Belgrade, 1999, pendant les bombardements de l’OTAN. Dans l’espoir d’émigrer aux États-Unis et de quitter leur condition d’Européens de l’Est, le narrateur et son épouse décident non seulement de participer à la loterie de l’immigration organisée par le gouvernement américain, mais également d’y inscrire leur chienne Milica. C’est cette dernière qui remporte le ticket gagnant, et se révèle soudain douée de parole. Mais d’autres phénomènes étranges font leur apparition : certains livres deviennent comestibles, les appareils ménagers sont capables de mener une révolte suicidaire, les animaux de compagnie ont des prétentions d’écrivains...
C'est en lisant le résumé du roman ci-dessus que je me suis laissée facilement tenter par ce titre proposé chez Libfly pour l'opération La Voie des Indés (dont je vous avais parlé ici). En effet, le roman me permettait de découvrir la littérature serbe et promettait d'être drôle et original.
L'action du roman se déroule à huis clos : un couple et leur chienne, retranchés dans leur appartement à Belgrade, pendant les bombardements de l'OTAN en 1999. Milica, petite chienne noire, gagne la loterie et donc la fameuse carte verte lui permettant de s'installer aux États-Unis. Là voilà soudainement douée de parole,
et elle ne va pas se priver pour l'utiliser, allant même jusqu'à écrire
un livre. Elle adopte les valeurs et croyances des Américains (et donc
de l'OTAN), ses futurs compatriotes, et c'est l'occasion de débats très
animés avec ses maitres serbes. Pendant qu'ils enchainent leurs réflexions autour de la guerre et de leurs pays, leur quotidien s'écroule sous les bombardements, renforçant le côté absurde de la situation : animaux sauvages en liberté, aliens qui débarquent, appareils ménagers qui disjonctent, coupures d'eau et d'électricité...
Dès la préface intitulée "Nous , Européens de l'Est", le ton du roman est donné : "Rares sont ceux, dans l'Occident éclairé, qui ont connaissance de cette donnée : en Europe de l'Est, les gens naissent avec une trompe et des cornes.". Mileta Prodanović s'attache à décrire la société serbe avec une ironie féroce et un cynisme mordant. Écrit pendant les bombardements de Belgrade en 1999, ce roman n'est pas très tendre ni avec les Serbes, ni avec les Américains. Un petit rappel historique s'impose : les bombardements de Belgrade de 1999 (Opération Allied Force) ont eu lieu pendant la guerre du Kosovo dans le but de faire plier la République fédérale de Yougoslavie et de renverser le dictateur au pouvoir, Slobodan Milošević. Cette opération a duré 78 jours, a causé de graves problèmes sanitaires et tué des centaines de civils, pour lesquels l'OTAN a invoqué le concept de "dommage collatéral". Le sous-titre du roman "un livre collatéral et absolument politiquement incorrect" y fait donc clairement allusion. Mais pas de sang, de morts ou de blessés dans le roman. La force de Mileta Prodanović est de jouer exclusivement avec le langage : il parodie discours officiels, discours médiatiques, discours de propagande provenant des deux côtés, il donne la parole à Milica mais aussi aux médias (la télévision est la seule à ne pas tomber en panne !) faisant entendre deux sons de cloche tout en insistant sur leurs ressemblances absurdes. On a donc très peu d'action et de descriptions mais beaucoup de dialogues.
Ironie, parodie, des effets de langage difficiles à traduire selon l'aveu même de la traductrice, Chloé Billon, dans sa postface qui éclaire bien des choses. Si on rajoute en plus ma méconnaissance des faits historiques et de la culture serbe en général (comportement, humour...), on comprend mieux pourquoi il m'a été difficile de rentrer complètement dans ce roman et d'en saisir tous les aspects. Si j'ai apprécié l'humour de l'auteur, je n'ai sans doute pas saisi toutes les allusions et ai fini par me lasser quelque peu du du côté jusqu'au-boutiste dans l'absurde. Ça pourrait bien être votre jour de chance est un livre que je conseillerai plutôt aux initiés, si on ne veut pas passer un peu à côté !
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