aux femmes, à travers la courageuse Xiao'e, Weina sa belle et indépendante amie journaliste, et bien sûr la mystérieuse Léna, dont le passé secret n'est révélé qu'à la toute fin du roman.  CHI Zijian nous offre ainsi trois portraits de femmes, différentes mais fortes à leur manière, qui évoquent la condition des femmes en Chine aujourd'hui et dans le passé.

Ce roman a été une belle découverte et, malgré un début un peu lent, je me suis laissée emporter par la douce mélancolie de ce récit et l'écriture pudique et délicate de CHI Zijian.

jeudi 3 septembre 2015

La septième fonction du langage de Laurent Binet

Le 25 février 1980, Roland Barthes est renversé par une camionnette en plein Paris. Hospitalisé, il décède un mois après. Le commissaire Jacques Bayard est persuadé qu'il s'agit d'un assassinat. Accompagné de Simon Herzog, un jeune enseignant-chercheur en sémiologie qui va jouer le rôle de décodeur auprès de Bayard, il poursuit son enquête qui le mène sur la trace d'une mystérieuse septième fonction du langage, convoitée par de célèbres intellectuels et politiques qui y voient l'occasion de s'assurer un grand pouvoir.

Il ne m'est pas très aisé de parler de ce roman admirablement bien construit et bourré d'idées, qui partent parfois dans tous les sens, et qui alterne allègrement des passages jouissifs où les pages s'enchaînent à toute vitesse avec des moments assez complexes où l'on parle philosophie, langage, sémiologie et où la lecture est sensiblement ralentie. Mais, rassurez-vous, La septième fonction du langage n'est absolument pas un roman pédant et intellectuel auquel on ne comprend rien, et l'auteur est assez pédagogue pour nous expliquer à renfort d'exemples concrets et de démonstrations les termes les plus obscurs de son sujet.

Laurent Binet nous plonge dans le milieu intellectuel et politique des années 1980. Il utilise à la fois des faits réels (mort de Barthes par exemple) et les utilisent pour construire un roman en les mêlant de fiction. C'est assez drôle de croiser intimement dans son roman des personnalités connues comme Mitterrand, Giscard, Jack Lang et autres hommes politiques, mais aussi Barthes évidemment, Derrida, Deleuze, Foucault, BHL, Julia Kristeva, Philippe Sollers, Umberto Eco etc. L'auteur prend plaisir à moquer gentiment les travers des uns et des autres, et ce plaisir est partagé par le lecteur. Les intellectuels, à la fois amis et rivaux, sont obnubilés par leurs  incessantes querelles, qui nous semblent bien dérisoires. Également plongés dans les coulisses du pouvoir politique, on y découvre les nombreux coups tordus et manigances des uns et des autres.

Au milieu de tout ça, Simon et Bayard forment un couple de héros romanesques très hétérogène : un jeune et timide enseignant politiquement à gauche contre un policier plus âgé et bourru, de droite forcément. Leur relation et leur état d'esprit évoluent au fur et à mesure de leurs aventures, qui les mènent de Paris à Venise, en passant par Bologne et Ithaca (États-Unis), et les font traverser, entre autres, un hammam homosexuel, un mystérieux club de rhétorique, un colloque universitaire et des souffleries de verre à Murano. Bref, on ne s'ennuie pas une seconde dans cet univers riche et varié !

Laurent Binet a réussi un grand coup de maitre en écrivant un bon roman à la fois policier, érudit et très drôle auquel il faut parfois s'accrocher mais qui vaut largement la peine qu'on se perde un peu dans les méandres de la linguistique et de la sémiologie.

Ce roman vient d'être récompensé par le Prix Roman Fnac et c'est largement mérité !


J'ai dévoré ce roman dans le cadre de l'opération Explolecteurs de www.lecteurs.com.


mardi 1 septembre 2015

Bilan lectures de l'été : challenge Destination PAL



Je crois bien avoir été une mauvaise élève (ouuuuuuuuh) pour le challenge Destination PAL organisé par Lili Galipette. Le but était de constituer une PAL d'été (ou bien d'utiliser sa PAL habituelle, mais je n'en ai pas) et de la vider au maximum !

Rappelez-vous, j'avais sélectionné onze romans : 
La couronne verte de Laura Kasischke
Pietra Viva de Léonor de Récondo
Alabama Song de Gilles Leroy
Le Chardonneret de Donna Tart
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage de Haruki Murakami
D'un mauvais oeil de Jessica Treadway
Le cœur entre les pages de Shelly King
Bonsoir, la rose de Chi Zijian
La mort avec précision de Isaka Kôtarô
Peine perdue d'Olivier Adam
Les Lisières d'Olivier Adam

Et voici ce que j'ai lu : 
La couronne verte de Laura Kasischke
Pietra Viva de Léonor de Récondo
La mort avec précision de Isaka Kôtarô
Bonsoir, la rose de Chi Zijian
Les Lisières d'Olivier Adam
J'ai commencé (mais abandonné en cours de lecture) Le Chardonneret,  ça compte ou pas ? On dit 5 ou 5,5 sur 11 ? ;-)

J'ai aussi lu quatre romans de la rentrée littéraire (chroniques à venir), qui se sont rajoutés grâce à l'opération ExploLecteurs de lecteurs.com. Finalement, déterminer à l'avance mes lectures n'est peut-être pas fait pour moi, mais cela m'a quand même permis de lire des romans que je voulais lire depuis un moment, c'est le point positif ! Merci à Magali pour ce challenge, je le retenterai bien l'année prochaine quand même pour voir si je m'améliore ou pas.

vendredi 28 août 2015

La Couronne verte de Laura Kasischke

Annie et Michelle, meilleures amies depuis toujours, décident de partir à Cancún, au Mexique, pendant le Spring Break pour leur dernière année de lycée avant l'Université. Entre visite des ruines mexicaines du dieu Quetzalcóatl, plage et soirées alcoolisées, leur séjour va lentement mais irrémédiablement tourner au drame...

Encore une fois, Laura Kasischke réussit à écrire une roman très prenant avec, somme toute, une histoire assez banale : combien de fois a-t-on répété aux jeunes filles de ne pas monter dans la voiture d'inconnus, de ne pas accepter de verre d'inconnus... On se doute bien dès le début de ce qu'il va arriver à ces jeunes filles étourdies et naïves ! Pourtant, j'ai dévoré ce roman d'une traite. Ce n'est pas tant le drame qui plait, mais la longue descente inexorable vers le dénouement tragique. Laura Kasischke parvient à merveille à saisir la tension qui monte lentement mais sûrement, et l'on en tremble presque pour ces deux jeunes filles à qui l'on voudrait crier sans cesse "non, ne faites pas ça !".

La couronne verte n'est peut-être pas le meilleur roman de Laura Kasischke que j'ai lu mais on y retrouve son univers cruel, un peu morbide et sensuel où tout ce qui paraît beau au premier abord a toujours quelque chose de pourri, de sombre et d'étrange à l'image de Chichén Itzá, ces magnifiques ruines mayas dédiées au dieu serpent à plumes qui attirent les touristes mais dans lesquelles étaient sacrifiées de jeunes vierges.

N'hésitez pas à aller faire un tour sur mes autres chroniques de romans de Laura Kasischke et dites-moi si vous aimez aussi cette auteure :
 - Les Revenants

mercredi 26 août 2015

La Mort avec précision d'ISAKA Kôtarô

Chiba est un dieu de la Mort parmi tant d'autres. Son rôle est de déterminer si tel ou tel humain est apte ou non à mourir. Après une enquête de sept jours auprès du candidat à la mort, il revient le huitième jour s'assurer que son travail est bel et bien terminé. Du quotidien le plus banal au monde des yakuzas, Chiba rencontre tout un panel d'humains représentatifs de la société japonaise contemporaine.

Ce roman m'a sauté aux yeux dès que je l'ai aperçu ! Son résumé intrigant promettait un roman drôle et caustique, plein d'humour noir et assez décalé de ce que j'ai l'habitude de lire en littérature japonaise. Par bien des aspects, ce roman ne m'a pas déçue. 

Le terme roman n'est peut-être pas le plus adéquat, si l'on considère que les six chapitres peuvent se lire indépendamment, chacun se consacrant à la rencontre de Chiba avec un humain. Il n'y a bien que dans le dernier chapitre que quelques allusions sont faites aux précédents. Un yakuza, une jeune femme harcelée, un homme épiant amoureusement sa voisine, une vieille dame coiffeuse et philosophe, un jeune assassin au passé trouble, des gagnants d'un séjour coincés dans un hôtel en plein tempête de neige : voici les candidats à la mort dont Chiba doit s'occuper et qui permettent à l'auteur de pouvoir donner pleine liberté à son talent en s'essayant à plusieurs genres littéraires : un peu de fantastique, thriller, horreur, contemporain.

Bien sûr, le personnage le plus intrigant est Chiba lui-même, un fonctionnaire de la Mort, qui reçoit ses ordres d'une administration chargée de donner ses instructions et de s'assurer que le boulot est accompli, même si presque tous les candidats sont déclarés aptes à mourir. Ainsi, Chiba apparaît sous une apparence différente auprès de chaque candidat, pour faciliter le développement de leurs relations et ainsi son enquête. S'il ne s'attache pas aux humains qu'il rencontre (car il ne s'agit après tout que d'un boulot parmi tant d'autres), on finit, nous, par se prendre d'affection pour Chiba, qui n'est touché que par la musique comme les autres dieux de la Mort, qui a la particularité de n'avoir jamais vu le ciel bleu en tant d'années de travail sur Terre car la pluie s'invite à chacune de ses apparitions et qui apparait totalement décalé par rapport aux humains, dont il ne comprend pas souvent les actes ou les paroles, induisant ainsi des situations un peu cocasses et drôles. 

La Mort avec précision est un bon roman divertissant que je vous conseille, qui m'a fait découvrir un aspect de littérature japonaise que je ne connaissais pas et un auteur dont je lirai sans doute d'autres romans !

lundi 24 août 2015

Les vacances sont finies !

Et voilà, les vacances sont terminées pour moi, il est temps de retrouver le chemin du boulot et, par la même occasion, du blog. J'en ai bien profité de ces vacances, entre les balades dans les Cévennes, en Provence et dans les Alpes, quelques jours à Milan pour l'Exposition Universelle et du temps précieux avec mes proches. 

Bien sûr, c'était aussi l'occasion de lire, romans et magazines. Souvenez-vous, en juillet je m'étais inscrite au challenge Destination PAL organisé par Lili Galipette, dont le but était de déterminer une PAL, pile de livres à lire, pour les vacances. J'avais choisi onze romans, mais autant vous le dire tout de suite, d'autres livres sont quelque peu venus contrecarrer mes plans...

En effet, j'ai eu la chance de faire partie de l'aventure des ExploLecteurs 2015 organisée par le site Lecteurs.com. L'idée était de faire découvrir à un panel de lecteurs inscrits sur le site des romans de la rentrée littéraire : 51 ExploLecteurs ont reçu chacun quatre romans parmi une sélection de 52 romans dont vous pouvez retrouver la liste ici. Pour ma part, j'ai reçu :
- J'ai vu un homme d'Owen Sheers (Rivages)
- Popcorn Melody d’Émilie de Turckheim (Héloïse d'Hormesson)
- Jugan de Jérôme Leroy (La Table Ronde)
- La septième fonction du langage de Laurent Binet (Grasset)
Dans les jours qui viennent, vous pourrez découvrir toutes nos chroniques en avant-première sur le site Lecteurs.com et je publierai également mes quatre chroniques sur le blog à partir du 29 août.


Allez, je vous laisse avec quelques photos de cet été et vous souhaitent à tous bon courage pour la rentrée ou bonnes vacances aux chanceux qui en profitent encore !

En plein cœur de la Bambouseraie des Cévennes

Le beau Cloître Sant-Paul de Mausole

Magnifique spectacle Michel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël dans les  Carrières de Lumières des Baux-de-Provence
Il Duomo à Milan

lundi 20 juillet 2015

La Perle et la coquille de Nadia Hashimi

Kaboul, 2007. Rahima est une jeune fille née dans un Afghanistan dirigé par les Talibans. Elle ne peut sortir de chez elle sans être couverte et accompagnée. Sa famille est pauvre et sa mère peine à les nourrir tous avec un mari accro à l'opium qui ne quitte guère la maison et aucun fils pour la seconder. Elle décide de faire de Rahima une bacha posh, c'est-à-dire de la travestir en garçon jusqu'à ce qu'elle soit en âge de se marier. Ainsi, Rahima jouit d'une plus grande liberté, peut sortir s'occuper des courses, aller à l'école et jouer au foot avec les autres garçons. Ayant goûté la liberté, le retour à sa condition de jeune fille n'en sera que plus dur. Alors pour se donner du courage, elle aime que sa tante lui raconte l'histoire de son arrière-arrière-grand-mère, Shekiba, qui à un siècle d'intervalle, a connu une situation similaire : travestie en homme, elle était garde du harem du roi.


La Perle et la coquille est un grand roman sur la condition des femmes afghanes. En racontant les vies de Rahima et Shekiba, on se rend compte que la situation a peu évolué en cent ans. Les femmes sont toujours soumises, elles appartiennent d'abord à leur père qui choisit de les marier, même très jeunes, et ensuite à leur mari. Elles doivent alors apprendre à vivre avec les autres femmes de leur mari, jalouses et parfois méchantes entre elles, et avec leur belle-mère, qui contrôle la maisonnée et n'hésite pas à donner des coups de canne dès qu'un détail ne leur convient pas. Leur rôle, en plus d'assurer toutes les corvées ménagères, est de mettre au monde des enfants, et surtout des fils. Gare à celles qui n'y parviennent pas rapidement, elles sont rejetées par leur belle-famille et ne peuvent pas toujours retourner auprès de leurs parents. Pour ces femmes qui manquent cruellement de liberté, il y a pourtant de l'espoir, avec les gouvernements et les temps qui évoluent, et surtout avec la détermination et le courage de femmes fortes comme Rahima et Shekiba et comme Khala Shaima, la tante de Rahima, qui ne cesse de clamer l'importance de l'éducation et de l'école pour les filles.

Avec Shekiba, on est plongés au cœur de l'Afghanistan du début du 20e siècle. Son histoire est terrible : enfant, la moitié de son beau visage est accidentellement brûlé, et elle est alors rejetée et moquée par tous, puis elle passe de main en main, offerte en cadeau. Par chance, elle parviendra à survivre et à devenir garde du harem du roi, et finira par connaître son plus grand bonheur, en devenant mère.

Avec Rahima, c'est l'Afghanistan actuel que nous découvrons. Rahima est une jeune fille dynamique qui souffre du manque de liberté et qui renait en devenant une bacha posh. Mais, elle finit par être mariée à treize ans à un seigneur de guerre et devra s'habituer à sa nouvelle vie et à ses devoirs de femme, car Allah en a décidé ainsi. Avec elle, on découvre également le Parlement, une vaste fumisterie, mais où les femmes ont un rôle important à jouer pour changer leur condition.

A travers ces deux histoires parallèles, c'est toute une vision de l'histoire de l'Afghanistan qui nous parvient. Femmes battues, violées, immolées, lapidées, détruites par la mort d'un enfant... rien ne nous est épargné. La plume de Nadia Hashimi est agréable et jamais ennuyeuse, les chapitres s'enchaînent sans aucun temps mort et on ne s'ennuie pas une seconde avec les histoires passionnantes de Rahima et Shekiba qui reflètent les vies secrètes des Afghanes d'hier et d'aujourd'hui.

J'ai découvert ce roman grâce à une Opération Masse Critique, merci à Babelio et aux éditions Milady !


tous les livres sur Babelio.com