Je ne connaissais Jean Anouilh que par sa très appréciée pièce de théâtre, Antigone, lue et étudiée au collège, relue avec plaisir plusieurs fois ensuite. Jusqu'à présent, je n'avais rien d'autre de cet auteur, et c'est ce challenge qui m'en a donné l'idée, puisque le texte de cette pièce a été publié en 1986, année de ma naissance, chez Gallimard.
Un homme et un jeune homme partagent un taxi pour se rendre dans un vieil hôtel de luxe dans une petite ville d'eaux. Ils y rencontrent un petit garçon, dont la mère fait partie d'une troupe de musiciens venus égayer les soirées à l'hôtel, un commissaire à la retraite, un concierge, un veilleur de nuit et des clients de passage. Le petit garçon, qui s'ennuie car sa mère est accaparée par son métier de musicienne et son nouvel amant, Alberto, rencontre une petite fille bourgeoise dont il tombera amoureux. Le jeune homme est venu annoncer à sa femme qu'il la quittait, pour partir avec une autre femme. L'homme, dont on sait seulement qu'il est déjà venu il y a longtemps dans cet hôtel, les observe, les conseille et commente leurs faits et gestes. Au fil des dialogues et des situations, on se demande si le petit garçon, le jeune homme et l'homme ne sont pas en fait la même personne, à différentes époques mais toujours dans le même lieu, la petite ville d'eau et son vieux palace. Comment est-ce possible ? Que s'est-il passé ? Qui est cet homme ? C'est le commissaire, étonnamment bien renseigné sur les personnages et situations, qui va lever le voile sur ce mystère...
Jean Anouilh donne à voir dans cette pièce de théâtre toute une vie d'homme, de l'enfance à l'âge mur, incarnés par trois personnages, qui se retrouvent au même moment et au même endroit. On est parfois un peu perdus tant la chronologie des événements est floue et ambiguë. C'est un bon livre à relire, pour repérer les indices sur la fin laissés par l'auteur tout au long du livre. Dans les passages que j'ai particulièrement aimés, je me rends compte qu'il s'agit souvent des tirades du commissaire, celui qui, petit à petit, amène l'homme, et le lecteur, à découvrir la vérité.
Le vieil hôtel apparaît comme un endroit mystérieux, sorte de purgatoire, d'entre-deux mondes, atmosphère renforcée par des lumières blafardes et des musiques étranges (dans les indications de scène). Certains acteurs sont amenés à jouer deux rôles, celui de leur personnage jeune et celui de leur personnage qui a vieilli. Plus qu'à lire, c'est une pièce à voir, car on ne reconnaît pas tout de suite l'acteur qui apparaît une deuxième fois pour jouer son personnage vieilli, et l'effet de surprise est alors plus efficace.
Je n'ai pas retrouvé dans L'Arrestation la même émotion que j'avais eu, et que j'ai encore, en lisant Antigone. Cependant, certains dialogues particulièrement bien écrits ont fait mouche, laissant apparaître derrière les personnages, l'auteur, qui critique une certaine hypocrisie de son époque. Jean Anouilh nous offre au final une histoire intéressante de la vie d'un homme, tiraillé entre une vie simple, conforme et ennuyeuse et une vie d'aventures mais sans femme et enfants. La révélation finale, que l'ont peut deviner dans une lecture attentive (et sans lire la quatrième de couverture...) est finalement bien amenée.
Quelques extraits :
"On attache toujours une importance exagérée au présent. On s'agite et, pour finir, nous ne vivons que de souvenirs, comme si les faits, de même que certains plats cuisinés, n'étaient vraiment bons que réchauffés. Le moment nous file entre les doigts, informe, et c'est après, quand tout se remet en ordre, qu'on le déguste... Et rarement dans l'ordre chronologique - qui est une belle foutaise des hommes, vous ne trouvez pas ?..." (Le Commissaire p.80-81)
"Quand le cœur cesse de battre et qu'on est mort pour la médecine, le cœur arrêté, une dernière pulsation irrigue encore une fois le cerveau, vous me l'accordez ? C'est de la mécanique. On a donc encore une seconde d'images ? Un dernier petit tour, les souvenirs, et puis s'en vont... Toujours est-il que, pour une seconde, le cœur arrêté, on est à l'intérieur de cet instant..." (Le commissaire, p.99)
"C'est admirable la bourgeoisie. C'est la seule classe sociale qui ait trouvé réponse à tout. Elle a assis solidement son gros derrière sur les autres, et peut se consacrer uniquement à son bonne conscience. Remarquez qu'il commence à y avoir des secousses dans le derrière - mais cela ne l'incommode pas encore trop... La maman de cette petite fille est en train de se payer sous nos yeux, les délices de la charité - avec un vieux fond de thé et un reste de tarte aux pommes... Regardez-la qui se rengorge comme une poule, ses perles satisfaites sur son gros jabot luisant... elle fait un peu de social, pendant le five o'clock. Elle aide un petit malheureux avec beaucoup de générosité, à se hisser d'un cran en dehors de l'ornière." (Le Commissaire, p.134)
Les extraits de L'Arrestation de Jean Anouilh sont issus de l'édition Folio (Gallimard).
La pièce de Jean Anouilh a été représentée pour la première fois, à Paris, le 20 septembre 1975 au théâtre de l'Athénée.
Lu dans le cadre du challenge "Année de naissance" organisé par Sabbio.
Jean Anouilh donne à voir dans cette pièce de théâtre toute une vie d'homme, de l'enfance à l'âge mur, incarnés par trois personnages, qui se retrouvent au même moment et au même endroit. On est parfois un peu perdus tant la chronologie des événements est floue et ambiguë. C'est un bon livre à relire, pour repérer les indices sur la fin laissés par l'auteur tout au long du livre. Dans les passages que j'ai particulièrement aimés, je me rends compte qu'il s'agit souvent des tirades du commissaire, celui qui, petit à petit, amène l'homme, et le lecteur, à découvrir la vérité.
Le vieil hôtel apparaît comme un endroit mystérieux, sorte de purgatoire, d'entre-deux mondes, atmosphère renforcée par des lumières blafardes et des musiques étranges (dans les indications de scène). Certains acteurs sont amenés à jouer deux rôles, celui de leur personnage jeune et celui de leur personnage qui a vieilli. Plus qu'à lire, c'est une pièce à voir, car on ne reconnaît pas tout de suite l'acteur qui apparaît une deuxième fois pour jouer son personnage vieilli, et l'effet de surprise est alors plus efficace.
Je n'ai pas retrouvé dans L'Arrestation la même émotion que j'avais eu, et que j'ai encore, en lisant Antigone. Cependant, certains dialogues particulièrement bien écrits ont fait mouche, laissant apparaître derrière les personnages, l'auteur, qui critique une certaine hypocrisie de son époque. Jean Anouilh nous offre au final une histoire intéressante de la vie d'un homme, tiraillé entre une vie simple, conforme et ennuyeuse et une vie d'aventures mais sans femme et enfants. La révélation finale, que l'ont peut deviner dans une lecture attentive (et sans lire la quatrième de couverture...) est finalement bien amenée.
Quelques extraits :
"On attache toujours une importance exagérée au présent. On s'agite et, pour finir, nous ne vivons que de souvenirs, comme si les faits, de même que certains plats cuisinés, n'étaient vraiment bons que réchauffés. Le moment nous file entre les doigts, informe, et c'est après, quand tout se remet en ordre, qu'on le déguste... Et rarement dans l'ordre chronologique - qui est une belle foutaise des hommes, vous ne trouvez pas ?..." (Le Commissaire p.80-81)
"Quand le cœur cesse de battre et qu'on est mort pour la médecine, le cœur arrêté, une dernière pulsation irrigue encore une fois le cerveau, vous me l'accordez ? C'est de la mécanique. On a donc encore une seconde d'images ? Un dernier petit tour, les souvenirs, et puis s'en vont... Toujours est-il que, pour une seconde, le cœur arrêté, on est à l'intérieur de cet instant..." (Le commissaire, p.99)
"C'est admirable la bourgeoisie. C'est la seule classe sociale qui ait trouvé réponse à tout. Elle a assis solidement son gros derrière sur les autres, et peut se consacrer uniquement à son bonne conscience. Remarquez qu'il commence à y avoir des secousses dans le derrière - mais cela ne l'incommode pas encore trop... La maman de cette petite fille est en train de se payer sous nos yeux, les délices de la charité - avec un vieux fond de thé et un reste de tarte aux pommes... Regardez-la qui se rengorge comme une poule, ses perles satisfaites sur son gros jabot luisant... elle fait un peu de social, pendant le five o'clock. Elle aide un petit malheureux avec beaucoup de générosité, à se hisser d'un cran en dehors de l'ornière." (Le Commissaire, p.134)
Les extraits de L'Arrestation de Jean Anouilh sont issus de l'édition Folio (Gallimard).
La pièce de Jean Anouilh a été représentée pour la première fois, à Paris, le 20 septembre 1975 au théâtre de l'Athénée.
Lu dans le cadre du challenge "Année de naissance" organisé par Sabbio.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire