mercredi 23 avril 2014

La grâce des brigands de Véronique Ovaldé

Maria Cristina Väatonen vit à Santa Monica lorsqu'elle reçoit un coup de fil de sa mère, dont elle n'avait plus de nouvelles depuis des années, lui demandant de venir chercher Peeleete, le fils de sa sœur, et de l'adopter. Cet appel la bouleverse et la ramène au début des années 1970, quand elle s'échappait de Lapérouse (sa ville natale), de sa vie étriquée et empoisonnée par sa mère. Elle n'avait pas encore rencontré Rafael Claramunt qui allait devenir son amant et aussi son tuteur et protecteur dans le monde de l'édition. Car Maria Cristina Väatonen est avant tout écrivain. Son histoire nous est racontée par un narrateur biographe inconnu.

Le début du roman m'a laissée de marbre, notamment à cause du personnage très désagréable de Claramunt et de la façon dont Maria Cristina se laisse maltraiter sans réagir. Mais, j'ai finalement commencé à accrocher à l'histoire à partir de la description de la vie à Lapérouse et des relations très difficiles que Maria Cristina entretenait avec sa mère. Car, disons-le tout de suite, sa mère est une folle. Une folle extrémiste, mystique et ultra-religieuse qui voit le Diable partout et notamment chez ses deux petites filles, jusqu'à leur attacher les mains la nuit pour les empêcher de se masturber...  Meena, la sœur de Maria Cristina, est son contraire, et elles chamaillent et s'adorent comme toutes les petites filles, jusqu'à ce qu'un terrible accident, dont Maria Cristina se sentira toujours coupable, survienne et bloque à jamais l'état mental de Meena à celui d'une adolescente. Enfin, le père de Maria Cristina est un personnage mélancolique qui brille par son absence et sa faiblesse face à la Mère toute puissante et dont on regrette que la relation avec sa fille ne soit pas plus développée, car il est peut-être la seule touche d'espoir dans l'enfance de Maria Cristina.

On peut trouver plusieurs parties différentes dans ce roman : une partie sombre et noire qui raconte cette enfance à Lapérouse et une partie plus "californienne" où Maria Cristina s'émancipe et découvre le sexe, l'alcool, les soirées, le succès littéraire et Claramunt. Une amie et colocataire, Joanne, l'accompagne et la soutient dans les moments joyeux comme dans les plus difficiles. Maria Cristina rencontre également un chauffeur de taxi au nom improbable de Judy Garland, qui s'avèrera important dans sa vie. Enfin, la très courte troisième partie, dans laquelle Maria Cristina fait son retour à Lapérouse et rencontre Peeleete, me laisse un goût d'inachevé.

Mon avis sur ce roman est assez mitigé. J'ai bien aimé, mais il manque quelque chose pour que ce roman devienne un coup de cœur. Est-ce la fin trop rapide à mon goût ? Ou bien le manque de détails sur la vie à Los Angeles dans les années 1970 ? Ou le caractère effacé de Maria Cristina ? En tout cas, je n'ai rien à reprocher à l'écriture de Véronique Ovaldé, fluide, belle et qui se lit toute seule. J'en avais déjà fait l'essai avec Des vies d'oiseaux et mon sentiment se confirme.

Roman lu dans le cadre du Prix Océans.

vendredi 18 avril 2014

Du côté de Saint-Marcel à Marseille

Situé dans le 11e arrondissement de Marseille et au cœur de la vallée de l'Huveaune, le quartier Saint-Marcel est entouré de collines et de verdure. L'idéal pour prendre un bon bol d'air frais, dans un quartier peu connu et loin des foules.

Notre balade a commencé par le petit village de Saint-Marcel, pas très remarquable, à part peut-être son église et surtout ses jardins ouvriers au bord du Canal de Marseille, les derniers avec ceux de Sainte-Marthe.




Ce qui nous a le plus plu à Saint-Marcel, c'est le joli parc naturel de la Forbine, qui jouxte le château du même nom, malheureusement privé. On ne se croirait plus du tout à Marseille et on peut y faire une petite randonnée pédestre bien sympathique !




Enfin, à ne pas manquer dans ce quartier, c'est la pagode et centre bouddhiste vietnamien Truc Lâm, au pied du Mont Saint Cyr (176, boulevard de la Forbine). Surprenants tous ces bouddhas, mais l'endroit est bien trouvé et propice à la méditation.





samedi 12 avril 2014

Cosplay de Laurent Ladouari

Cosplay situe son action dans le futur et dans une Capitale entourée d'un Mur la séparant de la Zone, suite à de violentes émeutes (la Commune) ayant eu lieu des années auparavant.
Katie Dûma vit dans la Zone et se prépare à passer un entretien d'embauche dans la très renommée entreprise 1T, spécialisée dans les microprocesseurs, entreprise sur laquelle elle a rédigé sa thèse et qu'elle chérit profondément, mais qui aujourd'hui peine à être innovante. Le jour de son entretien, on apprend que 1T est rachetée par Zoran Adamas, surnommé le Gitan car lui aussi vient de la Zone et a construit tout seul son extraordinaire empire économique, le groupe Phénix. Zoran Adamas affiche clairement son but (et personne ne le comprend) : il veut détruire 1T. Pour cela, il invite les 3000 employés et membres de la direction de 1T à jouer pendant trois jours au Cosplay, un jeu de rôle virtuel, dans lequel tout est permis car chacun cache son identité derrière un personnage célèbre réel ou imaginaire. A la fin du jeu, 1T sera détruite...

C'est après avoir lu l'avis très enjoué de Missbouquinaix que je me suis laissée tenter par ce roman, et j'ai bien fait ! Cosplay est un de ces romans que l'on a du mal à lâcher, que l'on a toujours hâte de retrouver et dans lequel on plonge tout entier ! C'est un roman sur le monde de l'entreprise, sans être un instant ennuyeux. Dans ce monde figé, grippé par la hiérarchie, l'argent et le pouvoir, et dans lequel le talent n'est pas reconnu, le Cosplay intervient pour changer les règles, inverser les rôles et mettre en avant ceux qui le méritent vraiment. Ce monde n'est pas éloigné du notre et on ressent bien une certaine critique de notre société actuelle. Les employés jugent leurs chefs et jouent un rôle décisif dans l'avenir de leur entreprise. Bien sûr, le Cosplay, c'est totalement idéaliste, presque naïf, mais tellement bon à lire !

On prend du plaisir à essayer de deviner qui se cache derrière les personnages célèbres (de Madonna à Robespierre en passant par Athos et Che Guevara) qui participent au jeu et à suivre la jeune Katie, héroïne fraîche, motivée et droite, qui, accompagnée des plus modestes employés, va réussir à s'imposer face aux plus anciens ou puissants.
Pour son premier roman, le marseillais Laurent Ladouari nous offre un très bon récit d'anticipation, premier tome d'une saga ("Volution") dont le deuxième paraîtra l'année prochaine et je l'attends déjà avec impatience. En saurons-nous plus sur le passé de ce monde et les événements terribles qui en ont détruit une partie ? Et sur le mystérieux Zoran Adamas ?

A voir : une interview de Laurent Ladouari par Marsactu où l'on apprend que Cosplay s'inscrit dans la veine de Hunger Games et Harry Potter, mais aussi et surtout dans les romans d'Alexandre Dumas et de Jules Verne.



Le talk culture Marsactu : Laurent Ladouari... par marsactu

lundi 7 avril 2014

En un monde parfait de Laura Kasischke

Jiselle, hôtesse de l'air, est la plus heureuse des femmes quand Mark Dorn, le très beau pilote, et le plus convoité, la demande en mariage. Elle quitte son boulot et part s'installer chez Mark et ses trois enfants, dont la mère, Joy, est décédée, renversée par un autocar devant leur maison. Être femme au foyer dans une maison encore imprégnée par la présence de Joy n'est pas de tout repos. D'autant plus que, si Sam le plus jeune des enfants accepte tout de suite l'arrivée de Jiselle dans leur vie, ce n'est pas du tout le cas des deux filles de Mark, Camille et Sara, bien décidées à mener lui mener la vie dure. Sans compter que Mark est souvent absent et qu'une étrange épidémie, surnommée la "grippe de Phoenix",  frappe les États-Unis, en faisant des ravages et en menaçant l'équilibre de tout un pays.

En commençant En un monde parfait, je m'attendais à une histoire peut-être un peu banale, qui tournait autour de la mort mystérieuse de la première femme de Mark (façon Daphne du Maurier dans son très bon roman Rebecca) : était-ce un simple accident ou un suicide voire un meurtre ? Mark y avait-il joué un rôle ? Mais en fait pas du tout ! Le talent de narration de Laura Kasischke nous fait basculer petit à petit dans un roman presque apocalyptique, dans lequel la vie confortable des Américains se fissure : l'épidémie mystérieuse et sans remède semble faire de nombreuses victimes que le gouvernement cherche à cacher, les Américains deviennent des pestiférés interdits de séjour dans les autres pays, l'économie s'effondre, les mentalités changent, les extrémismes montent, tandis que la pénurie de carburant, de denrées alimentaires et les coupures répétées d'électricité affectent durement la vie quotidienne.

Laura Kasischke parvient à faire ressortir de la beauté de ce monde qui s'écroule : elle nous montre une famille unie, la solidarité qui naît entre voisins, la nature qui reprend le dessus. Le personnage de Jiselle, soumise et effacée, prend peu à peu de l'ampleur (heureusement d'ailleurs, car elle était assez insipide au début) et elle trouve en elle une force et une détermination jusqu'à devenir véritablement le pilier de la famille. Le récit nous tient d'un bout à l'autre et on dévore ce roman en se prenant d'affection pour Jiselle et les enfants dont elle a la charge.
 

samedi 5 avril 2014

Le Bataillon créole de Raphaël Confiant

Le bataillon créole désigne ici les jeunes martiniquais qui rejoignirent l’armée française, durant la guerre de 14-18, pour se battre aux côtés de leur « mère patrie », ce lointain pays qu’ils appelaient « Là-bas ».  De la guerre, ils n’en connaissaient ni le déclenchement, ni les enjeux, mais pour défendre  l’honneur de la Martinique et de la « Fwans », certains d’entre eux s’enrôlèrent, comme Théodore, coupeur de canne, Ti Mano éboueur municipale, Ferjule ajusteur à la distillerie et Rémilien l’instituteur.

C’est dans un très beau français créolisé que Raphaël Confiant évoque cette guerre à travers les paroles des soldats, mais surtout de leurs proches, restés en Martinique, et qui voient revenir des corps mutilés ou des cercueils – quand il y en a un. Certes cette langue particulière m’a semblé difficile au premier abord, mais je me suis laissée porter par les nombreuses images qu’elle véhicule, les mots m’étaient inconnus mais leur sens évident.  

On voyage de Martinique en France en passant par les lieux de célèbres batailles, la Somme, la Marne, Verdun et jusqu’au front d’Orient, le détroit des Dardanelles et la presqu’île de Gallipoli. La guerre en elle-même n’est évoquée véritablement que dans quelques épisodes, dont le plus marquant est peut-être celui des tranchées à Verdun. Dans ces épisodes, retranscrits dans des lettres ou des témoignages, on aperçoit les conditions de vie déplorables des soldats créoles, non seulement car ils doivent s’habituer à un climat totalement différent du leur, mais également car ils sont mis à l’écart par les officiers et autres soldats français qui considèrent que tout homme noir vient d’Afrique. Raphaël Confiant rend hommage à ces soldats martiniquais et à ce pan de l’histoire de la Première Guerre Mondiale qui m’était méconnu.

C’est aussi et surtout la vie en Martinique à cette époque qui nous est donnée à voir à travers des personnages hauts en couleur, dans leur langage, leurs superstitions, leurs traditions et leurs coutumes. Par certains aspects, le roman en devient même tragi-comique et c’est peut-être là tout le talent de Raphaël Confiant, de nous avoir donné à lire un roman sur un épisode tragique de l’histoire, sans tomber dans le pathos et le devoir de mémoire.

"Parle-moi de "Là-bas" ! Parle-moi surtout-surtout de la Marne, grand vent qui voyage sans répit de par le monde ! On dit que Théodore est mort dans une tranchée. Je ne comprends pas. Pourquoi l'armée de "Là-bas" se cachait-elle dans des trous au lieu de monter au front ? Pourquoi y attendait-elle que le Teuton fonde sur elle ?" (Man Hortense)

Lu dans le cadre du Prix Océans.