mercredi 23 mai 2012

Désaccords imparfaits de Jonathan Coe

Désaccords imparfaits est un recueil de nouvelles écrites par l'écrivain britannique Jonathan Coe, publié chez Gallimard en 2012 (pour la traduction française). Il s'agit plus précisément de trois nouvelles et d'un texte écrit pour les Cahiers du Cinéma.

Ivy et ses bêtises (Ivy and her Nonsense) : le narrateur se remémore un souvenir d'enfance d'un Noël en famille, perturbé par une affaire locale de meurtre. A-t-il réellement vu le fantôme de l'homme poignardé par sa femme ? 
J'ai bien aimé cette courte nouvelle où l'on est plongé dans l'ambiance du roman. Dommage que la fin soit trop prévisible !

Ce Noël-là, pour la première fois, nous avions été jugés assez grands pour assister à la messe de minuit avec le reste de la famille. [...] Je n'ai pas gardé grand souvenir de cette messe, qui était ma première selon le rituel anglican. Je sais que je tendais l'oreille pour saisir des références au Saint-Esprit, mais ces références ne paraissaient guère menaçantes, contrairement à la traversée du cimetière qui suivit l'office. C'était en effet un lieu sinistre et solitaire, malgré les voix qui résonnaient tout autour de moi, qui bavardaient et se lançaient des au revoir avec leurs meilleurs vœux. Même mon grand-père, dont la vaste main coriace engloutissait la mienne, s'arrêta un instant pour considérer les pierres tombales éparses; et je sentis un frisson le parcourir. Peut-être parce qu'il avait froid, peut-être parce qu'il savait qu'il reposerait là, lui aussi, dans quelques années, au fond de sa tombe glacée par le vent d'est. 

9e et 13e (9th and 13th) : Pianiste dans un bar, le narrateur se met à imaginer ce qu'il aurait pu se passer s'il avait proposé à la jeune femme séduisante, qui lui demande où elle pourrait se loger, de dormir chez lui.
J'ai apprécié la courte histoire de ce personnage solitaire et particulièrement le passage (difficile à décrire) dans lequel il compose les accords musicaux qu'il ressent en habitant à l'angle de la 9e et 13. La nouvelle a d'ailleurs été reprise sous forme orale avec un accompagnement au piano.

9e et 13e. Vous savez quelle musique ça fait ? Cherchez vous-même; s'il y a un piano dans le secteur? Jouez d'abord... un do, mettons. Loin ers le bas du clavier, deux octaves plus graves que le do du milieu. Maintenez le petit doigt sur la touche, tendez les autres doigts, allez, tendez-les bien, au-delà de l'octave, jusqu'à ce que le pouce atteigne le ré. Et puis jouez les deux notes en même temps, et écoutez l'écart. Voilà la 9e. On est déjà presque déraciné. [...]

Version originale : Membre du jury pour un festival français de cinéma, le narrateur s'aperçoit que l'un des films en compétition a été écrit par une ancienne amie qu'il avait éconduit quand elle était tombée amoureuse de lui.

Journal d'une obsession : Ce journal raconte d'année en années l'obsession de Jonathan Coe pour le fil de Billy Wilder, "La vie privée de Sherlock Holmes".
C'est peut-être le texte du recueil que j'ai préféré par son côté personnel et anecdotique. Bel et puissant hommage au film de Billy Wilder, il donne vraiment envie de découvrir ce film et surtout la bande-son composée par Miklos Rosza.

1975
Un dimanche soir en tout point abominable ; le lendemain c'est l'école, et pour tenir cette perspective en lisière, une seule possibilité : la télévision. La BBC passe une film : La vie privée de Sherlock Holmes. Je me rappelle vaguement avoir vu la novellisation du scénario, non sans écœurement, quelques années plus tôt, pendant des vacances en Cornouailles. Pourtant le journal parle du film avec le plus grand sérieux. Billy Wilder, son réalisateur, est célèbre, apparemment. Je veux bien le regarder, ce film.

Globalement, je suis assez déçue de ce recueil de textes. J'ai été inévitablement attirée par le nom de Jonathan Coe, auteur que j'aime beaucoup, mais aucune de ces nouvelles, n'atteint le talent dont il a fait preuve dans les romans que j'ai lus comme La Maison du sommeil et Testament à l'anglaise. Bien sûr, elles restent agréables à lire et il est certain que la nouvelle ne permet pas de développer des intrigues complexes tout en s'attachant à la psychologie des personnages comme dans un roman. Sans être mauvaise, cette compilation de textes me semble pourtant n'être qu'un prétexte pour faire vendre un livre signé Jonathan Coe ! L'auteur l'écrit lui même : on lui a demandé une compilation et il a dragué les "fonds de son disque dur" pour en sortir les meilleures nouvelles écrites ces quinze dernières années. Cela en valait-il la peine ? Je ne sais pas et vous laisse en juger.

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