jeudi 21 juillet 2011

Qu'a-t'elle vu la femme de Loth ? de Ioànna Bourazopoùlou

Synopsis :
Dans le monde actuel, le Débordement a englouti les pays et continents du Sud. Paris est devenu un port méditerranéen où se sont installés les Soixante Quinze, une multinationale qui dirige le commerce d'un extraordinaire sel violet qui a jailli après le Débordement. Ce sel envoutant et mystérieux devient rapidement une denrée rare mais indispensable à tous. Les Soixante Quinze ont fondé une Colonie sur la Mer Morte, où ils emploient des colons chargés de l'extraction du sel. La Colonie est un désert, entouré de brume et de marais et le sel violet crée un climat étouffant, très chaud, dans lequel aucune plante ne peut survivre. Lorsque Philéas Book, auteur d'un jeu publié dans le Times - les "Lettres Croisées" -, est convoqué par la Compagnie des Soixante Quinze, il est loin de s'imaginer ce qu'il va découvrir. On lui demande alors de rédiger une grille de ses fameuses "Lettres croisées" à partir de six lettres de colons. Dans ces lettres, il découvre la vie des colons dans une cité isolée du monde, où la technologie a fait un bond d'un siècle en arrière (pas de pétrole, quasi aucun moyen de communication avec l'extérieur) et où les conditions de vie sont insupportables. Ces lettres décrivent les faits et gestes des six colons après l'événement inattendu venu perturber leur vie.

Mon avis :
Difficile de décrire cette intrigue très riche sans trop en dévoiler ! Bien que le début soit un peu lent et que l'on se perde un peu entre les personnages (qui utilisent en plus des noms de code), le récit devient vite passionnant et on se laisse emporter dans la lecture de ce roman de Ioànna Bourazopoùlou.

 Deux récits se chevauchent :

- les lettres des six colons : il s'agit des cinq décorés de l'Étoile Pourpre, la plus haute distinction de la Colonie, et du secrétaire particulier du Gouverneur Bera. On découvre un système hiérarchisé, corrompu, dans lequel les colons, "menteurs pathologiques, soupçonneux, sournois, narcissiques, violents, rapaces" sont hantés par leurs crimes, la peur et leur culpabilité. Plus qu'une simple histoire, c'est aussi une réflexion sur une société totalitaire. La Colonie, c'est une nouvelle Sodome, où le péché règne en maitre. Les six colons, désespérés de n'être seulement que des pions, vont se déchirer dans une succession d'événements sanglants, étonnants, voire absurdes.


- la lecture des six lettres par Philéas Book à Paris : Philéas semble être ici le seul à regretter le monde avant le Débordement, lors duquel il a perdu tous les êtres qui lui étaient chers. La Compagnie s'est enrichie grâce  au sel violet issu du Débordement et Philéas estime que "quand une société multinationale spécule sur une catastrophe géologique comme la faille de la Mer Morte par exemple, qui avait failli engloutir trois continents, il faut la considérer comme responsable de cette même catastrophe.". On assiste alors à un combat très inégal contre la Compagnie, dont Philéas déplore le monopole et les méthodes employées, à l'aide du seul moyen qu'il possède face à la toute-puissance, ses Lettres Croisées.

Aucun temps mort dans ce roman que j'ai beaucoup apprécié. Les événements s'enchaînent et la partie épistolaire de la narration est une réussite car il permet d'avoir les différents points de vue des protagonistes. Je déplore seulement le manque d'explications sur le sel violet et sur le Débordement. J'ai adoré la fin inattendue, bien que rapide, qui laisse place à l'espoir. Je vous conseille fortement la lecture de ce roman si vous en avez l'envie !

Un extrait :
Book, fermant les yeux, revoyait comme s'il y était les images de la catastrophe, que la télévision avait gravées à jamais dans sa mémoire. Les poissons morts couvrant les terrasses comme une neige argentée, les mouettes agonisant éventrées sur les antennes, les maisons flottant déracinées, les bateaux emportés par la marée venant se fracasser sur les Alpes, les habitants affolés grimpant sur les tables, puis les armoires, puis les toits, l'eau les poursuivant comme un serpent furieux, abattant murs et fondations ; les taureaux espagnols devenus fous se jetant dans l'écume et se noyant l'un après l'autre ; les détenus d'une prison dans une petite ville d'Italie, oubliés de tous dans la panique et noyés comme des rats ; la vieille squelettique à Ephèse, refusant de prendre la main des sauveteurs, comme si survivre ne valais guère mieux que disparaître, comme si elle ne voyait plus bien la différence, tandis que l'eau escaladait centimètre par centimètre son visage impassible, puis le recouvrait tout entier. Le visage de cette vieille marquait la fin de l'époque des réactions raisonnées.

Quelques mots sur l'auteure : 
Ioànna Bourazopoùlou est née à Athènes en 1968 et travaille au Ministère grec de la Santé. Elle est l'auteure de trois romans dont Qu'a-t-elle vu la femme de Loth ? qui a reçu le prix de la revue Dekata, prix de la Ville d'Athènes en 2007. 


Merci aux éditions Gingko et à Babelio pour ce partenariat.



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