jeudi 26 janvier 2012

Des vies d'oiseaux de Véronique Ovaldé

Le lieutenant Taïbo se rend à la somptueuse villa des Izzara située dans les collines de Villanueva pour une étrange histoire de cambriolage : rien n'a été volé mais des individus ont manifestement habité la villa durant les vacances des propriétaires. Et ce n'est pas le premier cas ! Avec l'aide de Vida Izzara, la magnifique, mais esseulée, femme de Gustavo, le lieutenant Taïbo mène l'enquête sur les traces des malfaiteurs. L'affaire aurait-elle un lien avec la disparition de Paloma, la fille des Izzara ?

Résumé ainsi, on a l'impression que le dernier roman de Véronique Ovaldé est une intrigue policière. Mais non pas du tout : le lieutenant Taïbo découvre très vite les coupables. Ce qui intéresse Véronique Ovaldé  ici, ce sont surtout les relations entre les personnages

Il y a d'abord Vida et Taïbo :
Au début, tout semble les séparer : leur vie, leur milieu social, leur situation familiale. Vida Izzara est mariée, riche, mère et habite dans une luxueuse villa des beaux quartiers. Taïbo vit seul dans un mobile-home et a du mal à se remettre d'une rupture difficile. Et pourtant, tous les deux vont apprendre à se connaître et à s'apprécier.

Mais aussi Vida et Paloma :
Mais que s'est-il passé pour que la belle et jeune Paloma quitte la maison familiale sans plus donner de nouvelles ? Avec de nombreux retours en arrière, Véronique Ovaldé retrace le contexte familial et la rupture mère/fille. Depuis la mort de son amie d'enfance, Paloma s'oppose à tout ce que représente sa mère. C'est ainsi qu'elle rencontre Adolfo, qui vient d'Irigoy la "ville des chiens" et s'enfuit avec lui.

On a donc au final des histoires d'amour, des histoires de famille et des personnages qui cherchent à se libérer d'un environnement étouffant et stérile, à s'éloigner des conventions sociales. En plus, c'est bien écrit et ça se lit tout seul. On a vraiment l'impression de se retrouver dans ce pays imaginaire et lumineux d'Amérique du Sud. Que demander de plus ? Peut-être des personnages un peu moins caricaturaux (la fille parfaite mais rebelle, la mère bourgeoise, le jeune homme charmeur...) ? Le début du roman est un peu long mais j'ai été vite happée par le récit. J'ai donc pris beaucoup de plaisir à lire ce roman de Véronique Ovaldé, mon tout premier, et je vais sûrement continuer avec Ce que je sais de Vera Candida.

Un extrait :

Ce matin-là il y a une belle lumière orange qui confère une phosphorescence étrange aux murs de la palissade et à l'antenne-satellite. On voit même la lune dans le ciel très bleu - ses cratères sont aussi bleus que le ciel et on dirait qu'elle est percée ou transparente par endroits. La maison est silencieuse. Une maison dont les fenêtres ne s'ouvrent pas est une maison effroyablement silencieuse. C'est comme si on lui demandait de subvenir en circuit fermé à sa propre subsistance - et cette pensée inquiète Vida, elle a l'impression de se retrouver dans un roman terrifiant où la chaudière prend vie (ou bien le congélateur ou n'importe quoi de théoriquement inerte, ronronnant et sans âme), et où l'objet qui s'anime réduit la famille en esclavage, massacrant d'abord quelques-uns de ses membres puis réduisant les survivants en esclavage.


Avec ce roman, je participe au challenge de Hérisson !




jeudi 19 janvier 2012

Hymne de Lydie Salvayre

Hymne se veut une biographie romancée du célèbre chanteur et guitariste Jimi Hendrix. Lydie Salvayre part de son ressenti intime, de ses connaissances et fait également appel, avec réserve, à ce qu'elle appelle la "Légende" de Jimi Hendrix.

Je ne connais que très peu de choses sur Jimi Hendrix, et ne peux donc pas juger de la véracité des propos de Lydie Salvayre. En tout cas, j'ai apprécié qu'elle ne se borne pas raconter la vie d'Hendrix, mais qu'elle l'intègre dans un contexte, celui des États-Unis à l'époque du guitariste, soit 1942-1970. Et pour Hendrix, qui est à la fois noir, blanc et Cherokee, le contexte n'est pas terrible : extrême pauvreté, racisme, violence familiale etc. Puis, il est découvert par celui qui deviendra son manager, Chas Chandler, qui le persuade de venir à Londres, et c'est le début du succès et de la reconnaissance. Quand, le matin du lundi 18 aout 1969, il interprète au Festival de Woodstock, The Star-Spangled Banner (hymne américain) avec sa guitare et tout en distorsion, il frappe un grand coup dans une société américaine encore raciste et en pleine Guerre du Vietnam qui va réveiller les consciences. Si Lydie Salvayre part de cet épisode pour écrire son livre, c'est parce qu'on aurait bien besoin de réveiller les consciences à nouveau. J'ai aimé son introduction quand elle explique son idée de départ (voir extrait), qui m'a tout de suite plu et en plus, c'était l'occasion d'en apprendre un peu plus sur Jimi Hendrix, sans passer par une biographie officielle.

Mais voilà, je n'ai pas réussi à finir ce roman. Je me suis vite lassée du style de Lydie Salvayre. En tout cas ici, je n'ai pas pu aller plus loin que la page 116, ce qui, sur 241 pages, correspond quasiment à la moitié. J'ai trouvé l'écriture de l'auteur trop volontairement sophistiquée, trop lyrique par moments. Je m'explique : certains passages m'ont semblé n'être que des redites d'une même phrase, mais avec d'autres mots, comme si Lydie Salvayre souhaitait nous faire partager sa grande connaissance de la langue française. Au début, c'était intéressant, et c'est un exercice admirable qui prouve le travail de l'auteur sur son texte. Mais j'ai fini par trouver cette façon d'écrire lourde, et ces successions de synonymes m'ont un peu ennuyée. Lydie Salvayre joue également avec la présentation de ces textes : retours à la ligne, sauts de ligne etc. Je n'ai pas beaucoup apprécié ce genre d'exercice de style, mais c'est juste une question de goût (ou d'état d'esprit quand j'ai commencé à le lire ?) et je suis sûre que d'autres lecteurs sauront mieux que moi apprécier l'écriture de Lydie Salvayre dans Hymne.

La lecture de ce livre fut donc une déception, surtout qu'ayant vu l'émission La Grande Librairie du 8 septembre 2011 avec Lydie Salvayre comme invité, j'avais été charmée. Je remercie (quand même) mon amie bibliothécaire qui m'a donnée l'occasion de découvrir ce livre !

Un extrait :

Je voudrais, disais-je, faire l'éloge de l'Hymne joué par Hendrix, dans cet esprit analphabète cher à Bergamín, et en allant par mes chemins imaginaires, au gré des fictions que j'ai brodées sur l'homme tout au long de ces années, à partir de détails glanés ici et là, des on-dits, des rumeurs, des histoires vraies et fausses et des Hauts Faits de la Légende hendrixienne.

J'écoute l'Hymne, ce matin, tout en jetant mes yeux sur le journal du soir plus encore de pauvreté et plus encore de fanatisme. Et je me dis que si The Star Spangled Banner n'a pas cessé d'agir sur nous depuis toutes ces années, s'il nous parle aujourd'hui avec une urgence et une intensité rares, s'il est plus que jamais d'actualité, ce temps où Hendrix apparut à l'épicentre d'un monde foisonnant de promesses et d'espoir (et ce, en dépit des désastres guerriers et des exactions racistes), ce temps des rêves naïfs auxquels nous adhérâmes il y a près d'un demi-siècle, ce temps désormais est échu, et s'est éloigné de moi, de nous, à une distance astronomique.

Et une participation de plus au challenge de Hérisson :







lundi 16 janvier 2012

Le café d'Yllka de Cécile Oumhani



Après une quinzaine d'années passées loin de son pays natal, Emina retourne chez son oncle Feti en ex-Yougoslavie. Ensemble, ils évoquent le souvenir de la mère d'Emina et sœur de Feti, disparue en pleine guerre balkanique, et dont il ne reste que quelques lettres. Dans un carnet, Emina cherche à retrouver et réunir ses souvenirs. Elle y parle de ses premières amours, de sa sortie de l'enfance, de sa cousine plus âgée, mais aussi de la guerre, des bombardements, des tirs de snipers dans les rues de Sarajevo, de son père parti les défendre à la guerre, et surtout de sa mère, qui pour protéger Emina et son petit frère, les a envoyés loin du conflit, tout en restant attendre le retour du père. Qu'est-elle devenue ? Est-elle morte ? C'est une réponse à ce doute qui la retient dans le passé qu'Emina est venue chercher dans son retour aux sources.

Quelques mots sur l'auteur : Cécile Oumhani, née en 1952 en Belgique, est une poète et romancière franco-britanno-tunisienne qui a déjà publié de nombreux ouvrages.


C'est avec une très belle écriture imagée que Cécile Oumhani parvient d'emblée à nous plonger dans le récit. On entend les sirènes annonçant un bombardement proche ou le sifflement d'une balle qui passe tout près, on voit les immeubles détruits par les obus, on s'enfonce avec Emina dans les caves en attendant un court répit.

Les personnages sont attachants : le père qui joue de la guitare dans la cave pour rassurer ses proches, Alija le petit frère qui n'abandonne jamais son chat et Yllka, cette mère courage qui jamais ne pleure de peur de montrer ses faiblesses. Enfin, Emina ne peut que nous toucher dans sa recherche de cette mère perdue, dans cette quête impossible qui l'empêche d'avance et la bloque dans son passé.

Si l'image de sa mère est floue, comme le sont les souvenirs d'Emina, c'est par les odeurs et les gestes, qu'elle s'en rappelle. Certains passages m'ont particulièrement enchantée : l'écriture y est poétique et les images très belles.

" La nuit gomme les lignes, efface les années, convie les êtres et leurs secrètes empreintes, d'un souffle venu peupler le paysage à la fenêtre. La nuit offre un sol à son corps délivré. D'un chemin rêvé, elle glisse vers le cercle des visages. Ébahie de couleurs et de sons, elle fouille la présence qui l'envahit, cherche le grain caché du lieu, interroge l'énigme des amonts qu'elle a rejoints. La nuit tisse l'étoffe de lendemains où s'estompera le fardeau de l'énigme, où elle regagnera les rives d'un temps naufragé. "

Si Emina n'a pas existé, elle est pourtant une image de toutes ces personnes qui ont perdu des proches dans une guerre absurde, qui n'ont jamais eu de nouvelles et qui se demandent s'ils sont morts et comment. Ce court roman, qui se lit d'un bout à l'autre sans pouvoir s'arrêter, est universel et m'a profondément touché. Pas étonnant que, paru en 2008, il ait reçu le Prix Littéraire Européen de l'ADELF (Association Des Écrivains de Langue Française) en 2009. 

" Les gens courent dans la rue. leur pas sont de longues enjambées. Ils touchent à peine la chaussée. On dirait des oiseaux qui prennent leur envol, pour éviter la mort qui va fondre sur eux depuis les collines. Les coquilles qui protégeaient leurs vies sont en morceaux et ils sont devenus des oiseaux aux ailes légères. Ils les déploient pour rejoindre ceux qu'ils aiment et quand ils sont près d'eux, ils les gardent grandes ouvertes pour les protéger. Emina a juste le temps d'apercevoir leurs visages amaigris par l'attente. Elle s'élance. Elle va franchir le vide, les épaules transpercées à la pensée  de l’œil qui la guette peut-être, la poitrine déjà incendiée par l'arme pointée sur elle quelque part autour de la ville assiégée."

Je tenais à dire quelques mots sur l'édition de cet ouvrage car j'ai été impressionnée par la qualité : une très belle couverture à rabats et un papier épais de qualité qui font du livre un très bel objet et ne donne que plus envie de le lire. Allez donc voir le catalogue des éditions elyzad.

Merci aux éditions elyzad et à Libfly pour cette belle découverte dans le cadre de l'opération "Deux éditeurs au Maghreb se livrent sur Libfly.com" dont j'avais déjà parlé ici (à la fin du billet).


jeudi 12 janvier 2012

Du nouveau pour la nouvelle année...

Tout d'abord, je vous souhaite une excellente année à tous et beaucoup de belles lectures et découvertes à partager ! Me voilà de retour sur ce blog après une petite pause... Et pour bien commencer l'année, voici quelques nouveaux livres qui ont atterri dans ma bibliothèque !

La littérature asiatique, ne cesse de me tenter grâce notamment aux éditions Picquier. Cette fois-ci, c'est Funérailles célestes de Xinran, qui raconte l'histoire d'une femme chinoise qui part à la recherche de son mari disparu au Tibet et découvre un pays bien différent de la Chine communiste. 

Ensuite, j'ai trouvé, à la très chouette librairie Paysages (librairie indépendante située à Embrun dans le 05),  Au Japon ceux qui s'aiment ne disent pas je t'aime d'Elena Janvier. Il s'agit en fait d'un trio de françaises ayant vécu au Japon, qui nous font partager, sous la forme d'un dictionnaire, quelques différences de culture et de civilisation entre la France et le Japon. J'ai déjà parcouru quelques pages au hasard, car c'est un petit livre qui se picore, et c'est à la fois intéressant et drôle. 

A Marseille, j'aime La Touriale, très belle librairie à deux pas de chez moi, et j'y fais un tour dès que possible. Cette fois-ci, je suis repartie avec deux livres, Le lien et Ceux d'à côté, de Laurent Mauvignier publiés aux éditions de Minuit. C'est un auteur que j'aime bien, découvert avec les très bons Dans la foule et Des hommes.

Et pour finir, L'écriture comme un couteau d'Annie Ernaux, livre d'entretiens dans lequel elle évoque son rapport à l'écriture et Pourquoi lire ? de Charles Dantzig, un livre à picorer également, par l'auteur du Dictionnaire égoïste de la littérature française.

Avec tout ça, je crois que je vais bien commencer l'année non ?