mercredi 10 octobre 2012

Sauvage de Nina Bouraoui


Imaginez une jeune fille de 14 ans, Alya, qui vit en Algérie, à la fin des années 1970. Elle est entre deux âges, celui de l'enfance et celui de l'adolescence. Elle garde encore des peurs d'enfant mais connaît également, les premiers émois, les premières amours et découvre la sexualité, celle des adultes. Alors pour faire face à ces changements, de son corps et de son esprit, elle écrit tout ce qui lui vient par la tête, ses souvenirs, ses expériences, sa vie à Alger dans l'attente de l'année 1980 qui arrive et qui promet des changements. Elle parle surtout de Sami, celui qui l'aime, et qui a disparu. 
On est littéralement plongés dans l'esprit d'Alya, qui écrit un long texte, sans chronologie apparente, et qui passe d'un sujet à un autre au gré de ses pensées qui s'agitent. On est parfois perdus par la confusion du texte, on revient en arrière pour retrouver le fil de ses pensées qu'on n'a oublié de suivre. C'est une lecture active, voire difficile, à laquelle il faut s'accrocher, mais le tout est sauvé par une magnifique écriture, pleine de poésie, très construite, qui utilise phrases courtes et fragmentées, et qui possède une véritable musicalité. Sauvage est un beau roman, celui de la peur du passage de l'enfance à l'adolescence, liée à la peur du pays face à l'année 1980.

Extrait :
Je n'ai pas peur de la nuit avant de m'endormir, je n'ai pas peur des esprits, j'ai peur de ce qui existe. Je crois que j'ai peur de la vie, comme on me l'a donnée, proposée. Parce que j'ai toujours l'impression de ne pas avoir le choix. D'être obligée de suivre les autres, le monde. La marche du temps. C'est comme un écrasement de savoir ça. D'être obligée de l'accepter pour devenir une vraie personne, c'est-à-dire une personne qui trouve sa place, qui s'inscrit dans ce monde et qui participe, avec les autres, à la marche, sans jamais pouvoir l'arrêter, ou lui faire changer de sens. La rotation des planètes. Toujours.

Lu dans le cadre du Prix Océans.

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