dimanche 31 janvier 2016

Gloire tardive d'Arthur Schnitzler

Edouard Saxberger est un vieil homme, fonctionnaire à Vienne, qui mène une vie tranquille et routinière. Un soir, Wolfang Meier, un jeune homme qui se dit poète, l'attend de pied ferme chez lui. Il vient de découvrir un recueil de poèmes, les Promenades, publié il y a bien longtemps et oublié depuis, dont l'auteur n'est autre que Saxberger. Totalement exalté par ce qu'il a lu, Meier invite Saxberger à se joindre à son groupe d'amis, artistes en tous genres, qui se réunit régulièrement dans un cercle de jeunes poètes appelé Exaltation. Adulé par les membres du cercle, Saxberger se prend rapidement au jeu et semble rajeunir et revivre. Mais, poète, il ne l'est plus depuis longtemps, et alors que le cercle décide d'organiser une soirée littéraire pour mettre en avant leurs écrits, Saxberger parviendra-t-il à composer une nouveau poème ?

Arthur Schnitzler est un auteur autrichien, fin 19e siècle, début 20e siècle, qui m'était totalement inconnu jusque-là. Je découvre cet auteur avec Gloire tardive, une nouvelle ou court roman inédit jusqu'à aujourd'hui. Dans Gloire tardive, Schintzler dépeint une société de jeunes artistes en herbe inconnus mais ambitieux. Il s'inspire directement de son expérience dans un cercle littéraire, la Jeune Vienne qui se réunissait au café Griensteidl au centre de Vienne. Autant dire tout de suite que l'image que dépeint Arthur Schnitzler n'est pas très flatteuse : les jeunes artistes du cercle Exaltation, poètes ou écrivains, pérorent plus qu'ils n'écrivent. Il y a aussi une comédienne,  Ludwiga Gasteiner, plus très jeune mais toujours extravagante, voire agaçante, toujours en quête du rôle qui la révèlera. Se voulant à l'écart des sentiers battus, ils peinent à se faire connaître. Seule la figure du vieil homme, Saxberger, est touchante : flatté et honoré, il se laisse facilement amadouer par ces jeunes gens qui lui offrent une gloire qu'il n'avait jamais eue. Voilà une réaction bien humaine ! Rapidement, il fait preuve de lucidité et comprend que jamais il ne retrouvera sa jeunesse et le temps lointain où il était poète en herbe. Ce n'est pourtant qu'à la fin qu'il reviendra à la raison, une fin douce-amère qui ne laisse pas indifférent.

J'ai toujours un peu peur avec les publications à titre posthume, les inédits retrouvés ou les œuvres tirés des fonds de tiroir ou du fond d'un disque dur, comme ce fut le cas avec Désaccords imparfaits de Jonathan Coe, une grosse déception. Certaines œuvres à mon avis ne sont pas publiées non sans raison. Avec Gloire tardive, le risque était moins grand car n'ayant jamais lu d'autres œuvres d'Arthur Schnitzler, je n'ai aucun élément de comparaison et ne peux donc dire si son talent est moindre ici. Ce que je peux dire, c'est que j'ai été agréablement surprise par la fluidité de l'écriture de l'auteur, et si le sujet traité ne me parait pas neuf ou original, il l'est fait de façon plaisante et bien menée.

Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour cette découverte.

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lundi 25 janvier 2016

Le Musée du silence de Yoko Ogawa

Dans un village un peu perdu, un jeune muséographe est chargé de construire un musée pour exposer une étrange collection : celle des objets volés aux défunts du village juste après leur mort. Employé par une vieille dame acariâtre qui vit dans un manoir près du village, il prend son nouveau travail très à cœur même lorsqu'il s'agit d'aller lui-même récupérer les objets après la mort des habitants. Rapidement, il se lie d'amitié avec le jardinier du manoir et la jeune fille qui s'occupe de la vieille dame. Mais, un attentat terroriste et des jeunes filles assassinées viennent ternir la nouvelle vie du muséographe.

Avec ce roman, Yoko Ogawa nous plonge dans une atmosphère feutrée et inquiétante, dans laquelle le grand et sombre manoir parait hanté et la vieille dame entourée de mystères. Un peu plus loin, on trouve un marécage troublant qu'il faut traverser pour rejoindre les moines qui revêtent la peau des bisons morts et font vœu de silence. On a alors l'impression d'être hors du temps et hors du monde réel : les personnages n'ont pas de nom et sont uniquement nommés par leurs fonctions, et même les événements les plus concrets - les meurtres et l'attentat - sont balayés d'un revers de main, comme négligeables. C'est assez troublant et je m'interroge encore sur le sens de ce roman qui manque parfois de rythme. Pourtant, on est comme envoûté par l'écriture de Yoko Ogawa, qui évoque, avec une pudeur typiquement japonaise, la mort, la disparition des êtres et la mémoire à travers les objets qu'ils laissent.

C'est le premier roman de Yoko Ogawa que je lis grâce à Amandine, ma partenaire du swap "Portrait chinois" et cela m'a donné de découvrir un peu plus cet univers particulier alors merci :)

samedi 16 janvier 2016

[BD] Réalités obliques de Clarke

La première impression qui m'est venue en recevant cette BD grâce à Masse critique de Babelio, c'est "quel bel objet !" : superbe couverture cartonnée, papier épais de qualité qui met en valeur les illustrations, design sobre et élégant. J'ai également tout de suite reconnu le trait caractéristique du dessinateur Clarke, auteur de Mélusine, une bande-dessinée qu'il m'est parfois arrivé de lire.

Ici, Clarke a choisi du noir et blanc pour illustrer avec talent une vingtaine de petites histoires en quatre fois quatre cases. Il n'y a donc pas d"histoire à proprement parler, les scènes qui s'enchaînent n'ayant pas de rapport entre elles. Mais, il y a bien un point commun qui les réunit dans cet ouvrage : c'est la réalité qui bascule étrangement dans le surnaturel ou l'absurde, une vision cauchemardesque et surréaliste à faire pâlir le lecteur.  

On y trouve pêle-mêle une femme qui ne vit qu'un jour sur deux, des ombres qui prennent vie, des enfants diaboliques, des hommes condamnés à revivre sans arrêt la même scène ou invisibles malgré eux... S'il est difficile de trouver une cohérence dans la construction de cette bande-dessinée, on enchaîne quand même à toute vitesse ces différentes histoires, qui font réfléchir notamment sur la solitude des êtres. Avec cet univers sombre, on est bien loin de la BD humoristique Mélusine, même si on retrouve le personnage éponyme dans une des petites histoires de Réalités obliques. Clarke nous montre ainsi sa capacité à sortir de son univers habituel, et c'est réussi !

Merci aux éditions Le Lombard et à Babelio pour cette découverte intéressante.


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jeudi 7 janvier 2016

Miniaturiste de Jessie Burton

A 18 ans, Nella Oortman quitte son village pour se marier avec Johannes Brandt. Une belle aubaine pour cette jeune fille car Johannes est un riche et respecté marchand d'Amsterdam. Mais, Nella déchante rapidement : sa belle-sœur Marin lui réserve un accueil froid ; son mari, qu'elle ne voit que très peu, s'avère distant bien que gentil et sa servante Cornelia a la langue bien pendue. Nella ne trouve du réconfort que dans la maison de poupées que lui a offerte Johannes comme cadeau de mariage : une magnifique maison qu'elle va s'empresser de décorer de meubles confectionnés par une étrange et secrète miniaturiste d'Amsterdam.

Miniaturiste est un roman entre deux genres, historique et fantastique à la fois. Jessie Burton a fait un travail formidable en restituant l'ambiance d'Amsterdam, puissante ville commerciale à la fin du 17e siècle, dont j'ai découvert avec beaucoup d'intérêt une partie de l'histoire. Avec Nella, on découvre les quartiers de la ville, le canal, les odeurs, les mœurs et coutumes et les guildes commerciales dont l'importance influe énormément sur la vie des habitants. C'est aussi une critique féroce de la société de l'époque, hypocrite et puritaine, reléguant les femmes à l'arrière-plan. Ici, les héroïnes, Nella, Marin et Cornelia sont toutes trois des femmes fortes à leur manière et Jessie Burton en dresse un portrait convaincant et attachant.

D'un autre côté, le roman se fait aussi conte fantastique : une grande maison à l'atmosphère oppressante, des chuchotements la nuit, des secrets qui se dévoilent au fur et à mesure, entretenant le suspense pour le lecteur. Et puis surtout, il y a cette miniaturiste mystérieuse et talentueuse qui connaît bien des choses sur la famille Brandt et qui semble vouloir, telle une prophétesse, prévenir et protéger Nella des dangers à venir...

Quelle belle découverte ! Avec son premier roman passionnant, Jessie Burton a frappé fort et devient incontestablement une auteur à suivre !

mercredi 6 janvier 2016

Le petit copain de Donna Tart

Harriet a douze ans et grandit dans l'ombre d'un frère assassiné alors qu'elle n'était qu'un bébé. Son père est parti vivre ailleurs, sa mère est anéantie et abrutie par les médicaments qu'elle prend, sa sœur se réfugie dans le sommeil dès qu'elle le peut. Restent sa grand-mère, Eddie, et ses trois tantes, adorables vieilles femmes. Harriet se met en tête de retrouver l'assassin de son frère, avec l'aide de son fidèle ami Hely, sans savoir sur quel dangereux chemin leur quête va les mener...

J'avais adoré Le Maitre des illusions de Donna Tart, mais j'avais aussi abandonné, au bout de quelques 300 pages, Le Chardonneret malgré les nombreuses critiques élogieuses et le succès du roman. C'est donc avec une légère hésitation que j'ai décidé de lire Le petit copain, en me demandant ce qu'il allait en être cette fois-ci : coup de cœur ou déception ? 

Cette fois-ci, c'est un gros coup de cœur pour ce roman qui nous plonge dans l'Amérique profonde et pas très reluisante, à travers le regard lucide d'une jeune fille de douze ans, une Amérique parfois hypocrite, raciste, violente et dure, qui nous emplit d'un sentiment profond d'injustice. Malgré quelques digressions, Donna Tart réussit un coup de maitre en nous emportant du début à la fin dans l'été d'Harriet qui bouleversa sa vie en la faisant quitter définitivement le monde de l'enfance pour celui des adultes, menaçant et impitoyable. Tous les personnages du roman sont décrits en profondeur et on ne peut s'empêcher d'éprouver pour eux des sentiments parfois contradictoires. Ce roman, que je vous conseille vivement, ne vous laissera pas indifférent !

lundi 4 janvier 2016

Bonne année 2016 !


Je vous souhaite à tous une très belle année 2016 et beaucoup de bonheur ! Qu'elle soit pleine de belles lectures, de superbes découvertes, de voyages, de plaisir et d’inoubliables instants !

L'heure a sonné de faire un court bilan sur cette année 2015 qui vient de se terminer.

Côté lectures, trois romans lus en 2015 sortent un peu du lot et j'ai envie de vous les faire partager à nouveau : 



Bone season de Samantha Shannon : pour les amateurs de fantasy, un roman passionnant et impossible à lâcher. Malheureusement, la traduction française du tome 2 est prévu pour le 4 janvier 2017, un an pile poil, c'est vraiment trop long !




Amours de Léonor de Récondo : un magnifique roman sur l'amour entre deux femmes, et leur vie dans la société française au début du 20e siècle. Encore une fois, Léonor de Récondo m'avait séduite avec sa belle écriture !






La Terre qui penche de Carole Martinez : lu en fin d'année, ce roman a été un coup de cœur, et j'ai eu plaisir à retrouver le Moyen-Âge merveilleux de Carole Martinez.







Côté séries TV, je me suis régalée avec UnReal et j'ai frissonné avec Fortitude.

Enfin, côté perso, 2015 a été une année marquante, parfois dure et inimaginable, mais aussi une belle année avec le début de la vie à deux, le permis, la réussite d'un concours, de nouvelles rencontres, l'exposition universelle à Milan et des séjours en Normandie et dans les Alpes. Je me suis également un peu lancée dans les loisirs créatifs, il y a tellement techniques à découvrir, et je me régale ! Pourvu que 2016 soit aussi bien ou même mieux !

Encore une belle année à vous, profitez-bien !