mardi 30 juin 2015

Destination PAL, le challenge de l'été !

C'est la troisième année que Lili Galipette convie tous les blogueurs, blogueuses et ceux qui le souhaitent à partir en voyage à destination de notre PAL (une pile de livres à lire pour les non-initiés) et cette année j'y participe !

C'est un challenge très simple pour les vacances : on s'inscrit soit avec sa PAL de toujours, soit avec une PAL l'été et on lit sans stress, à notre rythme et ce qu'on veut. A la fin du challenge, on compare notre PAL de départ et notre PAL d'arrivée et on savoure les résultats. Le challenge démarre le 1er juillet et se termine le 31 août.

Je n'ai jamais fait de PAL, non pas que je sois contre le principe, mais à la base j'achète un livre et je le lis, j'en achète un autre et je le lis, etc. etc. Mais ces derniers temps, je dois être un peu atteinte de tsundoku, et mes livres, achetés, reçus ou empruntés, s'accumulent, sur une table basse, puis une autre... Il est temps d'agir !

J'ai donc décidé de constituer une PAL d'été pour participer au challenge :

Et 11 livres, 11 !

De haut en bas :

La couronne verte de Laura Kasischke
Pietra Viva de Léonor de Récondo
Alabama Song de Gilles Leroy
Le Chardonneret de Donna Tart
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage de Haruki Murakami
D'un mauvais oeil de Jessica Treadway
Le cœur entre les pages de Shelly King
Bonsoir, la rose de Chi Zijian
La mort avec précision de Isaka Kôtarô
Peine perdue d'Olivier Adam
Les Lisières d'Olivier Adam

D'accord, j'ai peut-être été un petit peu optimiste... On verra bien comment sera ma PAL d'arrivée !

Si vous aussi souhaitez participer au challenge sans prise de tête de Lili Galipette, n'hésitez plus et allez vous inscrire ici !

samedi 27 juin 2015

Le coeur qui tourne de Donal Ryan

Bobby Mahon était le contremaître très respecté de l'entreprise de construction qui fait vivre son village en Irlande. Mais, Pokey Burke, le patron de l'entreprise, s'enfuit et laisse tous ses ouvriers au chômage et sans indemnité en pleine crise économique. Vingt-et-un narrateurs, membres de l'entreprise ou du village, se succèdent pour apporter leur voix dans ce roman choral. Plus ou moins proches de Bobby, ils dressent ensemble un portrait très honorable de l'ancien contremaitre, toujours prêt à aider ses ensembles, jusqu'à ce qu'un drame survienne...

Écrire un roman choral est un exercice difficile : chaque personnage doit avoir son style particulier et différent des autres et, quand on choisit d'en créer vingt-et-un, l'auteur doit faire preuve de beaucoup de talent pour éviter les redondances. C'est le cas ici : dans son tout premier roman, Donal Ryan, écrivain irlandais, maîtrise particulièrement bien cette technique. Les vingt-et-un personnages qui s'expriment forment un ensemble cohérent et jamais lassant. Tout de même, j'ai parfois regretté la trop courte longueur des chapitres qui s'enchainent à toute vitesse et laisse, mais rarement, un goût d'inachevé.

Bobby Mahon, cet homme de confiance accusé d'un terrible crime, revient au centre des pensées des personnages, et le portrait qu'il en ressort en est d'autant plus complexe. Mais au-delà de l'homme, c'est toute une vision de l'Irlande en pleine crise économique que donne voir ce roman avec une noirceur certaine, à travers de multiples personnages, hommes et femmes, prostituée ou policier, ouvrier ou employé. Avec cette communauté villageoise, Donal Ryan peint un tableau social, mais aussi véritablement humain.

Le premier roman de Donal Ryan publié aux éditions Albin Michel laisse entrevoir un grand écrivain que j'espère retrouver bientôt dans un nouveau livre.

jeudi 25 juin 2015

Une vie entre deux océans de M.L. Stedman

Tom Sherbourne revient de la Grande Guerre et recherche tranquillité, calme et solitude pour se remettre des horreurs qu'il a vues. Ainsi, il obtient le poste de gardien du phare de l'île de Janus, au large de l'Australie. Alors qu'il se destine à une vie solitaire, il rencontre Isabel. Très amoureux, Isabel et Tom se marient et vivent un bonheur radieux sur l'île de Janus, malheureusement obscurci par les fausses couches d'Isabel. Alors qu'ils viennent encore de perdre un enfant, un canot vient s'échouer sur l'île. A son bord, le cadavre d'un homme et un bébé, bien vivant. Tom s'apprête à signaler l'incident mais Isabel parvient à le convaincre de garder l'enfant et de le faire passer pour le leur. Lucy grandit auprès d'eux et, si leur bonheur est grand, Tom ne peut s'empêcher de penser à la mère de Lucy, peut-être vivante mais privée de sa fille...

Une vie entre deux océans est un de ses romans qui vous emportent complètement grâce à un suspense et une histoire très bien maitrisés. C'est le premier roman de M.L. Stedman auteur australienne qui vit à Londres, et on peut dire qu'il mérite amplement son succès. 

L'histoire se déroule sur l'île de Janus, une petite île australienne à la beauté sauvage et l'on sentirait presque l'odeur de la mer en tournant les pages du roman. M.L. Stedman semble s'être bien documentée sur la vie d'un gardien de phare à cette époque. C'est dur, contraignant mais complètement adapté à Tom Sherbourne, parfait dans ce rôle. La forte relation qu'il entretient avec son phare est touchante et j'avoue avoir envié un instant cette vie isolée, calme et portée par les saisons qui s'écoulent lentement sur l'île.

Côté personnages, Isabel est bouleversante : c'est une femme détruite car elle ne parvient pas à avoir d'enfant et qui est prête à tout pour garder auprès d'elle celui d'une autre. Mais c'est Tom qui m'a le plus touchée : c'est un homme fondamentalement bien poussé à faire quelque chose de mal, c'est un héros et survivant, hanté par les horreurs de la guerre et les gens qu'il a dû tuer. Comme lui qui a pris une terrible décision, nous sommes déchirés entre Isabel, qui a enfin l'occasion de voir son rêve comblé, et la vraie mère de Lucy, qui attend peut-être toujours le retour de son bébé. Sa décision et la culpabilité qui en découle le poursuivent et le torturent au fil des années. Il est autant rongé de l'intérieur que touché par sa petite Lulu qui grandit, ce qui finit par entacher inexorablement son bonheur conjugal.

Une vie entre deux océans est un roman émouvant, qui nous tient en haleine jusqu'à la fin, une fin réussie car en demi-teinte, ni tout à fait heureuse, ni tout à fait malheureuse. 
Le roman devrait prochainement être adapté au cinéma par Dreamworks et Michael Fassbender serait meme prévu dans le rôle de Tom Sherbourne. A voir !

mardi 23 juin 2015

Deux brûle-parfums d'Eileen Chang

Deux brûle-parfums, ce sont deux court romans dont l'action se situent à Hong Kong à l'époque coloniale. 

Dans le premier brûle-parfum, Ko Wei-lung est une jeune Shanghaienne d'origine modeste qui demande à Madame Liang, sa riche tante à la réputation sulfureuse, de l'héberger pour pouvoir continuer ses études à Hong Kong. Bien qu'elle ait presque atteint la cinquantaine, Madame Liang, une mondaine sur le déclin, se fait appeler "Jeune madame" par ses domestiques et voit en Wei-lung une nouvelle occasion d'attirer de jeunes hommes dans ses soirées... Wei-lung s'y résout au risque de perdre ses illusions et son innocence.

Dans le deuxième brûle-parfum, Roger Empton est un professeur respecté de la South China University à Hong-Kong, sur le point d'épouser la jeune et belle Susie Mitchell. Cette dernière, de par son éducation incomplète, ne connaît rien à l'amour et aux plaisirs de la chair. Lors de sa nuit de noces, elle réagit très mal au point de compromettre la réputation de Roger...

Quel plaisir que de plonger dans ces deux romans qui évoquent une société partagée entre les traditions et la modernité occidentale. Le choc de culture est très bien représenté par Eileen Chang qui nous fait ressentir l'ambiance coloniale comme si on y était. On y aperçoit les mauvais travers et l'hypocrisie d'une société mondaine qui se veut trop moralisante tout en acceptant certains comportements indécents, une société où les femmes manquent d'éducation sexuelle par puritanisme, ou bien se laissent aller à tous leurs désirs.

L'écriture d'Eileen Chang est agréable et nous embarque dans son univers dès le début par ses mots qui ouvrent le récit : Retrouvez chez vous, s'il vous plaît, un vieux brûle-parfum de famille tout constellé de vert-de-gris, allumez-y des copeaux d'aloès et écoutez-moi vous raconter une histoire du Hongkong d'avant-guerre : lorsque les copeaux auront fini de brûler, mon histoire, elle aussi, sera terminée.

Deux brûle-parfums est une très belle découverte et je remercie grandement Babelio et les éditions Zulma pour leur confiance.

tous les livres sur Babelio.com

mercredi 17 juin 2015

Rêves de garçons de Laura Kasischke

Fin des années 70 aux États-Unis. Kristy Sweetland et sa meilleure amie Desiree sont en vacances dans un camp de pom-pom girls. A dix-sept ans, elles ont toute la vie devant elles et comptent bien en profiter. Avec Kristi, une autre pom-pom girl, elles quittent le camp, à bord d'une Mustang rouge flamboyant pour aller se baigner dans le fameux Lac des Amants. Sur la route, elles croisent deux jeunes garçons du coin à bord d'un vieux van. Parce que Kristy leur a souri par mégarde, les deux garçons décident de les suivre...

Dans ce roman, Laura Kasischke évoque à merveille l'adolescence et le passage à l'âge adulte. Kristy et Desiree sont insouciantes comme peuvent l'être deux belles et populaires jeunes filles et se croient immortelles. Alors que les cigales se réveillent à peine et rythment leur roman avec leur chant omniprésent, elles s'ouvrent au monde, à la sexualité mais aussi à la dure réalité qui parfois les rattrape. Leurs actes ont des conséquences et elles vont l'apprendre d'une terrible manière.

Comme dans ses autres romans, Laura Kasischke sait nous tenir en haleine en racontant un quotidien banal, voire cliché : au début, on se croirait presque dans un teen movie avec ces adolescentes gâtées par la vie qui roulent en décapotable et où l'alcool et le sexe ne manquent pas. Mais le roman glisse lentement, mais sûrement, vers le drame, vers un dénouement terrible et inattendu, le tout avec un soupçon d'étrangeté qui perturbe et interpelle le lecteur. Il y a toujours quelque chose de pourri dans cette société américaine que Laura Kasischke raconte.
 
Laura Kasischke est décidément un auteur que j'aime beaucoup. En témoignent mes autres chroniques sur ses romans :


Plus que La couronne verte à lire (déjà dans ma pile de livres), et je crois que c'est tout... A quand le prochain roman ?

samedi 6 juin 2015

La parole contraire d'Erri De Luca

Erri De Luca, poursuivi en justice par la LTF (Lyon-Turin ferroviaire) pour avoir incité à saboter et dégrader la ligne TAV (treno ad alta velocità), risque au maximum cinq ans de prison. En effet, Erri De Luca soutient publiquement le mouvement NO TAV qui s'oppose à la construction d'une ligne de train à grande vitesse dans la vallée de Suse. En 2013, il déclare au Huffington Post, entre autres : "je reste persuadé que la TAV est une entreprise inutile et je continue à penser qu'il est juste de la saboter". La parole contraire est en quelque sorte une réponse au procès qu'on lui fait. 

Dans ce court texte, Erri De Luca revient sur la présumée capacité d'incitation d'un écrivain, à partir de sa propre expérience de lecteur et évoque ses influences comme Orwell, Pasolini... Un écrivain peut-il inciter à rejoindre un mouvement contestataire ? Pour Erri De Luca, la réponse est non car la rencontre avec un livre qui nous touche et due au hasard :  "La littérature agit sur les fibres nerveuses de celui qui a la chance de vivre la rencontre entre un livre et sa propre vie. Ce sont des rendez-vous qu'on ne peut fixer ni recommander aux autres. La surprise face au mélange soudain de ses propres jours avec les pages d'un livre appartient à chaque lecteur."

Pourtant, l'écrivain a bien un rôle : "Son domaine est la parole, il a donc le devoir de protéger le droit de tous à exprimer leur propre. [...] Telle est la raison sociale d'une écrivain, en dehors de celle de communiquer : être le porte-parole de celui qui est sans écoute." C'est bien ce que fait Erri De Luca en s'engageant auprès du Val de Suse, en se battant auprès de ceux qui luttent avec détermination pour protéger leur vallée d'un désastre environnemental et qui n'ont peut-être pas l'écho médiatique qu'ils souhaiteraient. Pour autant, il n'incite pas à la violence et appelle les procureurs en charge de l'affaire à regarder les différents sens du mot "saboter" dans le dictionnaire : "Son emploi ne se réduit pas au sens de dégradation matérielle, comme le prétendent les procureurs de cette affaire. Par exemple : une grève, en particulier de type sauvage, sabote la production d'un établissement ou d'un service. [...] J'accepte volontiers une condamnation pénale, mais pas une réduction de vocabulaire."

Erri De Luca revendique son droit à la "parole contraire", c'est-à-dire la possibilité d'exprimer une opinion autre, différente, et non pas obséquieuse qui elle est "toujours libre et appréciée". En relevant les incohérences et les absurdités de ce procès, Erri De Luca donne une piètre image de la justice italienne dans cette affaire et ne peut que toucher la fibre révolutionnaire qui se niche en nous. 

Il y a beaucoup de citations d'Erri De Luca dans cette chronique car quoi de mieux que les mots justes et forts de l'écrivain italien pour parler de ce texte. Pour finir, l'auteur rappelle avec raison l'article 21 de la Constitution italienne : "Chacun a le droit de manifester librement sa propre pensée par la parole, l'écrit et tout autre moyen de diffusion." Voilà la vraie victime de sabotage dans cette affaire : la liberté d'expression, "liberté de parole contraire".