Dans son roman, Julie Otsuka choisit d'aborder un aspect souvent méconnu de la Seconde Guerre mondiale : les camps de concentration aux États-Unis créés à l'attention des citoyens d'origine japonaise. Nous suivons donc une famille d'origine japonaise, plutôt aisée, a priori bien intégrée dans leur paisible ville. Au lendemain de l'attaque de Pearl Harbor, le père de famille est arrêté et déporté dans un camp de prisonniers. La mère et ses deux enfants se rendent d'eux-mêmes, en suivant les consignes placardées un peu partout en ville, au train qui les conduit dans leur nouveau lieu de résidence, un camp en plein désert américain. Commence alors leur nouvelle vie de prisonniers dans des conditions déplorables : ils subissent chaleur extrême l'été et froid l'intense l'hiver, manque d'hygiène qui provoque des épidémies, rationnement, manque d'eau et de nourriture, pénuries en tout genre, attente continue (du courrier, des repas, d'informations...)... Une fois libérés, un retour à une vie normale est-il encore possible ?
Julie Otsuka s'inspire de la déportation de ses grands-parents en 1941, mais elle écrit son roman en se débarrassant de tout pathos que d'autres auraient pu facilement mettre en avant : on ne connait même pas le nom des personnages qui sont désignés uniquement par "le garçon", "la fille", "la mère". On peut alors avoir du mal à s'y attacher mais personnellement j'ai trouvé l'utilisation de ces termes génériques plutôt intéressante. On suit une famille comme tant d'autres et ce détachement apparent ne rend que plus puissant et réel le texte de Julie Otsuka. Car malgré tout, comment ne pas être touché par ce jeune garçon perturbé parce qu'il a vu son père être amené par des hommes du F.B.I. alors qu'il était en robe de chambre et pantoufles ? Et par le personnage très fort de la mère, qui se retrouve seule avec ses enfants, obligée de se séparer de sa maison, de ses animaux domestiques et de sa vie et qui se demande si son mari la reconnaîtra après des années de séparation ?
Quand l'empereur était un dieu évoque des événements de la Seconde Guerre mondiale dont on parle peu et rappelle le racisme envers les citoyens d'origine japonaise au lendemain de Pearl Harbor. Une lecture que j'ai beaucoup aimée et que je vous conseille !
Extrait :
Chaque semaine, ils entendaient circuler de nouvelles rumeurs.
On allait mettre les hommes et les femmes dans des camps séparés. On allait les stériliser. On allait leur retirer leur citoyenneté américaine. On allait les emmener en haute mer pour les exécuter. On allait les envoyer sur une île déserte et les y abandonner. On allait tous les déporter au Japon. On ne les autoriserait jamais à quitter l'Amérique. On allait les garder en otages tant que tous les prisonniers de guerre américains jusqu'au dernier ne seraient pas rentrées sains et saufs au pays. On allait les confier à la garde des Chinois dès que la guerre serait terminée.
"On vous a amenés ici pour votre propre protection", leur avait-on assuré.
C'était dans l'intérêt de la sûreté nationale.
C'était une question de nécessité militaire.
C'était pour eux l'occasion de prouver leur loyalisme.
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